Journée 2024: Situer l'expérience esthétique. Explorations critiques dans les arts audio-visuels et littéraires

Informations générales
 

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Jeudi 6 juin 2024

UNIL, Anthropole, salle 4173

Journée d'étude organisée par la FDi. Responsable: Jérôme Meizoz (FDi). Comité doctoral: Ana Marina Gamba (Section d'espagnol), Neda Zanetti (Secion de philosophie) et Lena Möschler (Section de français).

Problématique
Depuis au moins trois décennies, des penseur·euse·s de différents domaines ont insisté sur le caractère situé du savoir et de l’expérience. Avec différentes formulations et depuis des points de vue divers, nous pouvons reconnaître un intérêt pour la connaissance située dans les études de genre (Haraway 1988, 1991; Kirby 1997), la théorie critique de la race et les études décoloniales (Escobar 2007; Spivak 1993). Dans le cadre de ce tournant théorique, l’esthétique – entendue au sens large – a également posé, au centre de sa réflexion, l’ancrage territorial et incarné de la création, la circulation et la mise en scène des différents matériaux artistiques, comme le suggère par exemple Nicolas Bourriaud dans son ouvrage Esthétique relationnelle (1998). Dans le même esprit, les approches phénoménologiques en théorie du cinéma mobilisent critiquement le concept de spectateur·rice incarné·e (Marks 2000; Sobchak 2004), et nombre de critiques littéraires réfléchissent à la manière dont le lecteur·rice incarné·e s’engage avec le texte littéraire (Garramuño 2014; Ahern 2019), ainsi qu’à la façon dont la dimension situationnelle de la création reconfigure la figure de l’auteur postmoderne (Pérez Fontdevila et Zapata 2022). Ces diverses pistes ouvrent une réflexion sur la création et la réception à partir de la relation que l’œuvre entretient avec le milieu dont elle émerge, celui qui l’accueille et dans lequel le public se retrouve aussi.

L’œuvre s’ancre au sein d’un milieu qui est celui de sa création et de sa réception dans une relation ambiantale qui peut correspondre à ce que Gilbert Simondon qualifie de «techno-esthétique». C’est une forme d’expérience qui peut être celle des câblages d’un radar ou des antennes d’émission qui prennent «appui et substance sur le sol, grâce aux racines qu’émettent vers le bas les branches, jusqu’au sol où elles s’enfoncent, ce qui leur permet de soutenir les branches» (389): cette expérience, c’est celle de percevoir un objet en évolution avec le monde qui l’environne, naturel et humain à la fois. Or, les œuvres artistiques peuvent être tout autant en dialogue avec le milieu qui les accueille: nous pensons à des installations de land art (par exemple Asphalt Rundown de Robert Smithson ou Double Negative de Michael Heizer) ou certaines de Pierre Huyghe, des édifices du Corbusier, mais aussi des œuvres difficiles à encadrer, comme le livre/mural La compañía de Verónica Gerber Bicceci, ou aux adaptations d’œuvres littéraires d’un médium à un autre (un livre adapté en BD ou au cinéma…). Nous nous proposons d’interroger cette relation que l’œuvre construit avec le milieu dans lequel elle évolue, dans une perspective qui est tout autant écologique que médiologique. En effet, l’œuvre ne se situe pas seulement par rapport aux paysages qui l’entourent, mais aussi par rapport à l’épais réseau qu’elle entretient avec d’autres œuvres selon des styles, des genres et des généalogies voisines. Ainsi sa création et sa réception sont inclues dans un horizon élargi de l’évolution et du devenir de ses supports médiaux: les épistémologies de l’inter (-textualité et -médialité) peuvent ainsi constituer une ressource féconde pour l’analyser.

Ces explorations techniques et artistiques rejoignent les efforts de Donna Haraway pour repenser la dimension situationnelle du savoir. Dans son article de 1988, elle soutient que les pensées situées impliquent «an account of radical historical contingency for all knowledge claims and knowing subjects, a critical practice for recognizing our own “semiotic technologies”», ce qui, en conséquence, «require that the object of knowledge be pictured as an actor and agent» (1988: 592). Des telles définitions portent des conséquences cruciales pour la réflexion esthétique: les études théoriques et critiques, lorsqu’elles sont entreprises de manière située, impliquent une prise en compte de la contingence historique ainsi que des structures épistémologiques, politiques et sensorielles, non seulement de la production de l’œuvre artistique mais aussi de sa réception et de sa circulation. Dans cette perspective, aborder la réflexion critique de manière située suppose, comme le souligne Marie Jeanne Zenetti, «une réinvention continuelle et possiblement joyeuse de nos propres pratiques de recherches» (2021: 8). Il s’agit ainsi de réévaluer la pratique de lecture, étude, visualisation à la lumière des paradigmes qui la rendent possible (Zenetti 2022).

Loin des idées d’universalisme scientifique, la singularité d’une lecture ou visualisation située n’aboutit pourtant pas à un relativisme empêchant toute construction collective et sociale de la signification de l’art. Au contraire, elle conduit à reconsidérer les multiples résonances, coïncidences et différences qui émergent des partialités subjectives formant une cartographie de l’expérience esthétique située. Ces journées de formation doctorale ont pour but d’aborder les différentes manières dont l’expérience située affecte la création esthétique et sa critique.

Parmi d’autres, les questions suivantes sont susceptibles d’articuler la discussion au cours de la rencontre:

  • De quelle manière le support technique de l’œuvre influence son appréhension et sa compréhension? Est-ce que les transferts médiaux ont un impact sur l’œuvre littéraire, cinématographique, picturale, etc.?
  • Comment aborder, en tant que chercheur·e·s, l’expérience esthétique – comme matière de l’œuvre mais aussi l’expérience lectrice et spectatorielle – de façon critique?
  • De quelle manière concevoir les multiples relations médiales entre œuvres littéraires et audio-visuelles? Ces questions ouvrent vers des pistes intermédiales, multimédiales, transmédiales ou encore vers des réflexions sur la rémediation.
  • Comment les enjeux de genre, race et classe peuvent-ils affecter une création et une lecture/visualisation située d’une œuvre déterminée?
  • Que signifie et implique une critique littéraire, cinématographique ou artistique située?

Agenda
Les propositions sont à envoyer pour le 21 avril 2024 au plus tard par e-mail à: Anamarina.Gamba@unil.ch, Neda.Zanetti@unil.ch et Lena.Moschler@unil.ch, avec copie à Jerome.Meizoz@unil.ch et fdi@unil.ch

Nous vous remercions d’y indiquer votre discipline de rattachement, un titre, ainsi qu’une problématique de 1800 signes environ, avec une petite bibliographie de base (entre 5-8 titres). Organisées par panels, les présentations (d’environ 20 min.) seront suivies d’une dizaine de minutes de discussion commune.

Appel à contributions

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