2008 ‒ 2011
Applicant : Florence Passy
Collaborators : Gian-Andrea Monsch
Funding : FNS
Pourquoi des individus s’engagent pour défendre le bien-être et les droits des autres ? L’engagement politique pour d’autres – autre que soi et ses groupes d’appartenance (ethniques, de classe, etc.) –, que nous nommons altruisme politique, reste un champ de recherche à défricher. Peu d’études ont analysé cet engagement politique où les bénéfices de l’action sont dévolus aux autres. La sociologie des mouvements sociaux et les études sur l’altruisme offrent des pistes analytiques sans toutefois répondre entièrement à la question : pourquoi des individus s’engagent alors qu’ils ne bénéficient pas de leur action politique.
L’étude des mouvements sociaux a privilégié l’analyse des processus qui conduisent à l’engagement politique en mettant l’accent sur le comment de l’engagement mais en délaissant l’autre face explicative : le pourquoi de l’engagement. Outre cette faiblesse, les quelques études qui ont travaillé sur des formes d’altruisme politique n’ont pas contribué à enrichir sur un plan théorique et empirique la littérature sur les comportements pro-sociaux. Dans la même veine, ces études n’ont pas participé aux débats théoriques sur le paradigme utilitariste qui reste dominant en sciences sociales et qui repose sur une conception où l’individu oriente ses comportements en vue de maximiser ses intérêts. Les travaux sur l’altruisme ont en revanche participé à la mise en débat du paradigme individualiste et ont porté leur attention sur le pourquoi de l’altruisme. Ces travaux offrent ainsi des outils heuristiques pour (1) réfléchir au pluralisme motivationnel et (2) cerner le pourquoi de l’altruisme notamment par le bais de l’analyse des cognitions. Toutefois, ces études portent essentiellement sur des actes d’altruisme individuel et non sur des actes pro-sociaux de nature collective et politique.
Cette recherche vise à répondre à trois questions spécifiques. (1) Qui s’engage dans l’altruisme politique ? Ces militants ont-ils un profil social et normatif qui les distingue d’autres militants ? (2) Comment s’engage-t-on dans l’altruisme ? La recherche a mis en exergue que les réseaux jouent un rôle clé dans les processus de mobilisation mais une question demeure : est-ce que certains types de réseaux conduisent à l’altruisme politique ou existe-il une pluralité de réseaux qui mènent à ce type d’engagement ? (3) Pourquoi des personnes s’engagent-elles dans ce type d’action politique ? Cette question constitue la partie centrale de l’étude. Elle porte sur une analyse des cognitions des individus.
Par l’étude de l’altruisme politique, en particulier l’engagement dans des organisations de mouvements où le bien public est dévolu aux autres, cette recherche vise plus largement trois objectifs. (1) Elle vise à intégrer les apports des études de psychosociologie, notamment l’étude des cognitions, à l’analyse de l’engagement politique et cerner ainsi le pourquoi de l’engagement, facette négligée par les études sur les mouvements sociaux. (2) Par le biais d’une analyse comparant différents types d’engagement, l’étude vise à conduire une analyse sur la variation des processus d’engagement qui reste aujourd’hui une lacune de l’étude des mouvements sociaux. Cette étude, qui cerne les variations entre différentes formes d’altruisme politique et (b) différentes formes d’engagement protestataire (altruistes et non- altruistes), vise en suivant les propositions épistémologiques de Tilly d’enrichir les théories sur l’engagement en cernant la variation des processus. Enfin, (3) l’altruisme est un outil analytique puissant qui permet de cerner la force mais aussi les limites du paradigme individualiste. Cette étude vise à contribuer à la réflexion sur ce paradigme en nous interrogeant sur ses capacités heuristiques à expliquer les comportements altruistes ou sur la nécessité à élaborer d’autres approches, notamment celle du pluralisme motivationnel.
Cette étude mobilise une comparaison sur trois axes : (1) au sein de l’altruisme politique permettant de cerner les variations de ce type d’engagement (comparaison de militants engagés à Amnesty, SOS-Racisme, Collectifs de défense des Sans-papiers et à ATD Quart-Monde); (2) entre l’altruisme politique et des engagements non-altruistes (Greenpeace et Unia) mettant en exergue les spécificités de l’altruisme politique ; (3) entre différentes formes d’engagement (altruiste ou non) permettant d’analyser la variation des processus en fonction des enjeux politiques et de leur inscription dans des clivages distincts. L’étude s’appuie sur une double méthodologie, quantitative (sondages) et qualitative (entretiens semi-directifs), mieux à même à cerner le profil social des militants (qui), leur processus d’engagement (comment) et leurs cognitions (pourquoi).
Les mobilisations contre la mondialisation néo-libérale. Le contre-G8 à Evian en 2003 et le Forum Social Européen à Saint-Denis en 2003 : Programme de recherche du GERMM (Univ. Paris 1) et du CRAPUL (UNIL), mené par Olivier Fillieule, Florence Passy et Philippe Blanchard (2003-2005).