A Cuba: théories, pratiques et institutionnalisation de la recherche sur la religion. Pour un ‘État des lieux’ des relations entre politique et religion dans l’île caribéenne (1870- 2017).

Theories, Practices and institutionalization of Research on Religion in Cuba. For 'Taking stock' of the Current State of the Relations between Politics and Religion in the Caribbean Island (1870-2017).

Projet financé par la Commission de la recherche de la Faculté de théologie et des Sciences de Religions de l’UNIL, l’IHAR et la Société Académique Vaudoise.

 

Octobre 2017 - Juin 2020

 

Les changements politiques que Cuba a connus ces dernières années sous l’effet de plusieurs facteurs (ouverture partielle à l’économie de marché et à la petite entreprise privée, réduction de l’emploi public, crise économique amplifiée par l’embargo imposé par les Etats-Unis, conséquences matérielles de l’effondrement du bloc communiste, etc.) constituent autant d’éléments que les analystes s’accordent à identifier comme étant à l’origine du regain d’intérêt pour les pratiques et les appartenances religieuses. Celles-ci seraient, selon ces mêmes analystes, censées apporter à la population, désorientée par ces changements profonds qui touchent l’île depuis le début des années 90, l’ancrage stable à un horizon de sens qu’au niveau de l’imaginaire collectif le processus révolutionnaire ne serait plus en mesure de leur fournir. Derrière ce regain d’intérêt pour la religion, y compris auprès des autorités gouvernementales, d’autres facteurs aussi, d’ordre idéologico-stratégique, entrent toutefois en jeu. La recherche en cours teste une hypothèse : ce qui pousse aujourd’hui les autorités cubaines à réhabiliter les diverses expressions religieuses et à promouvoir en même temps le débat académique sur les religions et leur place dans la société civile est la mise en œuvre d’une nouvelle politique culturelle. Celle-ci vise à recomposer et relancer le socialisme d’État en articulant celui-ci à une tradition culturelle nationale où la ‘spiritualité’, comprise dans un sens très particulier, occupe une place de premier plan. Forgée par la pensée anticolonialiste et nationaliste de José Marti, cette ‘spiritualité’ renvoie à une faculté de l’esprit placée à l’origine de tout acte créateur dont la nature est politico-poétique. Cette piste de lecture mérite d’être développée du point de vue d’une histoire anthropologique de la culture cubaine : celle d’un imaginaire national qui, au niveau du discours idéologique, continue d’accorder aux valeurs spirituelles de nature éthico-esthétique-politique une indiscutable fonction instituante.

La problématique mise à jour dans des recherches antérieures, relatives au croisement du domaine du religieux et du politique, se trouve à l’origine de cette enquête destinée à dresser un ‘État des lieux’ (jamais établi jusqu’ici) du processus d’institutionnalisation de l’étude des religions à Cuba dans le cadre de la conjoncture historico-sociale que le pays traverse, et ce afin de dégager les logiques politiques et idéologiques véhiculées par le processus mentionné.

Les buts spécifiques du projet consistent à promouvoir de manière plus systématique, auprès du monde académique cubain opérant dans le domaine des sciences humaines, un exercice propre à la sociologie et à l’anthropologie des savoirs savants (en l’occurrence, les Sciences des religions). Un tel exercice consiste en une remise en perspective historique et critique de ces savoirs, assortie d’une réflexion sur la ‘fabrique de la connaissance’ dans laquelle entrent en jeu urgences politiques, impératifs sociaux, héritages culturels inconscients et non problématisés, luttes pour l’hégémonie culturelle entre les acteurs du pouvoir.

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