Vendredi 7 septembre
9h-12h : Cinémathèque suisse, salle du Cinématographe
14h-16h45 : UNIL, salle 4215
Tristan et Iseut au cinéma - histoires d'un mythe
Introduction d’Alain Boillat
Intervenant : Sylvain Portmann, chargé de cours, UNIL
Cours destiné en priorité aux enseignants du Secondaire II
La légende de Tristan et Iseut est à l'origine de nombreuses adaptations au cinéma : on recense une dizaine de films qui s’en sont inspirés plus ou moins directement. La légende est aujourd'hui principalement étudiée dans trois domaines distincts: les études littéraires médiévales ; le « champ » wagnérien (musicologie et art contemporain) ; la théorie du roman (incluant les partisans de L’Amour et l'Occident de Denis de Rougemont). Le cours propose de parcourir ces différentes approches puis d'aborder, en prenant compte des diverses variantes du récit (versions de Béroul, Thomas, etc.), le « mythe » et ses modalités d’actualisation dans le cinéma de fiction.
Nous nous concentrerons ensuite sur deux études de cas : L'Eternel retour (1943) de Jean Delannoy (scénario de Jean Cocteau), qui sera projeté dans une copie film en début de matinée ; Vertigo (titre français : Sueurs froides, 1958) d'Alfred Hitchcock, dont la musique est inspirée de l'opéra wagnérien. L’Eternel Retour propose une lecture originale du mythe en situant l’histoire dans une époque contemporaine à la réalisation du film (le début des années quarante), tout en effaçant la situation politique (Seconde Guerre mondiale / Occupation) et en opérant des choix qui le distinguent des versions antérieures. On pourra ainsi observer une « chaîne » de production qui va du Moyen-Âge aux années quarante, des textes médiévaux au scénario du film puis à sa réalisation. Les choix opérés par Cocteau pour l’élaboration du scénario et la réception critique du film à sa sortie seront spécifiquement abordés.
Dans son rapport au mythe, le cas de Vertigo est plus complexe. La musique du film, composée par Bernard Hermann, est certes directement inspirée par l’opéra wagnérien Tristan und Isolde (1865), mais le scénario est adapté du roman policier D’entre les morts (Boileau-Narcejac, 1954). Nous verrons quels ont été les choix d’Hitchcock (et de ses scénaristes), mais nous mettrons l’accent sur un autre aspect du film, en lien direct avec une interprétation proposée par le critique de cinéma d'après-guerre Barthélemy Amengual, qui considère plus généralement le mythe de Tristan et Iseut comme un lieu permettant de discuter la position du spectateur de cinéma : le rapport conflictuel qu'entretiennent entre eux les deux héros de la légende est vu chez lui comme une « modélisation » du lien complexe qu'entretient le spectateur au monde de la fiction, notamment en termes d’identification au personnage. Selon lui, Vertigo illustre de façon exemplaire ce qu’est devenu le mythe de Tristan, dans sa version dégradée dont il est question chez Denis de Rougemont.
Les deux études de cas seront accompagnées d’un corpus de textes issus de la réception, tant pour illustrer leur fortune critique à leur sortie en salles que pour observer la nature des discours de la presse spécialisée et généraliste qui traitent de l’adaptation.