Aide-mémoire : La bibliographie (en droit international public)
Cet aide-mémoire a été préparé par Sophie Thirion, assistante diplômée du Centre de droit comparé, européen et international et Evelyne Schmid, professeure au même Centre. Lausanne, février 2020.
La rédaction d’une bibliographie est une étape essentielle d’un travail de recherche. La bibliographie indique, en partie, la compréhension qu’un∙e auteur∙e a du sujet traité et de la priorisation des sources au sein de cette matière. Elle révèle également si les sources que la personne utilise sont nombreuses, variées, sérieuses et au moins en partie récentes et s’il s’agit effectivement d’un travail de recherche abouti qui permet de soutenir une analyse juridique pertinente et riche. Etablir une bonne bibliographie prend du temps. A la fin de ce document, vous trouvez un exemple.
Il y a plusieurs choses qu’il faut éviter dans une bibliographie car elles pourraient amener les correcteurs à disqualifier une bonne partie du travail juste en raison d’un défaut de méthodologie dans sa construction.
Par exemple, si on oublie un traité, une loi, un arrêt, un ouvrage de doctrine ou un autre document topique et abondamment analysé, l’auteur∙e peut voir son travail disqualifié à la simple lecture de la bibliographie en raison de l’absence d’un élément essentiel pour soutenir son analyse.
- Si l’auteur∙e intègre une source dans la mauvaise catégorie ou indique les catégories dans un ordre arbitraire, on peut penser que la personne n’a pas saisi les différences entre différents types de documents ou les différents acteurs qui les ont produits. Il y a une hiérarchie de la pertinence de différents types de documents et les sources juridiques ont des conséquences juridiques variées. Si par exemple, la personne mélange dans une même catégorie du droit souple et du droit contraignant cela conduit à penser qu’elle n’a pas saisi ces différences pourtant essentielles.
- Si vous rédigez un mémoire pour la CourEDH, les documents du Conseil de l’Europe ont un poids différent que les documents des Nations unies ou d’autres organisations. Il est donc utile de les séparer en catégories distinctes (avec des sous-catégories pour les différents types de documents).
Ainsi, la bibliographie est plus qu’une simple liste des références utilisées pour rédiger un travail, c’est un révélateur de la compréhension qu’a un∙e auteur∙e de l’articulation des sources et des documents qui soutiennent un raisonnement juridique. Voici quelques conseils pour éviter les cas décrits ci-dessus et pour élaborer une bibliographie qui démontre une bonne compréhension de la matière abordée.
Les principes à respecter sont : la hiérarchisation, la catégorisation, et la priorisation en fonction de l’importance des sources pour un sujet donné, le respect de l’ordre alphabétique et la pertinence et la variété des sources choisies.
La hiérarchisation
Les instruments internationaux et juridiquement contraignants (donc notamment les traités) ont un poids particulier. Une bibliographie en droit international commence donc par ces instruments. Ensuite, en fonction de votre sujet et du nombre de documents de ce type, réfléchissez à des titres pertinents pour des sections qui contiennent d’autres documents « hiérarchiquement inférieurs » comme p.ex. des arrêts contraignants, les documents des organes quasi-juridictionnels, des résolutions non-contraignantes, des recommandations ou des rapports. Séparez les ouvrages de doctrine des autres références et prévoyez une (ou plusieurs) section(s) à la fin pour tout ce qui reste (p.ex. sites Internet, émissions de radiodiffusion ou des documentaires etc.).
La jurisprudence, selon le sujet, peut faire l’objet d’un index jurisprudentiel séparé (avec des sous-catégories) si elle est conséquente ou bien elle vient après les instruments contraignants. Séparez des arrêts et les décisions des tribunaux internationaux (et régionaux) des décisions des tribunaux nationaux. Utilisez les termes « communications » et « décisions » pour les comités onusiens.
La catégorisation
La catégorisation dépend fortement du sujet traité. Il y a plusieurs types de catégorisations.
- La catégorisation institutionnelle : c’est-à-dire par exemple, créer une catégorie pour les documents du Conseil de l’Europe, une pour ceux de l’Union Européenne, de l’ONU etc. Pour la jurisprudence cela signifie créer différentes catégories selon les organes qui ont rendu les décisions qui nous intéressent.
- La catégorisation matérielle : C’est une catégorisation par sujet traité, par exemple si le sujet traité fait référence à deux sujets principaux, la bibliographie doctrinale pourrait être subdivisée en fonction de ces sujets. Vous n’avez pas besoin de suivre une catégorisation matérielle. Nous vous conseillons une catégorisation institutionnelle.
- La catégorisation par type d’ouvrage doctrinal : Pour les ouvrages de doctrine, il y a parfois plusieurs sous-sections (livres, articles dans des revues, contributions à des ouvrages collectifs, rapports académiques ou autres ouvrages doctrinaux). Sauf indication contraire (p.ex. dans un règlement d’un concours juridique ou des consignes d’une revue), cela n’est pas nécessaire. Vous pouvez présenter une liste alphabétique qui contient tous les ouvrages doctrinaux.
- De manière résiduelle, une fois que la hiérarchisation, la catégorisation et la priorisation ont été respectés, indiquer les sources par ordre alphabétique ou éventuellement par ordre chronologique pour les instruments juridiques.
- Enfin, la pertinence et la priorisation doivent être évaluées : quelles sont les sources pertinentes à intégrer dans la bibliographie ? Les sources citées doivent a minima figurer dans une bibliographie mais les sources utilisées ont également leur place (sauf si vous avez des instructions contraires). Plus le travail de recherche est approfondi (travail de séminaire/mémoire/concours juridique/thèse), plus les ouvrages généraux/les manuels deviennent insuffisants. P.ex. si vous affirmez que le droit international public interdit le recours à la force armée sauf dans des cas exceptionnels, il ne faut pas citer un manuel destiné à des étudiant∙e∙s mais la Charte des Nations unies et des ouvrages doctrinaux spécifiques sur le recours à la force.
- La variation : Pour un travail de recherche en droit international public, il est impératif de ne pas se limiter à des documents dans une seule langue. Les indications de l’Ecole de Droit relatives au mode de citation spécifient également qu’un travail en droit suisse doit obligatoirement contenir des sources en français et en allemand. Selon les mêmes indications, « [p]our les travaux en droit européen, [la bibliographie] doit contenir des sources dans au moins trois langues officielles de l’Union européenne ».
Un autre conseil : Pour vous aider à arriver à une catégorisation pertinente pour votre travail, il peut être utile de consulter des bibliographies dans des ouvrages qui utilisent des documents similaires aux vôtres.
Un exemple d’un extrait d’une bibliographie
Dans l’exemple ci-dessous, il s’agit d’une partie de la bibliographie d’un mémoire fictif devant la CEDH. Les sources du Conseil de l’Europe, et en premier lieu la Convention européenne des droits de l’Homme, sont à indiquer en priorité. Par contre, si vous rédigez en mémoire en droit international public, il est habituel de commencer par le système des Nations unies avant d’indiquer les sources des systèmes régionaux.
I. Instruments conventionnels
A. Conseil de l’Europe
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, entrée en vigueur le 3 septembre 1953.
Protocole n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, adopté à Paris le 21 mars 1952, entré en vigueur le 18 mai 1954.
Charte sociale européenne, adoptée à Turin le 18 octobre 1961, entrée en vigueur le 1er juillet 1999.
B. Droit international public
Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945.
Convention (n°108) concernant la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.
Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée à Vienne le 23 mai 1969.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté à New York le 16 décembre 1966.
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté à New York le 16 décembre 1966.
C. Traités régionaux autre que ceux du Conseil de l’Europe
Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, adopté à Rome le 25 mars 1957, entré en vigueur le 1er janvier 1958.
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée à Nairobi le 27 juin 1981, entré en vigueur le 21 octobre 1986.
II. Autres instruments de droit international et européen
Charte éthique européenne d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement, adoptée à Strasbourg les 3 et 4 décembre 2018.
III. Recommandations, rapports et travaux des organes du Conseil de l’Europe
A. Comité des Ministres
Comité des Ministres, Recommandation CM/Rec (2010) 13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel dans le cadre du profilage, adoptée le 23 novembre 2010, lors de la 1099e réunion des Délégués des Ministres.
Comité des Ministres, Recommandation n° R (95) 12 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la gestion de la justice pénale, adoptée le 11 septembre 1995, lors de la 543e réunion des Délégués des Ministres.
Comité des Ministres, Recommandation n° R (87) 18 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la simplification de la justice pénale, adoptée le 17 décembre 1987, lors de la 410e réunion des Délégués des Ministres.
B. Guides de la Cour européenne des droits de l’homme
Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme, Guide pratique sur la recevabilité, édition mise à jour du 31 décembre 2018.
Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, édition mise à jour du 31 août 2019.
III. Doctrine
A. Ouvrages et articles dans des revues
Barraud Boris, Un algorithme capable de prédire les décisions des juges : vers une robotisation de la justice ?, in Les Cahiers de la Justice, 2017/1 (N°1), pp. 121-139.
Beignier Bernard et Blery Corinne, L’impartialité du juge, entre apparence et réalité, Dalloz, 2001, pp. 2427-2433.
Colombine Madeleine, La technique des obligations positives en droit de la Convention européenne des droits de l’Homme, Thèse de l’Université de Montpelier I, 2012.
Cormen Thomas H., Algorithmes, Notions de base, Dunod, 2013.
Danzigera Shai, Levav Jonathan, et Avnaim-Pessoa Liora, Extraneous Factors in Judicial Decisions, in PNAS, 26 avril 2011, pp. 6889-6892.
Harris David, O’Boyle Michael, Bates Ed et Buckley Carla, Law of the European Convention on Human Rights (4ème édition), Oxford University Press, 2018.
Meneceur Yannick, Les systèmes judiciaires européens à l’épreuve du développement de l’intelligence artificielle, in Revue pratique de la prospective de l’innovation, 2018, pp. 11-16.
Schabas William, The European Convention on Human Rights: A Commentary, Oxford University Press, 2017.
Sudre Frédéric, Milano Laure, Surrel Hélène, Droit européen et international des droits de l’homme (14ème édition), Collection droit fondamental, 2019.
C. Publications en ligne
Israni Ellora, Algorithmic Due Process : Mistaken Accountability and Attribution in State v. Loomis, consulté le 3 décembre 2019 sur : https://jolt.law.harvard.edu/digest/algorithmic-due-process-mistaken-accountability-and-attribution-in-state-v-loomis-1.
Lucchese Vincent, Le juge parfait serait-il un robot ?, consulté le 11 septembre 2019 sur : https://usbeketrica.com/article/le-juge-parfait-sera-t-il-un-robot-1.
Peyrou Sylvie, Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, Cour EDH, 13 septembre 2018 : validation du principe de la surveillance de masse mais encadrement étroit de ses modalités, consulté le 27 novembre 2019 sur : http://www.gdr-elsj.eu/2018/10/02/informations-generales/big-brother-watch-et-autres-c-royaume-uni-cour-edh-13-septembre-2018-validation-du-principe-de-la-surveillance-de-masse-mais-encadrement-etroit-de-ses-modalites.
Villasenor John and Foggo Virginia, Algorithms and Sentencing: What Does Due Process Require?, consulté le 12 novembre 2019 sur : https://www.brookings.edu/blog/techtank/2019/03/21/algorithms-and-sentencing-what-does-due-process-require.
D. Emissions de radiodiffusion
Gardette Hervé, France Culture, Du Grain à moudre, Les robots feront-ils de bons juges ?, du 23 mai 2019.
Van Reeth Adèle, France Culture, Les Chemins de la philosophie, Serons-nous bientôt jugé par des ordinateurs ?, du 9 mai 2019.
XI. Index jurisprudentiel
Décision de la Commission européenne des droits de l’homme
Tanko c. Finlande, décision de recevabilité du 19 mai 1994, requête n°43395/09.
B. Décisions et arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme [supprimer le terme décisions si vous ne citez que des arrêts]
Abdul Wahab Khan c. Royaume-Uni, décision de recevabilité du 28 janvier 2014, requête n°11987/11.
De Tommaso c. Italie [GC], du 23 février 2017, requête n°43395/09.
Ibrahim et autres c. Royaume-Uni [GC], du 13 septembre 2016, requêtes nos50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09.
Jeronovičs c. Lettonie [GC], du 5 juillet 2016, requête n°44898/10.
Khlaifia et autres c. Italie [GC], du 1er septembre 2015, requête n°16483/12.
Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie [GC], du 8 novembre 2016, requête n°18030/11.
Merabishvili c. Géorgie [GC], du 28 novembre 2017, requête n°72508/13.
Nicklinson et Lamb c. Royaume-Unis, du 16 juillet 2015, requêtes nos2478/15 et 1787/15.
S., V. et A. c. Danemark [GC], du 22 octobre 2018, requêtes nos 35553/12, 36678/12 et 36711/12.
Şahin Alpay c. Turquie, du 20 juin 2018, requête n°16538/17.
Štvrtecký c. Slovaquie, du 5 juin 2018, requête n°55844/12.
Vasiliciuc c. Moldova, du 2 mai 2017, requête n°15944/11.