Compte rendu du congé scientifique de Silvia Mancini (du 1er août 2017 au 31 juillet 2018) :
Le congé scientifique dont Silvia Mancini a bénéficié a été employé pour réaliser une recherche d’archive et de terrain à La Havane où, depuis janvier 2011, elle avait déjà ouvert un premier chantier d’investigation consacré aux relations entre symbolisme révolutionnaire et symbolisme religieux dans la Cuba contemporaine. La recherche qui a débuté en septembre 2017, intitulée Théories, pratiques et institutionnalisation de la recherche sur la religion à Cuba. Pour un ‘État des lieux’ des relations entre politique et religion dans l’île caribéenne (1870- 2017), en mettant à profit une connaissance davantage approfondie des logiques institutionnelles cubaines, porte elle sur la reconstruction du processus d’officialisation de l’étude des religions à Cuba, processus retracé à partir d’une investigation de terrain et d’archives jamais encore accomplie.
Une telle entreprise ‘cartographique’ a été orientée par une hypothèse précise : cette réhabilitation de la place de la religion semble accompagner des transformations idéologiques et socio-politiques majeures, liées paradoxalement à l’affirmation (ou à la réaffirmation) d’une orientation plus que jamais nationaliste, centraliste et pragmatique inscrite dans la longue durée du socialisme cubain. Au moins trois raisons entrent en jeu dans ce changement de stratégie officielle.
D’abord, les difficultés économiques et la précarisation des conditions matérielles de vie de la population incitent les autorités à une plus grande tolérance vis-à-vis de pratiques susceptibles de fournir à celle-là de nouveaux instruments d’intégration sociale, assortis d’horizons symboliques réconfortants, encourageant la paix sociale. Ensuite, nombreux sont les acteurs proches des Églises ou porteurs de projets communautaires s’inspirant de cultes d’origine africaine qui, dans les quartiers les plus défavorisés, sont aujourd’hui en train de se substituer à l’État. Et cela, en matière l’accompagnement postscolaire, d’assistance aux personnes âgées, de lutte contre le racisme, contre les nouvelles formes de pauvreté, contre les violences perpétrées envers les femmes. L’État, en somme, se trouve aujourd’hui concurrencé sur son propre terrain par les Églises (par diverses autres formations parareligieuses aussi, émanant de la société civile). Enfin, l’attention internationale portée aux restrictions des libertés civiles qui ont cours à Cuba pousse le Gouvernement à ‘sur-respecter’ les droits humains liés à l’exercice de la pratique religieuse.
Ce projet de recherche a bénéficié du soutien financier du DIHSR, de la Commission de la recherche de la Faculté de Théologie et des Sciences de Religions de l’UNIL, et de la Société Académique Vaudoise.
Durant son congé scientifique, S. Mancini a aussi effectué un séjour d’enseignement auprès du Colegio de San Luis Potosí (COLSAN), avec lequel existent depuis 2013 des accords de coopérations et d’échange. Elle y a dispensé, entre mai et juin 2018, un cours de 15 heures intitulé: “Debate sobre magia e idolatría. Reflexiones en torno a la construcción occidental de la Alteridad religiosa”, dans le cadre du Programa de Estudios Antropológicos (Seminario permanente “Sistemas rituales, míticos y estéticos y Cultura y sociedad en los barrios de San Luis Potosí”). Ce séjour, qui a impliqué aussi sa participation à deux émissions de radio, lui a offert l’opportunité de renforcer les liens avec ses collègues mexicains en vue d’une prolongation du projet de recherche Urban, rural and indigenous ritual practices in Mexico: between symbolism and political strategies, financé en 2015-2016 dans le cadre du Seed Money Grants for Latin America 2015, CODEV/EPFL. Ce séjour au Mexique a été intégralement pris en charge par le COLSAN.