En mettant l'accent sur l'identité du sujet pris comme entité individuelle, les Modernes s'affranchissent progressivement des modèles traditionnels d'identification au groupe et d'affiliation. Les contrats narcissiques (Aulagnier, kaës) sont ainsi réaménagés en profondeur.
Or, en faisant de l'autonomie le centre de gravité de la vie collective, la Modernité constitue un cadre profondément déroutant pour certaines minorités culturelles. Appelant à un questionnement réflexif sur la valeur des actions individuelles, le primat de la rationalité et le droit à l'autodétermination conduisent progressivement chacun et chacune à s'interroger sur le sens à donner à l'existence et sur les actes à poser pour construire son identité à la fois sur un plan individuel et en lien avec le collectif.
Le cas des Juifs émancipés, désormais citoyens à part entière, est intéressant à plus d'un titre dans ce contexte.
Comment les parents et les grands-parents juifs vivant aujourd'hui en diaspora restent-ils à la fois fidèles à des règles de transmission inhérentes à leur héritage religieux et communautaire, tout en intégrant les valeurs et principes propres à la Modernité ? Comment comprendre par exemple le maintien de la circoncision rituelle dans des familles juives dont le mode de vie s’accorde par ailleurs de près avec les valeurs et principes de la Modernité ? Comment comprendre également le maintien de règles traditionnelles de pré-nomination chez des sujets qui se sont parfois distancés de toute inscription communautaire et/ou de toute pratique religieuse ? Dans les familles ashkénazes qui se trouvaient en Europe pendant la deuxième guerre mondiale et qui ont survécu, la question de la construction identitaire se doit également d'être pensée sous l'angle du traumatisme collectif de la Shoah d'une part, et de l'exil, d'autre part. Quelles sont par conséquent les possibles répercussions d'un tel contexte sur le choix de circoncire ou non un enfant, de prénommer les enfants nés après la Shoah et/ou après la création de l'Etat d'Israël ? Le ou les prénoms font-ils trace et si oui de qui, de quoi ?
Personne de référence : Muriel Katz-Gilbert
Collaboration : Jacques Ehrenfreund