En 1897, une dent d'hippopotame fut découverte par un gymnasien dans les alluvions près de l'embouchure de la Morges. A l'époque, le savant F.-A. Forel suggéra qu'il s'agissait d'une espèce actuelle et que la dent avait appartenu à un individu voyageant avec une ménagerie! Offerte au Musée cantonal de géologie, elle fut initialement identifiée comme une molaire de Mastodon, soit un éléphant primitif!
L'énigmatique molaire de la Morges. Taille: 4 cm.
Cependant en 1907, le paléontologue Stehlin, spécialiste des vertébrés fossiles, détermina avec certitude qu'elle provenait d'une espèce fossile, Hippopotamus pentlandi, connue en Sicile et qui date du Pléistocène, soit de moins de 1,8 millions d'années.
L'origine de cette dent devenait encore plus mystérieuse, car aucun autre reste d'hippopotame de l'ère glaciaire n'avait encore été découvert dans nos régions. S'agissait-il d'un témoin unique d'un gisement interglaciaire qui aurait été érodé et entraîné avec les alluvions de la Morges? Ce n'est pas impossible puisque de nombreux hippopotames fossiles ont été trouvés en Angleterre dans des couches interglaciaires. Une autre possibilité évoquée était le débarras d'une collection paléontologique directement dans la rivière!
Des hippopotames primitifs en Angleterre, hélas moins charmants que les corgis de la reine.
Au cours du XXe siècle, plusieurs autres trouvailles semblables eurent lieu en divers endroits de Suisse et l'énigme de l'hippopotame de la Morges fut enfin résolue: il provenait effectivement de Sicile, de couches très riches en ossements de mammifères fossiles. Celles-ci furent exploitées il y a plus d'un siècle pour produire par concassage un engrais phosphaté qui était exporté jusque dans nos contrées!