De l'expérience phénoménologique à l'expérience publique: explorer la nature du social et des collectifs par le corps et la voix d'un rappeur romand
Sous la direction de Laurence Kaufmann, Institut des sciences sociales, Université de Lausanne et de Christian Licoppe (Télécom ParisTech)
L’interrogation au point de départ de mon projet de recherche se situe dans une volonté d’éclairer sous un nouveau jour ce que l’on nomme en sociologie « l’ontologie des collectifs », en d’autres termes leur nature, en basant ma réflexion sur les liens pouvant réunir l’expérience phénoménologique et l’expérience publique. Face à un diagnostique de décollectivisation et de dépolitisation de la société, ma thèse propose une série de déplacements de l’attention scientifique sur les plans empirique, épistémologique et méthodologique. Je me suis ainsi intéressée aux processus de communication et de publicisation que l’on peut rencontrer dans le hip-hop et le rap sur un terrain romand. Pour mener mon enquête, je me suis appuyée sur le suivi d’un rappeur, LK, et sur son expérience vécue en première personne du singulier, notamment de l’écriture, afin de décrire plus finement les médiations permettant de comprendre l’expérience publique, potentiellement politique, et ses enjeux. À partir de données de natures diverses (vidéophénoménographie, entretiens d’explicitation, corpus de chansons, corpus de graffitis du collectif de LK nommé LES UNS) et à la suite d’analyses détaillées mobilisant une pluralité d’outils prenant l’expérience au sérieux, deux résultats principaux et originaux ont pu être développés. Le premier est relatif au suivi de LK et montre que les différents modes d’existence du monde social décrits en sociologie correspondent en réalité à des niveaux de conscience différents chez l’individu. Le second résultat est lié à la configuration relationnelle proposée par LES UNS qui se déploie à partir des médiations propres à l’écriture. En pratiquant un genre de rap que je qualifie d’autographique, le collectif hip-hop se présente comme un collectif d’expression de soi s’appuyant sur une mise en forme et en sens d’une face sombre de l’altérité à soi. Cette dernière nous donne à penser la possibilité même de l’intersubjectivité et nous amène à interroger de manière plus générale les conditions de vie en commun et l’engagement politique du point de vue de subjectivités tourmentées et abîmées par la vie.