Colloque international organisé par le Centre en Etudes Genre LIEGE et le Laboratoire de sociologie (LabSo) de l'Université de Lausanne, en partenariat avec le GDRE MAGE (Marché du travail et genre).
Le colloque interroge le biais sexué des grilles de lecture au travers desquelles les sociologues, y compris les féministes, analysent aujourd'hui les métiers de service.
Tout d'abord, nous constatons qu'il règne un certain flou quant à la définition même de ce que sont les « métiers de service ». L'hétérogénéité des activités regroupées sous cette bannière rend difficile le repérage de leurs éventuelles caractéristiques communes. Il est courant de situer leur spécificité dans l'interaction qu'elles impliquent avec un public. Ce critère est même devenu la principale grille d'analyse des métiers de service, comme si la mobilisation de compétences relationnelles ou émotionnelles constituait leur caractéristique irréductible. Peut-on se satisfaire de l'idée que des activités qui impliquent une interaction avec le public sont d'abord et avant tout des métiers relationnels, alors même qu'elles engagent le corps et possèdent une dimension manuelle et matérielle non négligeables ?
Ensuite, dans la nébuleuse des métiers de service, tous ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, la survalorisation du relationnel semble surtout réservée aux métiers féminisés, notamment ceux qui sont situés au bas de l'échelle (services à la personne, vente, métiers de la petite enfance, etc.). Autrement dit, il s'opère un découpage fortement séxué des approches sociologiques des métiers de service, fondé sur une différenciation implicite entre les métiers féminisés et déqualifiés, souvent pensés en termes de « travail relationnel » ou de care, et les « autres » métiers de service, où cette dimension est rarement évoquée comme caractéristique centrale des contenus et des situations de travail.
Ainsi, la dimension relationnelle est nettement moins invoquée lorsqu'il s'agit d'appréhender des professions masculinisées, mixtes et/ou plus qualifiées. Or, avons-nous raison de penser que le travail infirmier est nécessairement plus relationnel ou émotionnel que celui de dépanneur informatique, de garagiste ou d'avocat ? Est-ce que le contact avec la clientèle ou les usagers est réellement plus prégnant dans l'activité d'une serveuse ou d'une caissière de supermarché que dans celle d'un·e enseignant·e ou d'un·e médecin ? Et qu'en est-il de la dimension matérielle et/ou intellectuelle du travail féminin, largement occultée par l'approche exclusivement centrée sur sa dimension relationnelle ? N'est-il pas frappant de constater que le contenu matériel du travail reste largement au centre des analyses du travail masculin, toujours appréhendé par le biais d'outils conceptuels élaborés pour analyser le travail artisanal, industriel ou bureaucratique ?
La dimension relationnelle du travail constitue-elle vraiment le nouveau critère de différenciation du « travail féminin » et du « travail masculin », un fondement des formes actuelles de la division sexuelle du travail ? Ne s'agit-il pas là d'un biais sexué dans la manière d'appréhender les métiers de service ? Cette différenciation des approches en fonction du « sexe » des activités ne risque-t-elle pas de donner une image incomplète et asymétrique des métiers investigués et des enjeux actuels qui les entourent ?
Le colloque se propose d'enrichir la réflexion sur les métiers de service, en interrogeant cette différenciation des approches en fonction de la composition sexuée des métiers et de leur contenu - matériel et relationnel -, en développant des outils d'analyse plus adéquats à une comparaison systématique entre des métiers ou secteurs d'activités de composition sexuée variable.