Thèses soutenues

| "Le flou et la photographie. Histoire d'une rencontre et de ses enjeux face au réel", par Pauline Martin | "L’architecture suisse au-delà des frontières : expositions itinérantes et photographie (1946-1963)", par Anne Develey | "Die Weltausstellung der Photographie in Luzern 1952 - Treffpunkt fotografischer, politischer und touristischer Ambitionen", par Muriel Willi | "La vie théâtrale et lyrique à Lausanne et dans ses environs dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (1757-1798) ", par Béatrice Lovis | "Rêves de citoyens. Mythes et utopies dans les pays romands au temps des Lumières", par Helder Mendes Baiao | "Organiser et vendre. L'invention de la politique d'exposition en Suisse (1908-1939)", par Claire-Lise Debluë | "Television before TV : A Transnational History of an Experimental Medium on Display, 1928-1939" par Anne-Katrin Weber | "La ligne libre: un paradigme à la croisée de la philosophie et de la littérature. Le corps et le paysage chez Victor Segalen, Blaise Cendrars et Henri Michaux" par Aurélien Métraux | "Le Christ au miroir de la photographie contemporaine (1981-2011)" par Nathalie Dietschy | "Itinéraires. Les guides de voyage sur la Suisse au XIXe siècle. Contribution à une histoire culturelle du tourisme" par Ariane Devanthéry | "Impressions ironiques du voyage en Suisse et dans les Alpes" par Adrien Guignard | "Un horizon infini. Paysage, expérience et savoir dans les voyages au Tibet de Jacques Bacot et des explorateurs français (1850-1912)" par Samuel Thévoz | AUTRE THÈSES ASSOCIÉES | "La légitimation culturelle de l'affiche après 1945", par Katarzyna Matul
 

"Buchkunst und Verlagswesen in der Deutschschweiz (1900-1930)", par Gina de Micheli

Sous la direction du Prof. Philippe Kaenel | Section d’histoire de l’art / Centre SHC (UNIL)

Die Dissertation zum Thema Buchkunst und Verlagswesen in der Deutschschweiz fokussiert die Kulturgeschichte im Zeitraum von 1900 bis 1930. Bücher bestehen aus heterogenen Netzwerken, die am Kulturellen partizipieren: Die Dynamik der Interaktion zwischen den involvierten Akteuren ist von einem Zusammenspiel ökonomischer, politischer, geografischer, künstlerischer und epistemischer Faktoren bestimmt. Die Praktiken der Verleger, Illustratoren, Schriftsteller, Typografen, Drucker, Vereine, Händler, Agenten und Sammler sind beeinflusst von kulturellen Bewegungen, Zirkulationen und Interdependenzen sowie Formen des Austauschs und der Abgrenzung. Beim Zugriff auf das Buchobjekt interessieren die Materialität und Medialität, die Relationen von Bild und Schrift sowie die Kulturtechniken der Bewertung und Kodierung. In der historiografischen Erforschung der Buchkunst und des Verlagswesens in der Deutschschweiz werden zeitliche Verzögerungen, Traditionen, Kontinuitäten und Umbrüche aus einer synthetischen und transnationalen Perspektive mitgedacht. Der untersuchte Quellenkorpus beinhaltet umfassendes Korrespondenzmaterial, das Auskunft gibt über Editionsprozesse, Publikationsstrategien, Verlagskonkurrenzen, Buchausstattung, Honorarbeträge und Auflagenhöhen.

 
 

 

"Le flou et la photographie. Histoire d'une rencontre et de ses enjeux face au réel", par Pauline Martin

Sous la direction du Prof. Olivier Lugon | Centre SHC | 2021 (Prix de Faculté 2022)

Au-delà d’une seule recherche historique, et sans se limiter à l’analyse technique d’une forme photographique, cette étude aborde le flou à l’aune des enjeux phénoménologiques qu’il soulève. Partie intégrante de la perception humaine, élément constitutif de la représentation et point d’achoppement technique, le flou ne cesse de mettre en confrontation ces trois éléments indispensables à la photographie que sont l’œil, l’image et la machine. À partir d’une enquête minutieuse dans les textes historiques français – du XVIIe au XXe siècle – sur la manière dont le « flou » est mobilisé et discuté, l’étude prend le temps de comprendre les particularités du flou dans la peinture, avec un détour par le cinéma, pour mieux problématiser les questions multiples qu’il soulève pour les photographes. Elle scrute les discours – sur la représentation, mais aussi littéraires et scientifiques – pour saisir la complexité de la fortune critique du flou au XIXe siècle et l’histoire de sa légitimation dans le champ photographique, qui éclot véritablement dans la seconde moitié du XXe siècle.

Tiraillé entre l’erreur technique primaire qu’il désigne et les ambitions artistiques qu’il promet, le flou évoque souvent un élément et son contraire, que ce soit dans son rapport au réel et à la mimêsis, dans ses affinités bourgeoises et révolutionnaires, ou dans son rapport à l’amateurisme et à l’expertise. Présent dans toutes les pratiques de la photographie – artistique, amateur, scientifique ou de reportage –, le flou cristallise dans les discours des crispations qui dépassent les seuls enjeux esthétiques. Techniques, artistiques, moraux, sociaux, politiques, philosophiques et psychanalytiques, les débats soulevés par la forme témoignent du puissant levier que représente le flou pour articuler une réflexion critique sur l’histoire de la photographie dans la perspective d’une philosophie du regard.

Prix de Faculté 2022

"L’architecture suisse au-delà des frontières : expositions itinérantes et photographie (1946-1963)", par Anne Develey

Sous la direction du Prof. Olivier Lugon | Section d'histoire de l'art | Centre SHC | 2019 "Prix Whitehouse 2020"

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la photographie devint le médium privilégié d’une série d’expositions destinées à présenter l’architecture suisse. Itinérantes, celles-ci circulèrent à travers le monde durant de longues périodes afin d’atteindre un public disséminé. L’engouement pour cette pratique fédéra des acteurs aussi divers que Pro Helvetia, la Fédération des architectes suisses, la Société suisse des ingénieurs et des architectes, l’Office suisse d’expansion commerciale ou encore le Werkbund. Cet ensemble d’acteurs individuels et institutionnels issus non seulement du champ de l’architecture, mais aussi des milieux politiques, économiques, culturels et de la photographie ont joué un rôle inédit dans la diffusion visuelle de l’architecture suisse à l’échelle mondiale.

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"Die Weltausstellung der Photographie in Luzern 1952 - Treffpunkt fotografischer, politischer und touristischer Ambitionen", par Muriel Willi

Sous la direction du Prof. Olivier Lugon | Section d'histoire de l'art | Centre SHC | 2019

1952 fand mit der Weltausstellung der Photographie in Luzern ein fotografisches Grossereignis statt, das jedoch bald in Vergessenheit geriet. Bei der vorliegenden Aufarbeitung stehen nicht primär die ausgestellten Fotografien respektive Fotografen im Vordergrund. Eine Annäherung erfolgt vielmehr über die Analyse der verschiedenen beteiligten Akteure und deren jeweiligen Ambitionen. So ist es möglich, die Bedeutung der Fotoweltausstellung aus verschiedensten, gesellschaftlich-kulturellen wie auch fotografischen Perspektiven zu beleuchten.
Eine vertiefte Einsicht in die Organisation, Konzeption, Zielsetzung, Gestaltung aber auch die Rezeption und Nachbereitungsphase der Ausstellung bildet dazu die Grundlage.
In der Fremdenverkehrsdestination Luzern kann beobachtet werden, wie ein fotografisches Projekt als touristisches Aussichtserlebnis interpretiert wird und die Frage, welche politische Funktion diese internationale Ausstellung übernahm, ermöglicht Einsichten in die diplomatische Ausrichtung der Schweiz zu Zeiten des Kalten Krieges. Im fotografischen Bereich bietet die Weltausstellung der Photographie einen Zugang, um die Vermittlung der Geschichte der Fotogeschichte über das Medium der Ausstellung und das zeitgenössische Verhältnis zwischen Amateur- und Berufsfotografen aufzudecken.

Der interdisziplinär gewählte Ansatz bringt zudem Informationen zu lokal und international wichtigen Persönlichkeiten im fotografischen Bereich, zu weiteren Fotoausstellungen in Luzern und der Fotozeitschrift Camera ans Licht.

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"La vie théâtrale et lyrique à Lausanne et dans ses environs dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (1757-1798) ", par Béatrice Lovis

Sous la direction du Prof. François Rosset | Section de Français | Centre SHC | 2019

Les spectacles qui se sont tenus à Lausanne en 1757 et 1758 sur la scène privée de Mon-Repos en présence de Voltaire marquent certes un jalon important dans l’histoire culturelle du chef-lieu, mais réduire l’histoire du théâtre vaudois à cet épisode exceptionnel, comme l’a fait l’historiographie, c’est en donner une vision très partielle et passer sous silence l’implication de nombreux Vaudois qui se sont pleinement appropriés ce divertissement, en particulier pendant la seconde moitié du siècle. Juste Olivier, avec son article fondateur « Voltaire à Lausanne » (1842), a biaisé sans le vouloir l’historiographie pendant plus de 160 ans. Celle-ci s’est contentée de reproduire avec plus ou moins d’exactitude les propos de l’historien et de les généraliser à l’entier du siècle et du territoire vaudois. Les pièces de théâtre imprimées étant très sporadiques et considérées de qualité relativement médiocre, la littérature dramatique vaudoise a souffert d’un discrédit tenace aux XIXe et XXe siècles. Dans le sillage de Juste Olivier et de ses émules, les ouvrages généraux portant sur la littérature romande et sur l’histoire vaudoise ressasseront jusqu’à aujourd’hui le constat d’absence d’une littérature dramatique et donc d’une vie théâtrale digne d’intérêt, jugée trop tributaire de la France voisine et dont Voltaire serait l’unique incarnation. Ce travail souhaite précisément casser les préjugés hérités du XIXe et démontrer l’intérêt de se pencher sur un tel sujet.
 

L’approche choisie est interdisciplinaire ; le théâtre lausannois, et plus largement vaudois, est considéré comme un phénomène à la fois littéraire, culturel et social, une approche qui évite ainsi certains clivages académiques. Située à la croisée de l’histoire littéraire, sociale, économique, politique et religieuse, ce travail aborde aussi l’histoire de la musique, de l’architecture et des idées. Il s’intéresse tant aux acteurs qu’aux spectateurs, au répertoire joué, écrit et lu, aux pratiques scéniques, aux lieux de spectacle privés et publics, à l’implication des autorités politiques et religieuses, aux rapports de pouvoir complexes que cristallise le théâtre, à ses multiples codes sociaux à respecter, aux débats moraux et philosophiques qui ont nourri les discussions pendant tout le siècle, enfin aux différentes manières de s’approprier un divertissement si peu anodin en terres protestantes helvétiques, en un mot si « étranger ». L’analyse de ces éléments intrinsèques au théâtre permettent non seulement de mieux comprendre le fonctionnement d’une société en un lieu et en un temps donné, mais aussi de mieux saisir le phénomène d’acculturation qu’incarne ce divertissement.

La thèse de Béatrice Lovis va paraître dans la collection de la Bibliothèque historique vaudoise.

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"Rêves de citoyens. Mythes et utopies dans les pays romands au temps des Lumières", par Helder Mendes Baiao

Sous la direction du Prof. François Rosset | Section de Français | 2015

Le XVIIIe siècle peut être véritablement considéré comme une période républicaine en Suisse. Des gouvernements cantonaux, aux appels patriotiques de la Société helvétique, le mot "république" est sur toutes les lèvres. Pourtant, alors que les institutions politiques prétendent assurer une liberté et un état de droit fondamentaux aux citoyens gouvernés, nombre de ceux-ci réclament des changements, au nom de la République et sous l’égide d’une égalité davantage reconnue et respectée.
L’objectif recherché dans ce travail est de parvenir à cerner la vision républicaine que des groupes sociaux, ou des individus particuliers, développent tout au long du XVIIIe siècle à Genève et dans le Pays de Vaud. En conservant à l’esprit que ces deux cantons ne peuvent être extraits des problématiques propres au Corps helvétique, surtout en ce qui concerne la population vaudoise alors sous domination bernoise. De ce fait, il s’agira donc de comprendre les diverses manifestations théoriques républicaines en accord avec la culture helvétique de l’époque, largement constituée autour des mythes du peuple vertueux, libre, et férocement jaloux de sa liberté.

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"Organiser et vendre. L'invention de la politique d'exposition en Suisse (1908-1939)", par Claire-Lise Debluë

Sous la direction des Prof. Olivier Lugon et François Vallotton | Section d'Histoire et esthétique du cinéma | 2014

L’histoire des expositions a rarement été considérée en-dehors de ses exemples canoniques. En Suisse, les institutions de la politique d’exposition pas plus que leurs acteurs n’ont fait à ce jour l’objet d’une étude systématique. Dès 1908 pourtant, et à la faveur d’un mouvement transnational de structuration des élites économiques, la Suisse se dote d’une institution pérenne, dédiée à l’organisation des participations aux expositions internationales. Entre 1908 et 1939, les conditions de la politique d’exposition varient considérablement et contribuent à redéfinir les normes de la représentation de la Suisse à l’étranger. Aux traditionnelles constructions régionalistes se substituent des aménagements aux lignes épurées, conçus selon les principes fonctionnalistes de la « construction nouvelle ». Désigné dès le milieu des années 1930 sous le terme de « style suisse », ce nouveau visage, simple et rationnel, de l’architecture d’exposition rompt indiscutablement avec le vocabulaire formel du « style chalet », si souvent privilégié dans les expositions universelles du tournant du 20e siècle.
C’est en cherchant en-dehors de la seule raison artistique, en revenant aux déterminants majeurs de la politique d’exposition et en soulignant le rôle crucial de certains « passeurs », que l’on peut comprendre les motifs à l’origine de ce changement. La genèse de la politique d’exposition, resituée dans le « long 19e siècle », met ainsi en lumière les processus d’appropriation, de négociation et de circulation qui présidèrent à la construction d’un « style suisse » d’exposition, conçu comme le fruit d’une collaboration étroite entre les acteurs de l’expansion commerciale et du mouvement moderne helvétique. Dans le sillage de la Première Guerre mondiale, des publications commerciales aux foires moderne, l’efficience visuelle, mise au service de la « lutte pour les débouchés », est ainsi consacrée comme un instrument incontournable de la « rationalisation de la propagande ». Grâce à la mobilisation d’un important corpus iconographique et de nombreuses sources inédites, cette recherche interdisciplinaire souhaite en somme illustrer combien les objets économiques offrent des perspectives renouvelées pour l’histoire culturelle et les études visuelles.

La thèse de Claire-Lise Debluë a été publiée aux éditions Alphil

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"Television before TV : A Transnational History of an Experimental Medium on Display, 1928-1939" par Anne-Katrin Weber

Sous la direction du Prof. Olivier Lugon | Section d'Histoire et esthétique du cinéma | 2014

Co-directeur de thèse : Prof. Andreas Fickers
Jury de thèse : Prof. Anna McCarthy, New York University et William Uricchio, MIT
Date de la soutenance : 13 juin 2014

Dès le milieu des années 1920 et le développement des premiers prototypes fonctionnels, la télévision se fait objet d’exposition. La nouvelle technologie est montrée à des foires industrielles et dans des grands magasins, à des expositions universelles et nationales : exposée, la télévision devient un mass media avant même qu’elle ne diffuse des émissions régulières. En étudiant les présentations publiques de la télévision en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis entre 1928 – date de l’ouverture des premières expositions annuelles dans les trois pays – et 1939 – moment de l’interruption de celles-ci suite à l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale – Television before TV montre que les lieux où le médium rencontre son premier public constituent les mêmes espaces qui, rétrospectivement, permettent de comprendre son avènement.
Cette recherche propose ainsi de nouvelles pistes pour l’histoire des médias en interrogeant la définition de la télévision en tant que médium du privé. Elle rappelle l’importance historique de l’espace public pour la « vision à distance » et, dépassant la perspective nationale, reconstitue les différences et similarités techniques, médiatiques et institutionnelles de la télévision allemande, américaine et britannique dans l’entre-deux-guerres. Développée dans un contexte qui est simultanément nationaliste et nourri d’échanges et de compétitions internationales, la télévision sert de comparatif dans les rivalités entre pays, mais stimule également la circulation de savoir-faire et de personnes. Sa forte valeur symbolique comme emblème du progrès scientifique et, dans le cas allemand, comme preuve de la modernité du régime national-socialiste se traduit dans les salles d’expositions par des scénographies souvent innovatrices, dont les photographies et descriptions se propagent au-delà de la presse locale. Au centre d’un réseau discursif et représentationnel, les expositions jouent alors un rôle essentiel pour la construction sociale, politique et culturelle de la télévision.
Remplaçant l’analyse de textes audiovisuels par l’étude de la machine exposée, ma recherche reformule la question bazinienne de qu’est-ce que la télévision ? pour demander où le médium se situe-t-il ? Cette prémisse méthodologique permet de contourner une évaluation qualitative de la technologie qui déplorerait ses multiples imperfections, et éclaire d’un nouveau jour des dispositifs télévisuels qui, même sans programme, intègrent un univers voué à la culture de consommation et du loisir.

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"La ligne libre: un paradigme à la croisée de la philosophie et de la littérature. Le corps et le paysage chez Victor Segalen, Blaise Cendrars et Henri Michaux" par Aurélien Métraux

Sous la direction du Prof. Claude Reichler | Section de français | 2013 (Prix de Faculté 2014)

Fondée sur un corpus d’écrivains-voyageurs qui sont symptomatiques des changements importants affectant la question de l’espace dans la première moitié du XXe siècle, cette étude tire profit de la grande polyvalence de la problématique du paysage pour proposer un véritable dialogue interdisciplinaire entre littérature et philosophie. Cette perspective est largement favorisée par les écrivains eux-mêmes qui ont indiscutablement lié leur entreprise poétique à des enjeux épistémiques recoupant les préoccupations des scientifiques, médecins, géographes ou philosophes de leur temps. Un certain nombre d’interrogations nous sont apparues caractéristiques de cette période de l’histoire des voyages. Victor Segalen, Blaise Cendrars et Henri Michaux ont été particulièrement sensibles à cette angoisse d’époque liée à l’amenuisement du monde, c’est-à-dire au raccourcissement des distances entre continents suite aux développements des moyens de transport et la perte des «espaces blancs» de la carte, conséquence directe des entreprises exploratrices du XIXe siècle. À la déréliction qui s’empare du voyageur moderne face à la disparition des zones inconnues s’est ajouté l’effroi provoqué par la seconde loi thermodynamique du biologiste allemand Ernst Haeckel, qui, avec sa théorie de l’entropie, a fait craindre à plusieurs générations que la matière de l’univers tendrait vers une simplification toujours plus grande, et que le globe terrestre, à l’image du cosmos, ressemblerait peu ou prou à un immense magma de glace.
Il est remarquable de constater à quel point ces trois auteurs ont développé une sorte d’outillage conceptuel commun propre à diagnostiquer cette crise et à la résoudre en élaborant une nouvelle manière de se rapporter à l’espace et de décrire le paysage. Ce nouveau paradigme qui modélise un autre type de relation à l’extérieur est solidaire de courants de pensée post-rationalistes qui de Nietzsche à Gilles Deleuze, en passant par Bergson et la phénoménologie, ont conduit à un démantèlement de la conception cartésienne de la conscience dans son rapport à l’étendue. Aux croisements de la philosophie et de la littérature se construit durant la première moitié du XXe siècle un nouveau modèle de représentation du paysage qui passe par l'élaboration de la ligne libre. Celle-ci décrit une manière de dire le réel qui ne consiste pas à en reproduire les composantes de façon fidèle, mais à tracer le mouvement énergétique par lequel le corps se rapporte à l'espace de manière dynamique et variée. Proche du terme de diagramme, exploité par Deleuze et relayé par le géographe Jean-Marc Besse, il consiste en un schème du réel qui s’élabore en cours d’expérience et ouvre sur une réalité à venir. De ce point de vue, la ligne libre définit une manière de se rapporter au réel qui remet en question les théories paysagères fondées sur l’artialisation.
En prenant appui sur cette proximité d’intérêt entre une certaine philosophie et la littérature de voyage de la première moitié du XXe siècle, cette étude montre que la construction de ce nouveau paradigme permet de mettre en évidence un type de transfert peu conventionnel entre ces deux champs des sciences humaines. Car Segalen, Cendrars et Michaux n’ont pas vraiment repris aux philosophes des concepts, des syllogismes ou même des pensées, mais se sont approprié une figure dont ils ont libéré l’imaginaire sémantique. En lecteurs émerveillés de Nietzsche, ils ont surtout vu dans le voyageur Zarathoustra et dans sa manière de se déplacer dans le paysage, une façon stratégique de répondre à la crise de l’entropie. Mais si Zarathoustra incarne le mouvement de la ligne libre en lui conférant une valeur épistémique, il constitue également une figure imprégnée par la littérature de voyage et le genre de l’aventure. De ce point de vue, il apparaît que le développement de ce paradigme est redevable aussi bien de la philosophie que de la littérature de voyage et qu’une brève histoire de son élaboration révèle qu’une sémantique viatique accompagne la conception philosophique de cette ligne libre auprès des philosophes qui s’en approprient le modèle (Nietzsche, Bergson, Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty, Deleuze).

La thèse d'Aurélien Métroz a reçu le Prix de Faculté 2014

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"Le Christ au miroir de la photographie contemporaine (1981-2011)" par Nathalie Dietschy

Sous la direction du Prof. Philippe Kaenel | Section d'Histoire de l'art | 2012

Cette thèse s’inscrit dans le projet de recherche interdisciplinaire "Usages de Jésus au XXe siècle" consacré aux usages de la figure de Jésus en littérature, au cinéma, dans la bande dessinée et les arts visuels, soutenu par le Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNRS) et dirigé par Jean Kaempfer, Philippe Kaenel, Alain Boillat et Pierre Gisel (www.unil.ch/usagesdejesus). Ladite thèse s’oriente vers les usages non conventionnels ou revendicateurs de Jésus (Jésus féminin, Jésus noir, Jésus homosexuel, etc.) dans les productions photographiques de ces trente dernières années. Un travail qui a pour dessein de révéler les apparitions contemporaines de Jésus dans le miroir de la photographie, un reflet multiple, souvent héritier de la tradition, mais proprement post-moderne, détournant les normes, subvertissant les codes et proposant non pas un visage de Jésus, mais bien des visages de Jésus.

La thèse de Nathalie Dietschy a été publiée aux éditions Alphil

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"Itinéraires. Les guides de voyage sur la Suisse au XIXe siècle. Contribution à une histoire culturelle du tourisme" par Ariane Devanthéry

Sous la direction du Prof. Claude Reichler | Section de français | 2008

Menée dans une approche d'histoire culturelle, la thèse prend pour objet un corpus de guides de voyage sur la Suisse entre la fin du XVIIIe et le début du XXe siècle. elle se développe selon deux axes. Le premier est une lecture littéraire (tenant compte de la bibliographie matérielle), qui cherche à comprendre les raisons et logiques du genre en s'attachant particulièrement aux formes et aux fonctions. Cette partie de la recherche n'a encore jamais été menée. Le second axe est une réflexion sur les manières de mettre en scène l'espace dans un texte. En étudiant les itinéraires de voyage en Suisse, nous avons identifié quatre grands types : le voyage en boucle (il part d'un point A pour y revenir), le voyage linéaire avec excursions, le voyage éclaté de l'ordre alphabétique, enfin le voyage par « routes », fragments d'espace que l'on combine comme on le souhaite, créant son chemin au fur et à mesure de sa progression. Chacune des formes et chacun des types ayant une histoire et des conditions de possibilités, c'est en s'appuyant sur celles-ci que nous pouvons parvenir à mieux comprendre non seulement l'évolution du voyage et de ses pratiques, mais aussi la constitution de la forme littéraire qui a l'accompagné et permis.

La thèse d'Ariane Devanthéry a été publiée aux Presses de l'université Paris-Sorbonne.

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"Impressions ironiques du voyage en Suisse et dans les Alpes" par Adrien Guignard

Sous la direction du Prof. Claude Reichler | Section de français | 2008

La thèse commence par constater que les perceptions et les représentations des Alpes au XIXe siècle sont confrontées au problème de la redite et interroge les raisons et les effets de ce qu'elle nomme itération. A partir d'une sélection libre de représentations couvrant tout le siècle, qui sont marquées par l'ironie portant sur les paysages et les touristes, la recherche se propose d'analyser les fonctionnements de certains textes ironiques et de les penser comme des modalités du renouvellement esthétique des représentations alpines. Le travail, dont le cadre historique reste volontairement large et ouvert, convoque aussi bien des textes ordinaires et naïfs que des textes connus et retors. Les méthodes utilisées sont celles de l'analyse linguistique et littéraire et de l'histoire de la culture. Les conclusions montrent que des types d'ironie revivifient efficacement les catégories esthétiques du paysage alpin au XIXe.

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"Un horizon infini. Paysage, expérience et savoir dans les voyages au Tibet de Jacques Bacot et des explorateurs français (1850-1912)" par Samuel Thévoz

Sous la direction du Prof. Claude Reichler | Section de français | 2008

La thèse se propose de mettre en valeur un corpus de récits français peu étudiés (Bacot, Bonvalot, Grenard, d'Ollone) du tournant des XIX et XXe siècles et se donne comme moyen une approche compréhensive. Une étude des modifications profondes, d'ordre épistémologique et représentationnel, du rapport que l'Europe coloniale entretient avec l'Asie entre 1850 et 1914 établit des liens précis avec les modes de perception et de représentation de l'espace ainsi qu'avec les formes de paysage mobilisées par les explorateurs et voyageurs au Tibet. En plus des récits de voyage, la recherche s'intéresse à la fiction (Verne, Segalen) et aux productions scientifiques (géographie, anthropologie) de la France de la Troisième République. Une telle approche du voyage au Tibet se doit de faire appel aussi, dans une perspective contrastive, aux voyageurs anglais. L'image homogène d'un Tibet « mythique », présente aujourd'hui à toutes les consciences, ressortit à une histoire particulièrement complexe où sont en jeu savoirs, idées, représentations et sensibilités.

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AUTRE THÈSES ASSOCIÉES

Raphaëlle RUPPEN COUTAZ, La voix de la Suisse à l'étranger. Radio et relations culturelles internationales (1932-1949), sous la direction de François Vallotton, Université de Lausanne, 2015 (thèse publiée en 2016 aux éditions Alphil).

Timothée Léchot, "Ayons aussi une poésie nationale". Critique et poésie en Suisse au XVIIIe siècle, sous la direction de Claire Jaquier, Université de Neuchâtel, 2016.

Sylvie DORIOT GALOFARO, Constuctions identitaires et histoire culturelle (1905-2008): Crans-Montana dans les arts visuels, la littérature et le cinéma, sous la direction de Philippe Kaenel (thèse publiée en 2017 aux Editions Alphil)

Antonia NESSI, Fabriquer Venise: le Nouveau voyage d’Italie de F. M. Misson et l’image de la ville au XVIIIe siècle dans la littérature de voyage et les vedute gravées (1691-1788), sous la codirection de Pasacal Griener et François Rosset, Université de Neuchâtel, 2012.

Filippo ZANGHI, Périphéries urbaines et voyage de proximité dans la littérature française contemporaine: une problématique paysagère?, sous la direction de Claude Reichler, Université de Lausanne, 2012.

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"La légitimation culturelle de l'affiche après 1945", par Katarzyna Matul

Sous la codirection du Prof. Philippe Kaenel (UNIL/SHC) et du Prof. André Ducret (UNIGE) | 2018

Publication: "De la résistance à l’autonomie. L’affiche polonaise face au réalisme socialiste, 1944-1954", éditions Alphil PUS, 2022.

L’objectif de cette thèse de doctorat est d’analyser le processus de légitimation culturelle de l’affiche au cours de la seconde moitié du XXe siècle. L’étude est centrée sur le cas de la Pologne tout en incluant des éléments de comparaison avec la Suisse et la France. Les questions de recherche sont les suivantes : l’affiche acquiert-elle le statut d’œuvre d’art dans la seconde moitié du XXe siècle ? Si la réponse s’avère positive (c’est notre hypothèse), quels facteurs artistiques et politiques influencent et motivent ce changement de statut de l’affiche ? Quels rôles jouent les différents acteurs, agissant en interdépendance les uns par rapport aux autres qu’ils soient individuels ou collectifs, dans ce mécanisme de valorisation ? Enfin, comment les affiches elles-mêmes, à travers leur forme, leur contenu et leur technique de réalisation, donnent-elles à voir ce nouveau statut ? Nous supposons et cherchons à démontrer que le processus de légitimation culturelle de l’affiche est étroitement lié à la valorisation de ce médium par les autorités communistes, soutenues par des conservateurs de musée, critiques, historiens de l’art et éditeurs liés à ce système politique. En effet, ces derniers considèrent l’affiche non seulement comme un moyen efficace de propagande, mais aussi comme un produit culturel d’exportation parfait en cette période de guerre froide. Or, les critères de jugement selon lesquels l’affiche est promue en œuvre d’art sont élaborés majoritairement par des artistes qui ne sont pas en accord avec les critères imposés par le parti communiste. Ces artistes revendiquent donc et obtiennent plus de liberté de création ainsi que la permission tacite pour renouer avec des tendances occidentales de l’art moderne. De la sorte, n’étant plus contrainte par des restrictions politiques ni par des considérations publicitaires, l’affiche polonaise se mue en une œuvre d’art reconnue par des instances européennes et mondiales.

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