Pour la société civile, le projet a permis d'une part le développement d'outils d'(auto-)évaluation et de comparaison au niveau du fonctionnement interne (cf. figure 2). Cet outil a été utilisé pour donner un feedback personnalisé aux organisations qui ont rempli le questionnaire en ligne et pour discuter des forces et faiblesses de différents types d'acteurs, notamment en fonction des formes juridiques. Un questionnaire permettant de se positionner par rapport aux contributions sociales et économiques a également été développé. Bien que ce deuxième questionnaire n'ait pas conduit à la création de résultats standardisés, il offre néanmoins un fil rouge pour l'(auto-)évaluation des différents domaines de contributions sociales en fonction des phases de production au sein d'une organisation: les phases 1 et 2 de la figure 3 correspondent à la contribution de type RSE (responsabilité sociétale des entreprises), alors que la phase 3 peut être divisée en deux types de contributions: la résolution d'un problème social spécifique et l'enrichissement de la qualité de vie en général.
Figure 2 : Comparaison des positionnements des acteurs (fonctionnement interne)
Figure 3: Les 3 phases au cours desquelles une entreprise peut contribuer au bien-être collectif
L'étude a également mis en évidence que l'utilisation extensive du terme « utilité publique » par les acteurs de l'ESS sans jamais le définir clairement rend parfois la finalité sociale de l'ESS ambiguë. De plus, au vu de la complexité et de la pluralité des courants existants en Suisse, il semble inévitable que plusieurs faîtières, représentant les divers courants d'acteurs hybrides, émergent. Si le manque de cohésion parmi ces réseaux peut représenter une faiblesse, il rend également le discours de l'ESS et de l'entrepreneuriat social attractif et incontournable en permettant d'inclure de nombreux acteurs qui ont des approches et priorités diverses, mais qui tous partagent une hybridité de leurs finalités sociales et économiques.
De plus, la rapport recommande la mise en place de politiques publiques transversale afin de répondre aux enjeux complexes de demain. Au-delà de la création d'offices interdépartementaux pour assister les acteurs hybrides, nous recommandons une meilleure prise en compte de l'hybridité dans les mesures et projets existants, tels que la promotion économique (qui tend à oublier les formes juridiques hybrides telles que la coopérative) ou les appels d'offres. Ces derniers, se focalisant sur une prestation spécifique au meilleur coût, ne tiennent pas compte de critères sociaux ou des capacités de certains acteurs hybrides à répondre, au travers d'un projet combiné unique, à des appels d'offres émanant de deux services différents.
Au niveau de la recherche et de l'enseignement, les résultats appellent à un décloisonnement afin de développer des outils et des catégories qui permettent une vision véritablement hybride des acteurs qui traversent les frontières habituelles des disciplines académiques. Si l'étude n'a pas permis de chiffrer précisément le nombre d'acteurs ou la part de l'emploi qu'ils représentent pour le canton (notamment à cause de l'impossibilité, au niveau scientifique, de définir objectivement les frontières de la nébuleuse et donc de décider de qui inclure, respectivement exclure, dans de tels comptages), elle a néanmoins confirmé l'existence de milliers d'acteurs qui ne peuvent être assimilés aux catégories habituelles. Ces acteurs cherchent à combiner des objectifs sociaux et économiques, sont actifs dans presque tous les secteurs de l'économie, et adressent une grande majorité des enjeux sociaux et économiques que la société rencontre aujourd'hui. De plus, selon notre étude, l'appartenance à un réseau ESS est corrélée avec une meilleure application des principes ESS sans toutefois garantir l'application systématique de tous les principes. Vu que les acteurs ESS ne sont que très peu fédérés dans le canton, il n'est pas surprenant que de nombreuses organisations qui n'appartiennent pas à un réseau ESS en appliquent néanmoins les principes – ceci indépendamment de leur forme juridique.
Finalement, le projet a eu plusieurs retombées indirectes, telles que le dépôt d'un projet Interreg par Après-VD ainsi que l'avancement du débat sur l'ESS en Suisse romande au travers de séances publiques, de conférences et d'articles dans les médias. Les chercheurs ont également participé à la création d'une association promouvant un canevas pour la création d'organisations hybrides (social business models, SBM) et à la réalisation de mandats d'expertises, notamment pour la Commission Européenne. De plus, les interactions formelles et informelles entre les chercheurs et la société civile ont renforcé la visibilité de l'UNIL, notamment en permettant de valoriser les contributions spécifiques que l'Université peut offrir à la société civile (et expliquer ce qu'elle ne peut pas offrir). Au niveau académique, les chercheurs ont été associés au réseau européen de recherche sur les entreprises sociales (projet ICSEM), développé une collaboration avec la HEG-FR et rassemblé les chercheurs suisses sur l'entrepreneuriat social et l'ESS lors d'une journée à l'UNIL.