Animaux : quelle est leur place dans le monde contemporain ?
Thématique
Les relations entre l’Homme et les animaux ne cessent d’évoluer et de soulever de nouvelles questions. Bien-être animal, élevage, consommation, statut juridique, éthique ou encore conservation sont des thèmes fréquemment associé à la question animale et dont l’appréhension nécessite un regard pluridisciplinaire. Ce cycle de séminaire 2017 a pour but d’esquisser des éléments de réponse à la question centrale de la place qu’occupent les animaux dans un monde de plus en plus dominé par l’emprise humaine, à travers différentes conférences déclinées autour de ce thème central.
Les religions et les animaux, une relation difficile
Eric Baratay, Université Jean Moulin Lyon 3
15 mars 2017
Depuis leur création, les religions, en particulier les trois monothéismes, ont beaucoup parlé des animaux pour penser à la fois la Création comme œuvre de Dieu et la place particulière de l’homme. Mais, contrairement à ce que l’on croit ou ce que l’on voudrait faire croire, elles ont souvent hésité et varié à propos des animaux et leurs discours n’ont jamais été figés, oscillant entre intérêt et dédain. On insistera donc sur la dynamique historique de cette question de manière à prendre du recul par rapport aux positions toutes prêtes.
Prendre soin de l’animal : de la souffrance à zoopolis
Gérald Hess, Université de Lausanne
22 mars 2017
Le rapport que les sociétés humaines ont développé envers les animaux n’exprime pas seulement la manière dont nous nous comportons vis-à-vis d’eux ; il est également une affaire qui dit quelque chose à notre sujet : il dit ce qu’il en est de notre humanité et de la compréhension que nous avons de nous-mêmes. Un bref parcours de certains faits témoigne à quel point notre relation aux animaux est éthiquement problématique, qu’il s’agisse, par exemple, de l’élevage en vue de l’alimentation, des animaux utilisés à des fins de spectacle ou en encore de l’expérimentation animale.
Nous ne sommes pourtant pas démunis pour penser notre rapport à l’animal. Depuis plus de quarante ans, philosophes et éthiciens ont montré à quelles conditions la relation humaine aux animaux était éthiquement défendable. Nous allons dans un premier temps retracer ce parcours en trois étapes, en commençant par la critique du spécisme pour en arriver à la politisation de la question animale – la proposition d’une zoopolis – en passant par la critique de l’humanisme sous-jacent à la pensée occidentale. Je défendrai l’idée selon laquelle la réalisation d’une zoopolis suppose une anthropologie que certains concepts de l’éthique environnementale peuvent contribuer à expliciter.
Une vision plus holistique des choses me semble finalement mieux à même de permettre la mise en place d’une zoopolis qui n’envisage pas d’abolir toute utilisation de l’animal pour des fins humaines, mais vise l’interdiction de son exploitation.
Bibliographie
Corine Pelluchon, Manifeste animaliste, Paris, Alma Ed., 2017
Will Klymicka et Sue Donaldson, Zoopolis. Une théorie politique des droits des animaux, Alma Ed., 2016
Peter Singer, La libération animale, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2012
MatthewCalarco, "Nul ne sait où commence ni où finit le visage. L’humanisme et la question de l’animal", in Afeissa H.-S., et Jeangène Vilmer J.-B. (Dir.), Philosophie animale, Paris, Vrin, 2010
250 millions d'années d'histoire de la biodiversité
Lionel Cavin, Muséum de Genève
29 mars 2017
La biodiversité est en crise, ou elle risque de l'être prochainement. Mais comment la biodiversité a-t-elle évolué sur le temps long de la géologie ? Est-elle restée constante au fil des millions d'années ? A-t-elle augmenté ? Si oui, plutôt de manière régulière ou par étapes successives ? A-t-elle déjà subi des chutes brutales ? Les fossiles sont la source principale d'information pour étudier les variations de la biodiversité sur des périodes de plusieurs centaines de millions d'années. Nous examinerons, à travers quelques exemples pris essentiellement chez les poissons, comment se débarrasser des biais qui entachent le signal envoyé par les fossiles, puis comment l'analyser. Nous chercherons comment et quand certains clades ont produit des radiations évolutives alors que d'autres semblent ne s'être jamais diversifiés, et comment ces groupes ont franchi, ou pas, des extinctions de masse selon leur position dans les écosystèmes.
The Holy Cow, Vegetarism and the cycle of rebirths: Animals in Indian religions in a historical perspective
Ingo Strauch, Université de Lausanne
5 avril 2017
Thinking of India one image suddenly appears: a cow standing in the middle of a street, not caring for the traffic around her and sometimes even venerated by the people passing by. The veneration of cows has a long tradition in Indian culture and does even affect political discussions today. As a concept, it is closely related to the principle of non-violence that is firmly rooted not only in Hindu traditions, but also in Jainism and Buddhism. All these religious movements also share the common view of a cycle of rebirths that governs the human existence and determines the quality of present and future life.
I will try to give an overview about the historical development of these ideas and their interrelationship. A special focus will be given to the position of animals in the various concepts and its significance for the emergence and prevalence of vegetarism in various religious communities.
K.T.S. Sarao. Origin and Nature of Ancient Indian Buddhism. Munshiram Manoharlal Publishers, 2010.
Frank J. Korom. Holy cow! The apotheosis of Zebu, or why the cow is sacred in Hinduism. Asian Folklore Studies, 2000, pp. 181-203.
Conférence
Questions / Réponses
Questions autour du droit animalier
Olivier Le Bot, Université d'Aix-Marseille
12 avril 2017
Le droit animalier constitue une matière émergente. Jusque-là dispersé entre une multitude de branches du droit, il commence à s’affirmer en une discipline juridique autonome. Il connaît en outre un développement considérable dans tous les pays, en conséquence de la considération croissante portée à l’animal.
L’objet de la conférence sera de présenter les grandes caractéristiques du droit animalier, son histoire, ses acteurs, les doctrines en présence et les problématiques les plus importantes qu’il soulève : statut de l’animal, diversité des régimes, constitutionnalisation et idée de reconnaître aux animaux le bénéfice des droits fondamentaux.
Bibliographie
Suzanne Antoine, Le droit de l’animal, Légis-France, coll. Bibliothèque de droit, Paris, 2007
Olivier Le Bot, La protection de l’animal en droit constitutionnel. Etude de droit comparé, RRJ 2007/4, p. 1823 ; Lex electronica 2007, 12(2), 54 p.
Olivier Le Bot, La qualification juridique de l’animal : d'une conception classique dépassée à la recherche d’une nouvelle catégorie juridique, in La raison des plus forts. La conscience déniée aux animaux (P. Jouventin, D. Chauvet et E. Utria dir.), éditions IMHO, Paris, 2010, p. 225
Olivier Le Bot, Des droits fondamentaux pour les animaux : une idée saugrenue ?, RSDA 2010/1, p. 11
Conférence
Questions / Réponses
Vivre avec les animaux, une utopie ?
Jocelyne Porcher, INRA, Montpellier
28 avril 2017
Nous vivons actuellement une situation inédite dans nos relations avec les animaux domestiques. Après dix mille ans de vie en commun, la rupture entre les animaux domestiques et nous semble aujourd’hui programmée. Cette destruction de nos liens avec les animaux serait pourtant une rupture anthropologique majeure. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi vivre avec les animaux est-il devenu un projet utopique ?
Bibliographie
Jocelyne Porcher, 6. Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle. La Découverte, 2011. pp. 127-147.
Jocelyne Porcher. L’élevage, un partage de sens entre hommes et animaux: intersubjectivité des relations entre éleveurs et animaux dans le travail. Institut National Agronomique Paris-Grignon, 2011.
Conférence
Questions / Réponses
Enjeux et défis de la conservation de la faune sauvage à travers le monde
Jean-Christophe Vié, IUCN, Gland
3 mai 2017
Les rapports documentant la disparition du vivant et ses conséquences sur les populations humaines s’enchainent depuis des décennies; beaucoup émanent d’organismes différents et réputés dont les Nations Unies qui reconnaissent que le droit à un environnement sain devrait être considéré comme un droit humain fondamental. Parmi ces rapports, plusieurs fois par an, l’Union internationale pour la conservation de la nature publie sa Liste rouge des espèces menacées. Les chiffres sont préoccupants et montrent une disparition toujours plus rapide des organismes vivants menant à une sixième extinction de masse. Les résultats font les gros titres des journaux pendant quelques jours puis chacun se recentre sur les sujets considérés comme plus « importants », jusqu’à la prochaine mise à jour.
S’il semble y avoir une prise de conscience de l’impact des changements climatiques, comme le montre l’élection américaine, cela reste fragile et, partout, les mesures pour y faire face restent timides. Mais alors qu’elle est parfaitement documentée depuis de nombreuses décennies, la perte de notre capital naturel, dont les impacts sont tout aussi préoccupants, bénéficie d’une attention limitée. Jean-Christophe Vié présentera un état de la diversité du vivant sur la planète ainsi qu’une analyse des menaces qui s’exercent sur elle, avant de se pencher sur les solutions nécessaires et les obstacles.
Bibliographie
S.H. Butchart, M. Walpole, B. Collen, A. Van Strien, J.P. Scharlemann, R.E. Almond, alii & K.E. Carpenter. Global biodiversity: indicators of recent declines. Science, 2010, 328(5982), pp. 1164-1168.
M. Hoffmann, C. Hilton-Taylor, A. Angulo, M. Böhm, T.M. Brooks, S.H. Butchart, alii & W.R. Darwall. The impact of conservation on the status of the world’s vertebrates. Science, 2010, 330(6010), pp. 1503-1509.
Longtemps le statut donné par les hommes aux animaux a oscillé entre un animal « humanisé » et un animal-objet. Le développement de la biologie et la théorie de l’évolution ont clairement montré qu’en ce qui concerne leur « nature », les êtres humains étaient des animaux, proches des autres espèces, mais avec des différences marquées en ce qui concerne l’intelligence et la « culture ». Les récents progrès des neurosciences et de l’éthologie ont permis de rapprocher l’intelligence des animaux les plus développés sur le plan cérébral, vertébrés et pieuvres notamment, de l’intelligence humaine. Des aptitudes de mémoire complexes peuvent être démontrées chez ces animaux. Des ébauches de culture peuvent être observées chez eux : utilisation d’outils, de règles cognitives, de communications, voire de langages, ébauches de comportements moraux ou de choix esthétiques. Des formes de conscience proches de la conscience humaine peuvent y être associées, y compris une « conscience de soi », ce qui permet de considérer que ces animaux possèdent, comme les êtres humains, des aptitudes de douleur et de souffrance. Dès lors où se situent finalement les différences intellectuelles entre notre espèce et les (autres) espèces animales ? Et quelles conséquences morales doit-on tirer de ces observations scientifiques dans notre manière de traiter les animaux ? Les connaissances sur l’intelligence et la conscience des animaux doivent-elles nous amener à renouveler notre éthique ?
Bibliographie
Georges Chapouthier, Kant et le chimpanzé – Essai sur l’être humain, la morale et l’art, Editions Belin, Paris, 2009
Georges Chapouthier et Françoise Tristani-Potteaux, Le chercheur et la souris, CNRS Editions, Paris, 2013