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La justice environnementale est un courant de pensée qui a donné naissances dans les années 1970 à un mouvement à la fois social et scientifique. Son but premier est de démontrer que les préjudices environnementaux ont des effets qui ne sont pas individuels et isolés, mais au contraire massifs et systémiques, et qu’ils tendent à se cumuler avec différentes formes d’inégalités socio-économiques et avec l’absence de reconnaissance des populations les plus fragiles. Le cycle de conférences proposé par le SIE permettra de découvrir comment la notion de justice environnementale s’est développée pour acquérir une signification toujours renouvelée dans la situation environnementale actuelle.
En effet, ce mouvement global qui concerne l’ensemble des sociétés et des communautés n’est pas uniquement impacté par les inégalités climatiques et de richesse. Nous découvrirons que cette justice (ou injustice environnementale) est profondément ancrée dans l’histoire, dans les définitions identitaires des populations, mais également dans la transmission du savoir scientifique.
A l’heure où se présente une nouvelle génération qui désire voir le monde à travers le prisme de la bienveillance et de l’unité des luttes pour « un monde meilleur », il nous faudra notamment examiner dans quelle mesure le droit, dans cette bataille pour l’équité et la réduction des inégalités, est capable de contribuer à un monde plus juste. Nous serons ainsi amenés à examiner dans quelle mesure des notions comme la « vulnérabilité », « l’écocide » ou « l’intersectionnalité » peuvent nous aider à cerner les relations complexes entre les variables sociales et les dimensions écologiques de réduction des inégalités.
Damien Kunik
Collaborateur scientifique du Département Asie au MEG
Modérateur : Alain Kaufmann, Directeur du ColLaboratoire de l’UNIL - Unité de recherche-action, collaborative et participative
Dans cette exposition du Musée d’ethnographie de Genève (24.09.2021 – 21.08.2022), le thème abordé est celui de l’urgence climatique, l’un des enjeux majeurs de notre époque. Le parcours présente les perspectives et les savoirs et savoir-faire de peuples autochtones pour faire face aux dégradations de leurs territoires accélérées par les changements de climat.
Partout dans le monde, près de 500 millions d’autochtones défendent leurs droits face à l’injustice environnementale qui menace leur économie, leur santé et leurs cultures. Les peuples autochtones sont particulièrement vulnérables en raison de leur étroite dépendance à leur milieu naturel pour leur culture, leur santé et leur subsistance. Ces communautés ont un rôle important à jouer dans la recherche d’alternatives, grâce à leurs savoirs et savoir-faire qui se révèlent particulièrement efficaces pour la protection de la biodiversité, des sols, de l'eau et des écosystèmes.
Au sein de cette exposition, nous donnons la parole à ces femmes et ces hommes qui veulent faire valoir leurs droits collectifs à contrôler leurs territoires. Le parcours s’articule autour de la situation politique, géographique et sociale de peuples autochtones dans le monde d’aujourd’hui. Il montre comment ils proposent de modifier la relation avec les écosystèmes pour faire face aux dégradations de l’environnement accélérées par le changement climatique. L’exposition présente la façon dont ces communautés répondent à ces enjeux à travers une éthique du soin et une culture de la réparation. Le parcours expose la manière dont ces peuples s’appuient sur leurs droits fondamentaux pour résister face à l’injustice environnementale, protéger leurs territoires et transmettre leurs connaissances aux jeunes générations.
Rahma Bentirou Mathlouthi
Chercheuse Post-doc FNS invitée à l’Université de Barcelone – Chercheuse assistante à l'Institut de l'Ouest: droit et Europe (IODE) (UMR CNRS 6262), Université de Rennes 1 et au Centro de Estudios de Derecho Ambiental de Tarragona (CEDAT), Université Rovira i Virgili – Chargée d'enseignement magistral du Droit de l'environnement, Université de Grenoble-Alpes (France)
La conférencière ne sera présente que par ZOOM. Néanmoins que le public est le bienvenu dans la salle pour interagir en deuxième partie avec elle s'il le souhaite.
Qualifiée de notion « vague », « complexe » ou « ambiguë », la vulnérabilité n’est soit pas définie par les acteurs qui l’emploient, soit elle est comprise tacitement sous un certain sens. Le rapport « vulnérabilité » et « environnement » renvoie à plusieurs situations de fragilité, de résilience et de précarité de l’individu ; du vivant humain ; du vivant non-humain ; des personnes et des groupes de personnes (peuples autochtones, handicapés, à besoins particuliers…) ; de la planète ; de la nature ; des systèmes (environnemental, économique, agricole, institutionnel…) locaux ou globaux ; des socio-écosystèmes, de l’environnement (marin, naturel, atmosphérique…) dans lequel on vit. Face à cette notion à géométrie variable, à cette notion insaisissable qui touche toutes les dimensions de notre société, des réflexions à la fois épistémologiques et pluridisciplinaires sur les rapports vulnérabilité - environnement - droits fondamentaux sont de plus en plus présentes dans les sphères académiques et non académiques.
Mis à part les interrogations de type « conceptuel » qui seront posées dans le cadre de cette conférence, cette dernière sera l'occasion de discuter de certaines manifestations empiriques des vulnérabilités environnementales en lien avec les droits fondamentaux, tout en démontrant l'importance d'une approche globale et systématisée dans l'appréhension de ces rapports (durabilité, limites planétaires...).
Yohan Ariffin
Professeur associé à l’Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne
Depuis l’adoption de la Convention sur la diversité biologique en 1992, puis du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture en 2001, les connaissances, savoir-faire, innovations et pratiques développés par les communautés locales et les peuples autochtones ont été largement reconnus comme susceptibles de contribuer à la conservation et l’utilisation durable des éléments du vivant sauvage et cultivé. Cette reconnaissance se situe à la croisée de logiques environnementales et économiques hétérogènes qui ont contribué à l’émergence d’un discours valorisant le rôle que les savoirs ancestraux peuvent jouer dans la gestion locale de la biodiversité ainsi que dans l’élaboration de produits à forte valeur ajoutée, notamment pharmaceutiques et cosmétiques. Mais ces logiques et les projets auxquels elles ont donné lieu sont-ils congruents avec les revendications politiques et culturelles portées par les communautés locales et les peuples autochtones ?
Charlotte Soulary
Consultante internationale genre et droits des femmes, membre de la direction d'Europe Ecologie les Verts
Cette conférence aura lieu par visio-conférence mais sera diffusée dans la salle AULA et sera suivie, comme chaque semaine, d'un apéritif.
La domination de la nature et la domination des femmes sont le fruit d’un système commun. Pourtant, l’écologie politique est loin d’avoir toujours été féministe, et ne l’est pas encore complètement aujourd’hui. Du contrôle des naissances en passant par les tâches de soin et la protection de l’environnement, l’écologie peut, elle aussi, instrumentaliser le corps et le travail des femmes, tout en recyclant des mécanismes d’exclusion de la sphère publique qui contribuent à maintenir leurs voix dans l’invisibilité. Alertant devant les dangers d’une écologie conservatrice comme des prophéties de l’effondrement, Charlotte Soulary esquissera les grands principes d’une écologie féministe, qui restaure notre pouvoir de choisir, pour nos corps, nos vies et notre planète, et donne à voir ce que pourraient être les combats futurs d’une écologie qui nous fait gagner en liberté.
Augustin Fragnière
Docteur en sciences de l’environnement et philosophie politique – Chercheur en éthique et justice climatique – Directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité
Nous aborderons les questions de justice climatique d’un point de vue philosophique, c’est-à-dire en accordant une certaine importance aux questions de définition et conceptualisation des problèmes de justice (toutes fois un ensemble d’exemples tirés d’observations empiriques pour rendre les choses plus concrètes seront donnés).
Nous ne discuterons pas immédiatement la question de la justice climatique du point de vue distributif comme cela est souvent le cas (inégalités de contribution et d’exposition au changement climatique), mais dans une optique sensiblement différente qui est celle de la non-nuisance et des droits humains.
De nombreuses études montrent en effet que les conséquences du changement climatique mettent en péril de nombreux droits humains, en particulier dans les pays les plus vulnérables. Il sera montré en quoi les droits humains constituent un fondement moral très important dans le cas du changement climatique, en ce qu’il est très largement reconnu et qu’il permet de justifier des devoirs de justice forts de la part des pays les plus émetteurs. L’approche par les droits humains est également particulièrement intéressante dans la perspective intergénérationnelle, puisqu’elle permet de contourner un certain nombre de difficultés lorsqu’il s’agit de conceptualiser nos devoirs envers les générations futures.
Valérie Cabanes
Juriste internationaliste et essayiste
Les droits fondamentaux des peuples sont menacés par les dommages infligés aux milieux naturels et le droit pénal international n’est pas équipé pour punir et prévenir les crimes environnementaux les plus graves. Le droit manque d’une vision écosystémique plaçant le respect de l’écosystème Terre comme condition première pour maintenir la paix et la sécurité humaine.
Valérie Deldrève
Directrice de recherche en sociologie ETTIS-INRAE Nouvelle Aquitaine
La qualité de l’environnement est progressivement devenue un élément de discrimination au sein des populations et un bien qu’il convient de préserver à long terme dans l’intérêt de l’humanité. L’analyse de mouvements sociaux et courants scientifiques ainsi que plusieurs travaux relatifs aux inégalités environnementales révèlent que cette préservation au bénéfice des générations présentes et futures s’est difficilement articulée à la lutte contre les inégalités sociales et environnementales. Elle tend même à les renforcer. Afin de comprendre cette difficulté, nous nous interrogerons, en prolongeant la réflexion de Pierre Rosanvallon, sur les liens de solidarité où le sentiment d’égalité est ravivé. Nous montrerons alors que face aux enjeux environnementaux, la « communauté de destin », élargie aux générations futures et passées humaines, voire non-humaines, est remise en cause, car distincte de « communautés d’épreuve » plurielles et constituées de collectifs socialement et écologiquement structurés. Nous interrogerons enfin la manière dont la dynamique de mobilisations actuelle tend à retisser les liens entre inégalités inter et intra-générationnelles.