Le changement climatique : science ou pseudoscience ?
Thématique
La fin de l’année 2009 aura été marquée par une polémique publique à l’encontre de l’IPCC, peu de temps avant le sommet international de Copenhague. Cette polémique s’inscrit dans un temps plus long, et perdure avec la réactivation permanente d’un argumentaire climato-sceptique plus ou moins stable dans le temps.
Il s’agit d’une polémique et non d’une controverse à proprement parler scientifique, à savoir un échange d’arguments, associés à des résultats divers, au sein d’une communauté épistémique particulière, en l’occurrence celle des scientifiques du climat. La distinction entre controverse scientifique et polémique n’est guère compréhensible par le public, d’autant que des scientifiques d’autres champs contribuent à cette polémique.
Celle-ci se déroule sur fond d’enjeux idéologiques, économiques, politiques et sociaux particulièrement lourds. Elle semble même donner lieu aujourd’hui à une véritable chasse aux sorcières contre des climatologues, notamment aux USA ou en Australie. Les Républicains américains cherchent par ailleurs à supprimer le financement de l’IPCC.
Ce cycle vise à mettre en lumière cette polémique, ses mécanismes, ses enjeux et conséquences.
Introduction au Séminaire interfacultaire par le professeur Dominique Bourg
Polémiques climatiques: arguments et acteurs
27 février 2012
Edwin Zaccaï, physicien et philosophe, Université Libre de Bruxelles
Conférence
Questions & réponses
Les représentations sociales de l’effet de serre : structures et évolutions
5 mars 2012
Daniel Boy, juriste, politologue, Centre de recherche politique de SciencesPo, Paris
Depuis l'année 2000, l'Agence de l'Environnement et de la Maitrise de l'Energie réalise chaque année au printemps un sondage sur les représentations sociales de l'effet de serre et du réchauffement climatique. Cette enquête est administrée par téléphone auprès d'un échantillon de Français âges de 15 ans et plus. Les informations accumulées dans cette base de données permettent de répondre à une série de questions fondamentales pour comprendre les perceptions du grand public dans ce domaine.
En quoi consiste concrètement pour le public l'effet de serre et le réchauffement climatique ?
L’explication de ces phénomènes est elle fondée sur des certitudes scientifiques ?
La responsabilité de l'action humaine est elle clairement établie ?
Quelles solutions, réglementaires ou liées à initiative individuelle, peuvent contribuer à remédier à cette situation ?
Enfin quelles ont été les grandes évolutions de l'opinion sur cette période de 12 ans ?
Le changement climatique : science ou pseudoscience ? A moins que la question ne soit mal posée
5 mars 2012
Pierre Lagrange, sociologue des sciences, Centre Norbert Elias, Université d’Avignon
Genèse et généalogie d’une théorie populaire du climat
12 mars 2012
Stéphane Foucart, journaliste, Le Monde
Depuis quelques années s'est construite une théorie du changement climatique "alternative" - ou "climatoscepticisme" -, qui prétend concurrencer et faire pièce à la théorie standard incarnée par les rapports de synthèse du GIEC. Cette théorie alternative s'est forgée par agrégation d'arguments principalement mis en circulation par des organisations-écrans et/ou des personnalités proches des milieux d'affaires nord-américains dès la fin des années 1980; ce processus d'agrégation et de mise en cohérence d'arguments hétéroclites (sociologiques, pseudo-scientifiques ou politiques) a été rendu possible par les nouveaux médias. Une analyse des grands jalons chronologiques de cette "théorie populaire" du climat permet de comprendre l'importance des médias collaboratifs dans l'élaboration de nouvelles formes de propagande. Elle permet aussi de prendre la mesure du succès de celles-ci.
Populisme climatique, quand des scientifiques perdent le nord
12 mars 2012
Sylvestre Huet, journaliste, historien, Libération
L'un des phénomènes les plus étranges du climatoscepticisme consiste en la participation de scientifiques, retraités mais aussi encore en activité dans un laboratoire de recherche public, à ce combat douteux. Cette participation prend une double forme : d'une part l'intervention dans l'espace public, en particulier les médias traditionnels et web ainsi que la conférence en direction de publics divers, et d'autre part la production d'articles scientifiques destinés à publications dans des revues primaires. Cette production se traduit la plupart du temps par une sorte de suicide professionnel puisqu'elle se termine par des publications dans des revues extrêmement sous-cotées par rapport au standing de ces scientifiques et par une perte de réputation certaines, qui prend parfois la forme de la contestation de récompenses académiques. Le groupe de l'IPGP formé par Vincent Courtillot est un des représentants les plus curieux de ce phénomène.
Le climat fragile de la modernité. Du climat comme lieu de la réflexivité environnementale 1700-1900
19 mars 2012
Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement, Imperial College London
L’hypothèse que je voudrais explorer, est que la notion de climat a été un lieu essentiel où les sociétés du passé ont pensé leur réflexivité environnementale. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, le climat acquiert une certaine plasticité : les savants et les administrateurs s’intéressent à ses variations, à ses altérations et au rôle de l’agir humain dans son « amélioration » ou sa « dégradation ». On passe d’un climat pensé comme un lieu, à un climat conçu comme un ensemble de processus qui concourent à produire le climat. Cette transformation est essentielle car l’activité humaine peut alors se concevoir comme un processus parmi d’autres au sein de cet ensemble de causes qui génèrent le climat.
Entre carbocentrisme et climato-scepticisme. La "voie étroite" de l'histoire du climat
19 mars 2012
Monsieur Garner étant malade, la conférence n'a malheureusement pas pu avoir lieu.
Emmanuel Garnier, historien des sciences, Université de Caen et Université de Cambridge
Privilège de sa discipline, fondée sur le dépouillement d’archives, l’historien appréhende la question climatique dans une perspective scientifique dépouillée de ses oripeaux polémiques contemporains. De facto, du haut de ses 500 ans d’archives, saisies et interprétées sous la forme de bases de données en Europe, il observe que la question des « dérangements du temps » ou encore du « renversement des saisons » fut régulièrement d’une « brûlante » actualité. Fort de ce constat historiographique, il convient de s’intéresser aux fluctuations du discours climatique à l’aune de la réalité du climat qu’il faisait. En effet, les sources anciennes livrent pléthores d’exemples sur les « monstruosités et « novelletés » du temps ou encore sur la fin annoncée de l’enneigement dans les espaces montagnards, chaque génération d’hommes ayant le sentiment de vivre au quotidien ce que nous appellerions aujourd’hui un changement climatique. C’est donc bien la mémoire et sa « durabilité » en matière météorologique qu’il s’agit d’interroger, notamment au prisme des événements extrêmes qui, en raison de leur caractère brutal, ont laissé de nombreux jalons documentaires. Malheureusement, et contre toute raison, l’approche nuancée du disciple de Clio est assez systématiquement instrumentalisée, comme s’il devait forcément choisir son camp. C’est accorder un bien grand crédit au tenant des sciences dites « molles » dont le devoir consiste plus modestement à apporter des éclairages sur le caractère permanent d’une conscience du risque climatique et sur les formes d’adaptation qu’élaborèrent nos ancêtres au fils des siècle pour faire face à l’adversité du temps.
Controverse scientifique et sophisme climato-sceptique en France
26 mars 2012
Olivier Godard, économiste, Ecole Polytechnique de Paris
Faussement présenté comme l’expression d’une controverse scientifique, le discours climato-sceptique ne constitue pas une contre-expertise, mais s’inscrit dans des projets idéologiques divers. Il a bénéficié de la complaisance de certains médias, avides de confrontations et détournant les règles du débat démocratique pour installer en une fausse symétrie la confrontation « d’opinions ».
Le rôle du droit dans la lutte contre le changement climatique et dans l’expertise climatique internationale
26 mars 2012
La conférence de Mme Torre-Schaub n'a malheureusement pas pu avoir lieu
Marta Torre-Schaub, juriste, Ecole normale supérieure de Cachan et Paris I Panthéon-La Sorbonne
La problématique du changement climatique a crée des institutions au niveau international mettant à la disposition des décideurs des expertises scientifiques et sociales. La production de ces expertises, le recueil des données, l’organisation et en somme la gouvernance de ces savoirs ont nécessité des normes et des structures juridiques. Comprendre la manière dont la « vérité » scientifique s’est construit puis s’est imposée implique que chercheurs et experts soient régulés par le droit international. La construction de ces normes et la manière dont elles ont été appliquées au contexte scientifique de l’expertise climatique internationale feront l’objet d’étude de cette contribution.
Le cadrage du problème climatique et l'articulation global/local : analyses, critiques et perspectives
2 avril 2012
Amy Dahan-Dalmedico, mathématicienne, historienne et philosophe des sciences, Centre Alexandre Koyré, Paris
L'exposé reviendra sur le cadrage du problème climatique tel qu'il s'est construit et imposé dans le régime international climatique depuis le début des années 1990. Par cadrage, nous entendons la construction scientifique de l'alerte climatique, le processus politique censé y répondre, enfin, la relation science-politique, elle-même déterminée par l'organisation très singulière qu'est le GIEC. Au cœur de ce cadrage est l'articulation du global au local, et les rapports controversés entre atténuation du CC et adaptation au CC. En mettant fin aux ambitions d'une gouvernance cosmopolitique à la Beck du problème climatique, l'insuccès de la Conférence de Copenhague a ouvert la voie à une offensive critique, centrée sur la constitution et l'histoire de ce cadrage et sur le rôle qu'y joue le GIEC. En revenant sur les divers éléments de cette situation, l'exposé tentera d'éclairer les perspectives du régime climatique.
Le nouveau passage du Nord-Ouest. Quel très long terme se dessine ?
16 avril 2012
Nicolas Bouleau, mathématicien, philosophe des sciences, Ecole des Ponts ParisTech, Paris
Science normale et révolutions scientifiques, économie orthodoxe et crises, les réactions au changement climatique interrogent l'épistémologie : comment sortir des à-coups et envisager une science de meilleure qualité, notamment vis à vis des risques futurs? Elle fait nécessairement socialement appel à davantage de pluralisme. Une forme de monisme est le business as usual et son support idéologique du climate realism, où cela mène-t-il ? Quel long terme souhaitons nous ? Y a-t-il un passage pour seulement les riches ? Il est utile de formuler des "désastres-types" par analogie aux idéaux-types de Max Weber. Le relativisme de la sociologie des sciences était une erreur, il ne faut pas confondre relativisme et pluralisme, c'est la condition d'avancer vers des structures politiques adaptées.