Les nouveaux films de J-M Straub

La section Histoire et esthétique du cinéma et la Cinémathèque suisse présentent les 25 et 26 avril:

Les nouveaux films de Jean-Marie Straub : dissemblances et assemblages


Les films straubiens pratiquent la division et le montage. Partons de cette idée pour regarder et écouter les derniers d’entre eux (2009-2011) que la Cinémathèque suisse, qui conserve l’ensemble de l’œuvre depuis les années 60, n’a pas encore présentés. Et, puisqu’un programme n’est rien d’autre qu’un assemblage, un montage, montons à notre tour ces films récents avec de plus anciens – par assonance ou dissonance. L’expérience de ces liaisons et déliaisons provisoires – car elles retentissent à chaque programmation, chaque vision dans des circonstances données, jamais les mêmes –, telle est la proposition que l’on fait aux spectateurs. Un film peut réagir contradictoirement avec le précédent (Lothringen !/Un héritier : là exil et résistance, ici résignation et collaboration), un film peut se diviser (deux personnages s’affrontent en son sein : Moïse et Aron ; deux textes se succèdent : Horace/Lucullus ; un texte d’un autre temps, une voix, un corps d’aujourd’hui, un paysage : O Somma luce ; une présence et une absence : L’Inconsolable), un personnage peut se révéler double, triple, occuper la place de l’autre (Der Bräutigan, die Komödiantin und der Zuhälter, Schakale und Araber), chaque image (intérieur/extérieur, proche/lointain, humain/non- humain, etc.)... Cette division qui prend en compte la complexité du monde, des actes, de la langue, c’est précisément ce dont un recours duplice à la recherche du consensus qui imprègne le discours du management du monde social comme de la planète, ne veut pas. Si « l’avenir est dans les contradictions », il est peu de nos dirigeants qui songent à quelque chose comme un « avenir » : « Que “les choses continuent comme avant” : voilà la catastrophe ».

Prof. François Albera

4 Programmes de <i> straub-huillet films </i> en présence du réalisateur

 

 1. Soumissions/insoumissions

Mercredi 25 avril 18.30 [65 min.]

L’Allemagne – de la guerre de 1870, et l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine, au réarmement sous Adenauer –, soumission et insoumission, le maître et l’élève où l’élève ne veut rien savoir.

 

Machorka-Muff (RFA, 1962) 35 mm n/b 17 min. Réal. Jean-Marie Straub.
récit de Heinrich Böll, musique de Jean-Sébastien Bach Avec Erich Kuby, Renate Langsdorff, Rolf Thiede

« Un rêve métaphoriquement abstrait, pas une histoire. » (J-M.S.)

 

Lothringen ! (France, 1994), 35mm coul., 21 min.
Réal. Danièle Huillet, Jean-Marie Straub
récit de Maurice Barrès, musique de Franz Joseph Haydn avec Emmanuelle Straub

« Professeur Asmus, dit Colette, je ne peux pas vous épouser. »
 

Un héritier (France/Corée du Sud, 2011), HD coul. 20 min. Réal. Jean-Marie Straub
récit de Maurice Barrès
Avec Joseph Rotner, Jubarite Semaran, Barbara Ulrich

« Je suis un héritier ; je n'ai ni l’envie, ni le droit d'abandonner des richesses déjà créées. »

 

En rachâchant (France, 1982), 35mm, n/b, 7 min
Réal. Danièle Huillet, Jean-Marie Straub
récit de Marguerite Duras
Avec Olivier Straub, Nadette et Bernard Thinus, Raymond Gérard

« N’y touchez pas ou je cogne. » Echos : Nicht Versöhnt, Fortini/Cani

 

 

2. Déserts

Mercredi 25 avril 21.00 [116 min.]

« Je n’ai pas dessiné des êtres, j’ai raconté une histoire ». Kafka écrit Schakale und Araber en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, autour des rapports de domination entre peuples obéissant chacun à leur loi, jouant des clichés antisémites comme des revendications sionistes auxquelles il n’adhère pas, face à l’homme du Nord qui s’en lave les mains.
Schönberg écrit son opéra en pleine montée du nazisme alors qu’il a effectué un retour au judaïsme. Il n’achèvera pas le 3e acte avant sa mort. En raison du « déchaînement du fascisme, des camps de concentration, de l’extermination des Juifs et de la création de l’Etat d’Israël. Moïse et Aaron est une œuvre antisioniste » (J-M.S.)

 

Schakale und Araber (Suisse, 2011), HD coul., 11 min. Réal. Jean-Marie Straub
récit de Franz Kafka, musique de Gyorgi Kurtag
Avec Barbara Ulrich, Giorgio Passerone, Jubarite Semaran

« ...nous réfugier dans un air plus pur, dans le désert qui, de ce fait, est notre patrie. »

 

Moses und Aron (Autriche/RFA), 35mm coul., 105 min. Réal. Danièle Huillet, Jean-Marie Straub
livret et musique d’Arnold Schönberg
Avec Gunther Reich, Louis Devos, Eva Csapò...


« toujours quand vous abandonnerez l’absence de souhaits du désert Et que vos dons vous auront conduits à la hauteur suprême, Toujours vous serez de nouveau précipités du succès de l’abus, renvoyés au désert »

Echos: Einleitung zu Arnold Schönbergs “Begleitmusik zu einer Lichtspielszene”, Fortini/Cani, Désert de Varese (dans O Somma luce)

 

 

3. Lumières

Jeudi 26 avril 18.30 [70 min.]

Le studio et le banc-titre, un film de chambre faisant le procès d’un tyran et le plein air où « toute phrase ou pensée si elle a un rythme doit le modeler sur l’objet qu’elle vise et reproduire, jeté à nu, immédiatement comme jaillie en l’esprit, un peu de l’attitude de cet objet quant à tout » mais dansant dans la lumière qui n’est plus celle de la page.

 

Einleitung zu Arnold Schönbergs “Begleitmusik zu einer Lichtspielszene” (RFA, 1972), 16 mm coul. 15 min.
Réal. Jean-Marie Straub
Textes de Wassily Kandinsky, Arnold Schönberg (correspondance), Bertolt Brecht, musique d’Arnold Schönberg
Avec Gunther Peter Straschek, Danièle Huillet, Peter Nestler

« La peur exprimée dans les dissonances de la période la plus radicale de Schönberg dépasse de beaucoup le degré de peur que l’individu bourgeois moyen est capable de jamais ressentir : c’est une peur historique, celle de l’aube de la catastrophe sociale. » (Hanns Eisler)

 

Corneille/Brecht ou Rome unique objet de mon ressentiment (France, 2009) HD coul., 29 min.
Réal. Jean-Marie Straub
textes de Pierre Corneille (Horace, Othon) et Bertolt Brecht (Le Procès de Lucullus)
Avec Cornelia Geiser

Pour Camille la victoire de Rome c’est la mort de son amant. Quant à Lucullus, le conquérant, quand il comparaît au Royaume des morts pour les victimes qu’il a faites, les richesses qu’il a accumulées, son butin, sont choses dérisoires.

 

Toute révolution est un coup de dés (France, 1977), 35mm coul., 10 min.
Réal. Jean-Marie Straub
poème de Stéphane Mallarmé
Avec Helmut Färber, Michel Delahaye, Georges Golfayn, Danièle Huillet, Manfred Blank...

« Tourbillon d’hilarité et d’horreur. »

 

O Somma luce (France/Italie, 2010), HD couleur, 18 min. Réal. Jean-Marie Straub
poème de Dante Alighieri, musique d’Edgar Varese
Avec Giorgio Passerone

« O souveraine lumière qui t'élève tant au-dessus des pensées des mortels, prête à mon esprit un peu de ce que tu paraissais, / Et fais ma langue si puissante qu'elle puisse laisser une étincelle au moins de ta gloire aux gens de l'avenir... »
 

 

Echos : Othon, Geschichtsunterricht, Moses und Aron, La Mort d’Empédocle, Cézanne, Von Heute auf Morgen, Operai/Contadini.

 

4. Couples


Jeudi 26 avril 21.00 [90 min.]

Rapports de couple : mariage, haine, mésentente, déchirement, perte.

 

Der Bräutigan, die Komödiantin und der Zuhälter (RFA 1968), 35mm. n/b, 23 min.
Réal. Jean-Marie Straub
textes de Juan de la Cruz, Ferdinand Bruckner, Helmut Färber, musique de Jean-Sébastien Bach
Avec Irm Hermann, Kristin Peterson, Hanna Schygulla, Werner Fassbinder...

« Toi jour, quand seras-tu... Viens présente-toi donc. »

 

Von Heute auf Morgen (Allemagne, 1996), 35mm n/b, 62 min. Réal. Danièle Huillet, Jean-Marie Straub
livret de Max Blonda, musique d’Arnold Schönberg
Avec Richard Salter, Christine Whittlesey, Annabelle Hahn

« Où gît votre sourire enfoui. »

 

L’Inconsolable (L’Inconsolabile Orfeo) (Italie, 2011), HD, coul., 15 min. mythe de Cesare Pavese, musique de Robert Schumann
Réal. Jean-Marie Straub
Avec Andrea Bacci, Giovanna Daddi

« On ne vainc pas la nuit et on perd la lumière. »

 

Echos : Il ginocchio di Artemide, O Somma Luce

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