La mise en forme sociale de la force de travail : études de deux entreprises sociales d’insertion socioprofessionnelle du canton de Vaud
Cette thèse de sociologie analyse les pratiques des coach·es et des maître·esses socioprofessionnel·les (MSP) dans l’accompagnement des participant·es aux mesures d’insertion (chômage et aide sociale). Dans un contexte d’activation des politiques sociales, l’État sous-traite une partie des mesures aux entreprises sociales d’insertion (ESI). À partir d’une enquête qualitative réalisée dans deux ESI mandatées par l’État, ce travail met en lumière le rôle joué par ces professionnel·les dans les processus de mise en forme sociale de la force de travail, c’est-à-dire les opérations de mise en conformité des individus aux exigences du marché du travail. Cette thèse poursuit un triple objectif : identifier les catégories de mise en forme sociale (recherche documentaire) ; comprendre la mise en acte de ces catégories dans l’insertion (ethnographie institutionnelle) ; analyser la mise en forme sociale en combinant les travaux sur l’anthropologie culturelle et la critique marxienne de la valeur, ce qui permet de penser à nouveau frais le phénomène de l’insertion. Les principaux résultats montrent que les pratiques des professionnel·les de l’insertion visent à rendre le travail désirable aux yeux des participant·es. L’analyse porte sur toute une panoplie d’instruments « sociotechniques » et « psychotechniques » auxquels les coach·es et les MSP ont recours. Cette recherche propose de saisir le travail avant tout sous sa dimension socio-historique comme un rapport social caractérisé par la dépense de force de travail en vue de la valorisation économique, ce qui définit en partie le travail comme souffrance et comme reproduction de non-sens. Le rôle des inséreurs est d’occulter plus ou moins consciemment la réduction tendancielle des individus à leur seule force de travail et d’accompagner les sans-emploi dans une (re)conquête de sens vis-à-vis de la perspective d’avoir un travail. L’accompagnement vers l’emploi consiste alors à travailler avec les individus sur les efforts qu’ils doivent fournir et faire sur eux-mêmes pour intérioriser les contraintes qui pèsent sur eux et transfigurer leur propre situation. Il ressort également de l’enquête qu’au travers des politiques d’activation se dessine les contours d’une intervention sociale qui se rapproche par plusieurs aspects des pratiques de guérisseurs.