La Dre Fabienne Dietrich est spécialiste des sols, ces habitats où transitent et interagissent tant d’éléments essentiels à la vie sur Terre.
La Dre Fabienne Dietrich est spécialiste des sols, ces habitats où transitent et interagissent tant d’éléments essentiels à la vie sur Terre.
Après une thèse sur les sols au Cameroun à Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST), puis un poste de coordination de Master, elle s’est à nouveau plongée dans son sujet de prédilection en se consacrant aux sols du Canton de Vaud, dont la protection est un jalon crucial de notre sécurité alimentaire.
Elle occupe à présent le poste de cheffe de projet « investigations pédologiques » à la Direction générale de l’environnement (DGE) du canton de Vaud.
Pouvez-vous nous parler de votre mission à la DGE ?
Je suis rattachée à la section Sol de la Direction générale de l’environnement (DGE). Chaque canton a pour responsabilité de protéger une certaine étendue de terre propice à l’agriculture. Dans le cas du canton de Vaud, cela signifie garantir 75 000 hectares de cette surface d’assolement, répondant à des critères stricts de qualité : faible pente, surface minimale de 1 ha, climat adapté à l’agriculture, terre non polluée et profondeur utile d’au moins 50 cm.
Mon rôle consiste à coordonner des projets pilotes de cartographie des sols. Afin d’identifier de nouvelles zones arables répondant à ces critères, nous devons en effet déterminer dans quels terrains mener des investigations supplémentaires. Nous devons aussi établir comment exploiter les données déjà existantes. J’ai eu le plaisir de retrouver dans l’équipe d'anciennes collègues, comme Magali Matteodo, une autre docteure de l’IDYST.
Après avoir mené votre thèse sur un terrain au Cameroun, qu’est-ce qui vous motive dans votre travail actuel ?
Ce que j’apprécie particulièrement, c’est le contact avec une multitude d’acteurs et d’actrices : des communes de tailles très variées, des agriculteurs, en passant par des ingénieurs de bureaux d’étude et des mandataires scientifiques.
Par ailleurs, j’apprends à découvrir les sols proches de chez moi. En effet, je suis familière avec les sols du Cameroun, mais je connaissais mal ceux du canton de Vaud ! Me pencher sur ces problématiques locales et apprendre à connaitre les sols en Suisse me motivent beaucoup.
Ma mission a beaucoup de sens pour moi. En tant que géologue, je sais bien sûr que le sol a de multiples fonctions, qui vont bien au-delà de la « production alimentaire ». Cartographier les sols permet de mieux les connaître et donc de mieux les protéger, c’est cela qui me motive le plus.
Y a-t-il des difficultés particulières liées à votre fonction ?
Naviguer dans la complexité administrative et les processus de validation est un défi. Mon travail est un maillon technique dans cette grande chaîne. Néanmoins, cette expérience est très enrichissante, et j’apprécie l’opportunité qui m’est offerte.
Pourquoi aviez-vous choisi de faire un doctorat en pédologie à la FGSE ?
En géologie, les grands cycles des éléments me fascinaient. Le sol, en tant qu’interface entre plusieurs systèmes – l’atmosphère, la biosphère, l’hydrosphère et la géosphère – joue un rôle prédominant dans ces cycles. Il est le théâtre de beaucoup de phénomènes. J’ai choisi la pédologie par intérêt pour la chimie et la biologie, qui sont nécessaires pour les comprendre, au même titre que la géologie.
En dehors de votre expertise sur les sols, quelles compétences mobilisez-vous aujourd’hui ?
Ma thèse m’a permis de développer beaucoup de compétences que j’exploite quotidiennement. La recherche implique de savoir synthétiser des problèmes, analyser des situations, tout en se formant en permanence sur les avancées de la science. Travailler en Afrique et avec d’autres universités partenaires m’a également appris à m’adapter à des systèmes très différents et à interagir avec des personnes de milieux variés.
Organiser des terrains, c’est aussi apprendre à gérer une logistique complexe. Il faut planifier les prélèvements, les ramener, les conserver. De telles capacités sont bien sûr utiles dans la coordination de projets.
Après votre thèse, comment s’est passée la transition professionnelle ?
J’ai quitté le domaine académique aussitôt après mon doctorat, en acceptant un poste de coordinatrice du Master ELSTE, conjoint entre l’UNIGE et l’UNIL. Bien que toujours dans un cadre universitaire, mes missions n’avaient rien à voir avec la recherche.
J’ai réalisé à quel point travailler sur les sols m’avait manqué en prenant un poste à la DGE ! Mais les compétences transversales acquises en coordonnant le Master m’ont bien aidée dans mes missions à la DGE. Par exemple, ma capacité à négocier sans être clivante avec une grande variété d’interlocuteur·rices.
D’autres expériences m’ont nourrie : je suis membre de l’exécutif dans ma commune et cet engagement m’aide à mieux comprendre les contraintes auxquelles sont confrontées les administrations locales. C’est précieux dans mon interaction avec les communes.
Que répondez-vous à celles et ceux qui estiment que le doctorat n’est pas pertinent pour une carrière non académique ?
Je considère la thèse comme bien plus qu’un diplôme supplémentaire après le Master. Cette expérience professionnelle permet d’acquérir une palette de compétences, tout en travaillant dans un domaine qui nous passionne. Ces compétences vont au-delà du plan technique et scientifique.
Après la thèse, il me parait essentiel de réfléchir avant de s’engager dans la recherche. Le parcours académique exige des concessions et a des conséquences sur la vie privée. Il faut en prendre conscience et comprendre qu’il existe de nombreuses autres voies professionnelles. J’ai adoré ma thèse, mais j’ai beaucoup d’autres centres d’intérêt, je m’implique pour ma commune, je suis présente pour ma famille. Il était donc clair que je ne partirais pas à l’étranger pour un postdoc. J’ai fait des choix conscients et éclairés, qui m’ont permis de saisir de belles opportunités.
« Il faut en prendre conscience et comprendre qu’il existe de nombreuses autres voies professionnelles. »