Comme l’ont montré André Mach, Thomas David et Felix Bühlmann dans leur article (« La fragilité des liens nationaux ») sur les élites économiques, la cohésion de l’élite suisse s’appuie sur différents mécanismes de reproduction comme la densité des interrelations et le nombre de connexions avec les centres de décision politiques et administratifs. Il nous semble avoir montré grâce à l’analyse des profils sociologiques des présidents de Zofingue que leur présence dans cette instances de socialisation commune (parmi d’autres) et leurs parcours universitaires relativement similaires – notamment dans les mêmes filières de formation comme le droit, la théologie et les sciences – étaient des marqueurs relativement sûrs de leur appartenance à ce que nous avons défini comme l’élite (définition d’élite).
Réseau de connexion dans toutes les sphères de la société.
Les 178 présidents de notre échantillon, nonobstant la diversité et l’hétérogénéité de leurs formations ou professions, occupent quand même des postes importants dans les grandes institutions de la société, et possèdent le contrôle de la structure sociale dans les différentes sphères. Les présidents ne se limitent pas à exercer leurs professions de base mais sont impliqués dans de multiples institutions importantes et occupent des places de pouvoir dans ces associations, entreprises et groupes d’intérêts. Il est par exemple difficile d’y trouver un juriste qui a suivit une simple carrière d’avocat, ou un pasteur qui n’a pas participé activement à la vie spirituelle du canton.
Difficile de trancher entre lieu de sociabilité et lieu de socialisation.
L’approche que nous avons utilisé ne nous permet pas de confirmer que cette société d’étudiants soit un lieu de création et d’entrainement de l’élite. Toutefois, ce n’est pas une coïncidence si une grande partie des personnes de notre échantillon est devenue partie intégrante de l’élite vaudoise, suisse, ou internationale. Il est probable que l’accès aux hautes sphères de la société des membres de notre échantillon, puisse être expliqué par une multitude de facteurs (origine sociale, réseau) et par les différentes étapes de leur parcours dont Zofingue semble être un élément clé. En effet, le passage par Zofingue semble clairement être un atout pour assumer des postes haut placés dans la société et pour assumer des positions de pouvoir dans celle-ci.
Les profils des individus appartenant à ce réseau sont la cristallisation et l’illustration de figures dominantes représentatives de ce qui peut composer l’élite.
L’analyse des membres, et plus précisément des présidents de cette société d’étudiants – approche possible des manifestations du phénomène de la sociabilité – nous a permis de définir et d’illustrer relativement clairement la propension des membres de la société à s’inscrire dans des relations publiques collectives et à occuper l’espace public dans les différentes sphères de la société. En ceci, l’interdiction des femmes, par les statuts formels de la société, semble clairement péjorer l’accès de celles-ci aux sphères influentes. Zofingue semble donc reproduire et aider à la reproduction de la logique d’exclusion des femmes dans l’élite durant le XXe siècle.
Rupture et continuité montrée dans les formations et professions.
La diminution du nombre d’inscrits dans Zofingue VD nous montre bien les ruptures qui ont eu lieu pendant le XXe siècle. Si au début du siècle les formations en Théologie étaient fondamentales pour l’entrée dans les sphères élitaires, le XXe siècle a vu une évolution d’autres diplômes nécessaires pour l’accès au pouvoir. Il semble clairement que la société soit le bastion des apprentis juristes et ceci peut être perçu comme une continuité durant tout le siècle.
Enfin, en partant de nos résultats et du constat de l’importance de Zofingue dans les hautes sphères de la société, il nous semblerait intéressant pour une recherche future d’approfondir la compréhension du fonctionnement interne de la société. Malheureusement, la culture du secret cultivée entre les membres de l’association rendrait cette tâche relativement complexe à moins de s’infiltrer et de participer directement à la vie de la société.