Qui sont les présidents?

Marco Di Corcia et Maxime Mellina

18.06.2015

Les diplômes académiques et les positions professionnelles peuvent être perçus comme des indicateurs fondamentaux pour l’analyse des postes de pouvoir occupés par les personnes qui ont exercé le rôle de président de Zofingue VD (HARTMANN: 2005). Les résultats obtenus présentent des données très intéressantes à analyser, et nous montrent notamment comment certains diplômes ou certains postes professionnelles peuvent être considérés comme des positions de prestige pendant le XXème siècle, et comment ces positions ont respectivement perdu de leur importance au cours du temps. Il s’agira de montrer des profils dominants grâce aux différentes formations et professions assumés par les président étudiés et d’en pointer les ruptures et les continuités.

Qu'allez-vous trouver dans cette partie?

L’approche de la sociabilité peut être définie et comprise de différentes façons (problématique) : nous aborderons ici une manifestation possible de ce phénomène en étudiant les différents parcours, formations et carrières des membres de la société Zofingue VD, ce qui nous permettra – en conceptualisant la sociabilité comme la propension à s’inscrire dans des relations publiques collectives et à occuper l’espace public – de montrer que ces anciens Zofingiens ont toutes les capacités à « détenir les postes de commandements stratégiques de la structure sociale, où se trouvent centralisés les moyens efficaces d’exercer le pouvoir et de devenir riche et célèbre » (Mills 2012).

Nous pouvons, à la lecture de cette partie, concevoir les hommes de Zofingue VD comme appartenant aux hautes sphères et donc comme des membres d’une couche sociale supérieure, non seulement parce qu’ils ont tous un diplôme académique ou proviennent parfois de grandes familles, mais aussi parce qu’ils savent occuper les différents postes de pouvoir de la structure sociale. En passant par Zofingue, les membres se connaissent et se perçoivent plus encore comme un groupe, ont de plus en plus conscience de leurs propres positions et du rôle futur qui les attend.

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Caricature d’un Zofingien, via site Zofingue VD

L’analyse des membres, et plus précisément des présidents de cette société d’étudiants est une approche possible des manifestations du phénomène de la sociabilité, notamment parce qu’elle nous permet de définir la propension à s’inscrire dans des relations publiques collectives, et leur occupation de l’espace public dans les différentes sphères de la société (Mills 2012).

Il sera donc intéressant de revenir sur les différents mandats assumés par les présidents Zofingiens pendant le XXe siècle. L’observation des types de rôle de pouvoir acquis par les personnalités étudiées au cours de leurs vies professionnelles, associatives, et sociales nous permettra de mettre en avant leur présence forte dans les sphères politiques, économiques, académiques et spirituelles. Ces présidents ont en effet assumé des tâches dans chacune de ces sphères. Ces sous-sections nous permettrons de comprendre quel genre de positions et de postes de commandement les personnalités zofingiennes ont acquis au cours du XXe siècle.

« L’élite est un ensemble de hautes sphères dont les membres sont choisis, formés, certifiés conformes, et autorisés à toucher de près ceux qui commandent les hiérarchies institutionnelles anonymes de la société moderne »

(Mills 2012)

Origines sociales des présidents

Il serait incomplet de présenter les profils dominants des présidents de Zofingue VD sans revenir rapidement sur leur origine sociale. Nous pouvons en effet concevoir les hommes des hautes sphères comme des membres d’une couche sociale supérieure (MILLS: 2012, 13). Ces membres sont plus ou moins conscients d’appartenir à ce groupe et leur comportement les uns vis-à-vis des autres est différent de celui qu’ils adoptent envers les membres des autres classes.

A ce stade, nous n’avons pas voulu répondre à la hâte et définitivement à la question de savoir si les présidents de la société de Zofingue sont les membres d’une même classe homogène avant d’entrer dans la société, ou si au contraire une proportion considérable d’entre eux proviennent des classes hétérogènes et sur lesquels la société Zofingue a véritablement agit comme un organisme socialisateur et unificateur. Il semble plutôt que la société soit un passage obligé pour des étudiants d’une classe sociale déjà relativement élevée et qu’elle agisse tout de même comme un moyen de démarcation et comme un passage utile pour l’apprentissage de la prise de parole, des jeux de pouvoir, de la hiérarchie, de la méritocratie et du maniement du secret (GOUSSET-CHARRIÈRE: 2012, 15).

Pourtant, il faut tout de même souligner le fait que dans la plupart des biographies que nous avons étudié l’idée d’une origine sociale similaire (pour plus d’information: origines sociales) semble se profiler de nos données. D’une part, parce que tous les membres de notre échantillon ont effectué des hautes études universitaires et dont un peu moins de la moitié y ont acquis un Doctorat. Nous le savons, l’obtention d’un diplôme supérieur est un indicateur relativement sûr pour conclure d’une appartenance à une classe sociale relativement élevée (HARTMANN: 2005). D’autre part, parce que plusieurs présidents de notre échantillon (et particulièrement dans la première moitié du siècle), proviennent de mêmes familles de ce que nous avons appelé sous la section des origines sociales des professeurs de l’UNIL, une « classe sociale forte ». Les Bergier, Bonnard, Bridel, Chapuis, Guisan, Huguenin, Leuba, Piguet, Reymond, Vuilleumier ont tous vu se succéder plusieurs membres de leur famille à la présidence de la société d’étudiants. Mais n’oublions tout de même pas que d’autres sociétés d’étudiants et lieux de socialisation existent et que la société Zofingue semble rassembler – plus qu’une haute classe transcendante – des membres provenant des milieux protestants et libéraux.

Formations

L’analyse de la variable formation nous permet de comprendre les parcours académiques entrepris par les présidents de Zofingue VD. Nous avons divisé notre analyse en deux parties différentes :

  1. Totalités des diplômes acquis : approche synchronique qui nous permet de comprendre quels types de formation ont été plus fréquents à l’intérieur des profils des présidents durant le XXe siècle ;
  2. Évolution temporelle des diplômes acquis par les présidents : approche diachronique qui nous permet de saisir les évolutions dans le temps de l’importance ou du prestige d’une formation donnée.

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Graphique 1 : Totalité des diplômes acquis par les présidents de 1895 à 1995

Diplômes: méthode

Le Graphique 1 expose le total des diplômes académiques acquis par les Présidents de Zofingue VD, en comptant la totalité des licences (bleu) et des doctorats (rouge) obtenus.

Le nombre des diplômes acquis (n=191) ne correspond pas au nombre des présidents effectifs (178). Fréquents sont les cas où un président a acquis plus d’une formation universitaire. Le n pris en considération pour cette analyse est donc supérieur par rapport au nombre des présidents effectifs qui se sont succédés au XXe siècle.

Nos données mettent ici clairement en avant le grand nombre de diplômes en Droit. La majorité des étudiants (61), qui ont assumé la présidence de cette association, ont accompli des études de Droit, dont les 2/3 ont complétés leurs études avec une formation doctorale. Incontestablement, nous pouvons dire que la société est un lieu de rencontre des juristes et est très certainement un lieu de réseautage pour les futurs avocats. L’exemple de Louis Guisan qui reprend l’Étude de Antoine Vodoz , illustre bien ces figures dominantes.

Nos données mettent deuxièmement en avant une forte fréquence des titres universitaires en Théologie (36), acquis nous le verrons, surtout au début du siècle. Nous connaissons l’importance sociale de l’Eglise protestante au XIXe siècle et au début du XXe siècle encore. Les présidents se sont donc tout à fait intégrés dans l’importante production théorique des principes, des contenus et de l’histoire de la foi. Nous connaissons l’importance des débats théologiques dans la société, dans lesquels les Zofingiens se sont particulièrement investis. Henri Meylan en est une parfaite illustration.

Nous observons également une représentation conséquente des diplômes plus techniques, principalement des diplômés de Médecine (24) mais aussi de l’économie, des sciences naturelles, des sciences techniques, et sciences sociales et politiques. Les diplômés de Lettres, avec un nombre de 21 étudiants, sont aussi bien représentés. Pierre-Michel Genton et Noël Genton en sont de bonnes illustrations.

Le Droit et l'absence de grands théoriciens de l'économie politique

Les études de Droit ne forment pas seulement des gens destinés à une carrière juridique. Une formation juridique permet aux étudiants d’accéder à de nombreux postes dans différents champs professionnels, comme dans les sphères économiques, administratives ou académiques. Les professions, nous le verrons, qui suivent ces diplômes sont celles d’avocat ou de juriste et permettent de pouvoir accéder aux conseils d’administration des entreprises privées, de s’occuper des intérêts d’une multinationale ou du secteur publique, ou de poursuivre une carrière académique. Ce type de diplôme se caractérise par sa variété de débouchés professionnels ; dans le cas des présidents de Zofingue VD, la formation juridique permet de pouvoir recouvrir différentes couches de la société. Ramelet et al. mettent en évidence les efforts et les succès « en dehors de l’activité professionnelle des avocats » (RAMELET ET AL.: 1998, 43), en soulignant l’apport fondamental donné par les avocats dans le milieux historique, artistique et politique.

Il est intéressant de noter que très peu de présidents de notre base de donnée ont suivi des études d’économie. Intéressant puisqu’il aurait été raisonnable de faire l’hypothèse que plusieurs d’entre eux ait été des acteurs importants du développement de la célèbre école de Lausanne portée par Léon Walras puis par Vilfredo Pareto. Bien que cette école a été d’abord rattachée à la faculté de Droit, il ne nous semble pas, par l’analyse plus précise des juristes Zofingiens et de leurs professions, que ceux-ci ait été importants dans le développement de cette école économique de pensée.

L’évolution temporelle des diplômes (graphique 2), nous permet également montrer les points suivants: assez limités dans la première moitié du XX siècle, les diplômes d’économie deviennent plus importants après la fin de la deuxième guerre mondiale, notamment dans la période finale du siècle (1981-1995). Dans leurs études sur les élites du pouvoirs en Suisse, Mach et al. (2011) délimitent comment la formation des dirigeants des entreprises suisses ont été caractérisés par un changement profond pendant les trente dernières années du siècle : « le droit, qui avait longtemps occupé une place prépondérante dans l’éducation des managers, a fortement décliné au profit de l’économie » (MACH ET AL.: 2011, 100). La tendance est aussi visible dans notre graphique 2 : dans la période 1981-1995, le nombre de diplômes acquis en Droit diminue alors que celui en Économie augmente. Le nombre des diplômes en Économie double par rapport à la période précédente, en passant de 3 diplômes en 1961-1980 à 7 diplômes en 1981-1995.

Les études de Théologie

La Théologie représente un autre cas particulier. En tenant compte des valeurs conservatrices et religieuses (protestante) dominantes de la société de Zofingue, nous pouvons bien comprendre que ce type de formation permet d’étudier en profondeur, et de renforcer les caractères idéologiques faisant partie de cette association. En tenant compte des valeurs de caractère nationaliste et traditionnel au sein de la société, il nous semble évident de constater qu’une formation de type théologique sert à façonner et à renforcer le système des mœurs présent à l’intérieur et à l’extérieur de l’association.

Le XIXe siècle est notamment fortement influencé par le libéralisme théologique. En Suisse romande, le débat théologique est alors marqué par des oppositions croissante entre les tenants du libéralisme et du Réveil, qui aboutit à la fin du XIXe et au début du XXe siècle à de nombreuses scissions au sein des Églises réformées (Églises libres). Henri Meylan, président en 1921, a notamment joué un rôle important dans ce contexte.

Les Médecins

La licence ou le doctorat en Médecine représente un facteur de prestige assez important dans la société. Même dans ce cas, la licence en Médecine ne permet pas exclusivement d’accéder aux postes dans les champs exclusivement pratiques, mais il comprend la possibilité de pouvoir recouvrir des rôles stratégiques à l’intérieur de l’administration publique (Chef de clinique dans un hôpital, directeur d’un centre médical cantonal, etc.). Noël Genton illustre ce propos.

Les Lettres

Les Lettres elles aussi constituent un titre universitaire important parmi les présidents de Zofingue VD. Les études présentes dans la faculté des Lettres – notamment en Histoire et en Philosophie – comme dans le cas des études de Théologie, peuvent être un outil influant la création et la consolidation des idées et des valeurs. Les Fuchs (nom du premier grade obtenu par les Zofingien) sont appelé à tenir un discours concernant un sujet patriotique ou l’histoire de la Suisse pour pouvoir passer au degré supérieur de Burch, en montrant aussi une précise connaissance de l’hymne national suisse. On imagine que dans ce sens les étudiants de Lettres étaient assez importants pour la conservation des valeurs suisses et des traditions liées à l’histoire helvétique.

Les sciences naturelles et techniques

Les Sciences Naturelles et Techniques occupent une place assez importante, mais n’arrivent pas aux niveaux acquis par les sciences humaines. Les raisons qui expliquent la faible présence d’étudiants de branches scientifiques et techniques peuvent être liées au fait que l’EPFL est véritablement devenue une institution telle qu’on la connaît aujourd’hui en 1969.

La présence massive de diplômes en Droit et Théologie est fondamentale pour comprendre les positions de pouvoir qu’ont assumé les étudiants, notamment les présidents de section de Zofingue VD. Une des fonctions primaires de cette association est celle de donner une sorte d’apprentissage des codes politiques et sociaux par le biais de la discussion et de la rédaction, en développant des qualités rhétoriques et un sens de critique mutuelle (MARCACCI: 1994). Ces capacités s’épousent très bien avec ces deux types de formation, vu que l’éloquence résulte fondamentale dans les débouchés professionnels de ces études.

Afin de tracer les figures dominantes des présidents de Zofingue VD, il nous semble pertinent d’analyser quel type de formation a été acquis majoritairement pendant le XXe siècle. Il est primordial néanmoins de comprendre les dominances et les évolutions au cours du siècle pour en comprendre les ruptures et les continuités. L’évolution temporelle des diplômes acquis pas les présidents suit de manière logique les dynamiques du Graphique 1, en nous montrant une présence massive de titre universitaire obtenus en Droit et Théologie. Il est très intéressant d’observer comment certains types de formations ont été plus fréquentes dans un contexte historique précis plutôt que dans un autre.

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Graphique 2 : évolution temporelle des diplômes acquis par les présidents de 1895 à 1995.

Au début du siècle, entre 1895 à 1920, la Théologie est la branche majoritaire (14 diplômes obtenus) parmi les étudiants qui ont occupé la présidence de l’association. Le nombre des diplômes obtenus dans cette branche subit une décroissance extraordinaire de la deuxième période de vingt ans (1921-1940) à la troisième (1941-1960), en passant de 11 diplômes à 4. Après être resté constante de 1961 à 1980, le nombre baisse à 1 seul diplôme dans la dernière période prise en compte (1981-1995). Cette évolution délimite une baisse du prestige initialement lié à ce type de formation universitaire, prestige qui ne semble pas diminuer pour ce qui concerne les études en Droit. Le nombre reste constant et est toujours supérieur à 8 unités dans chaque période analysé. Après une croissance, même si limitée, jusqu’à la période 1961-1980, on assiste à une faible décroissance dans la dernière période (1981-1995). Les données récoltées montrent quand même une stabilité des titres obtenus dans cette branche.

Nos données montrent aussi une croissance remarquable des diplômes en Sciences Naturelles et Techniques. Absentes dans la première période d’analyse, ils commencent à apparaître depuis 1921 et ils poursuivent leur croissance après la deuxième guerre mondiale. Après la création de l’EPFL en 1969, le nombre a une tendance toujours croissante jusqu’à arriver à 7 unités dans la période 1981-1995. Le progrès scientifique qui a distingué le XX siècle (RUBERTI & GORI GIORGI: 1998) est rendu visible par la croissance du taux de diplômes de sciences naturelles et techniques parmi les présidents de la société vaudoise. Le secteur technologique devient un secteur assez stratégique et gagne toujours plus d’importance pendant le siècle. Le secteur technique acquiert beaucoup de prestige, et ça se reflet sur les type de formation atteintes par les Zofingiens.

Les diplômes en Lettres et sciences humaines quant à eux restent toujours au dessus des 5 unités, si on exclu la dernière période qui va de 1981 à 1995 où le nombre tombe à 3 unités seulement. Le même discours est valable pour Médecine : après une période de croissance depuis le 1921, les diplômes subissent une décroissance dans la dernière période où le nombre tombe à une seule unité. Ainsi que le Droit, les diplômes en Lettres et sciences humaines décroissent en même temps que l’augmentation des diplômes en Économie. On pourrait en déduire que la diminution des présidents diplômés en Lettres et sciences humaines est aussi causée par l’augmentation du prestige d’une formation de type purement économique. Une tendance pareille est aussi visible dans le cas de Médecine. La baisse des diplômes de cette branche coïncide avec l’augmentation des formations de type technique. L’augmentation du prestige dans les diplômes universitaires techniques pourrait expliquer la baisse de la présence des présidents avec une formation en Médecine.

Les Doctorats

Sur une totalité de 178 diplômes acquis, 68 sont les étudiants qui ont complété leur parcours académique avec un Doctorat. La formation doctorale est majoritairement présente dans les parcours juridiques (40 doctorats sur 61 diplômes), suivie par les formations en Médecine (14 doctorats sur 24 diplômes), Lettres (7 doctorats sur 21 diplômes), Théologie (4 doctorats sur 36 diplômes), Sciences Naturelle et Techniques (2 doctorats sur 19 diplômes) et Économie (1 doctorat sur 11 diplômes). L’acquisition d’un Doctorat peut être très important pour un futur professionnel, mais est surtout une marque importante d’un prestige (n’est pas « Docteur » qui veut). Pour les formations en Droit et en Médecine, le doctorat peut être une composante fondamentale pour augmenter le prestige de la profession exercée. Ce titre universitaire impose un respect dans les postes professionnels stratégiques et permet d’assumer un pouvoir majeur lors de la carrière professionnelle.

Professions

La variable Profession est d’une grande importante. Au travers des informations relatives aux postes professionnels occupés par les Présidents de Zofingue VD, nous avons pu nous rendre compte du caractère élitiste déterminant à l’intérieur de cette société d’étudiants. Cette variable donne un premier aperçu de l’enracinement des Présidents de la société vaudoise dans des secteurs professionnels spécifiques. Comme dans la section précédente, nous avons divisé notre analyse en deux parties, respectivement une partie synchronique sur la totalité des professions et une partie diachronique sur l’évolution temporelle des professions.

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Graphique 3 : Totalité des professions des présidents de 1985 à 1995.

 

Professions: méthode

Le nombre de professions exercées (n=240) pris en compte ne correspond pas au nombre des présidents (178) qui se sont effectivement succédés pendants la période étudiée. Comme dans le cas des formations, nous retrouvons beaucoup d’exemples de Zofingiens qui ont exercé plusieurs professions pendant leur carrière, touchant plusieurs sphères de travail (secteur économique, public, académique, etc.).

Légende

Entreprise/BQSF : vous trouverez dans cette catégorie les professions telles que les cadres bancaires, les entrepreneurs, les industriels, mais aussi les juristes, les ingénieurs, les économistes, ou les avocats qui ont eu des positions d’importance prépondérante à l’intérieur d’une entreprise (membre du CdA, administrateur délégué, conseiller juridique, fondateur d’une société de construction, etc.), ou un emploi dans une association ou groupe d’intérêt spécifique (chambre vaudoise de commerce et de l’industrie, Société vaudoise de Médecine, European Neuroscience Association, etc.).

Admin In./Féd./Com: plusieurs catégories professionnelles sont inclues dans ce secteur : les juristes et les avocats ont occupé des positions dans les affaires de caractère juridique (Chef du service de justice et législation du Canton VD, Substitut procureur du Canton VD, Membre du conseil de la défense nationale, etc.) ; les médecins ont été chargés de diriger plusieurs services hospitaliers et de s’occuper du secteur sanitaire (Chef de la clinique médicale universitaire de Lausanne, Directeur de l’Hôpital cantonal vaudois, Directeur scientifique de l’Institut sérothérapique et vaccinal suisse, etc.) ; les enseignants ont été appelé à diriger les écoles primaires ou secondaires. Ce secteur regroupe plusieurs catégories professionnelles, vue la variété de postes disponibles dans les administrations publiques.

Avocat/Juge/Notaire: cette catégorie comprend les juristes qui ont pratiqué dans une Etude d’indépendant, les juges et les notaires.

Professeurs/Scientifiques/Enseignants: dans cet échantillons sont présents les professeurs universitaires (ordinaires, invités, chargés de cours, privat-docent), les enseignants des écoles primaires, secondaires et supérieures, et les collaborateurs scientifiques universitaires. Cette catégorie présente aussi des personnes qui ont exercé une profession de base à coté de cet emploi. Plusieurs sont les avocats, les juristes, les pasteurs, et les médecins qui ont occupé une chaire académique dans une des facultés universitaire, ou simplement ont donné des cours spécifiques ou se sont engagés dans la recherche.

Ingénieurs: dans cette catégorie, vous trouverez les diplômés de l’EPFL ou d’une école technique qui confère à l’étudiant le titre d’ingénieur.

L’analyse de l’ensemble des professions des présidents de Zofingue VD nous aide à comprendre dans quels secteurs les Zofingiens ont été majoritairement présents pendant le XX siècle. Nos données montrent que le secteur dans lequel les étudiants Zofingiens ont poursuivi leur carrière est principalement le secteur de l’économie privée (50 unités), nommé dans le Graphique 3 « Entreprise/BQSF ». La sphère économique, commerciale et bancaire est donc le secteur dans lequel les Zofingiens ont réussi à créer un fort réseau de pouvoir.

Un autre secteur de travail qui semble avoir une grande importance est celui de l’administration publique (« Admin. Int/Fed/Cant/Com ») avec un échantillon de 46 unités. Pour cette catégorie, notre échantillon comprend les présidents qui ont recouvert une position dans les cadres administratifs internationaux, fédéraux, cantonaux et communaux.

Ces deux premières catégories sont donc caractérisées par la variété des positions professionnelles du secteur privé et public. Les personnes qui ont été employées dans ces deux secteurs proviennent de différents milieux académiques et ont recouvert plusieurs rôles dans la société. Ces données nous indiquent que les président Zofingiens qui sont entrés dans le monde du travail ont aussi recouvert différents rôles stratégiques au sein du secteur privé ou public. Ces personnes ont réussi à assumer des positions de cadres dans différents secteurs professionnels, en mettant probablement en œuvre les techniques apprises pendant leur expérience dans Zofingue VD concernant leurs compétences associatives, leurs compétences managériales, et leurs compétences rhétoriques et directionnelles.

« L’élite n’est pas simplement les hommes les plus favorisés, car ils ne pourraient pas « être favorisés » sans les postes qu’ils occupent au sein des grandes institutions. En effet, ces institutions sont les bases nécessaires du pouvoir, de la richesse et du prestige, et en même temps, les moyens principaux d’exercer le pouvoir, d’acquérir et de conserver la richesse, et d’obtenir le haut degré de prestige que l’on revendique »

(Mills 2012).

Après ces deux catégories hétérogènes, on retrouve une catégorie assez homogène : « Avocat/Juge/Notaire » avec un total de 37 unités. Dans ce cas, notre systématisation des différentes professions nous montre que le nombre d’unités dans cette catégorie est assez inférieur par rapport aux diplômes acquis en Droit (50 unités). Nous pouvons en conclure qu’une partie des étudiants en Droit on soit à la fois exercé une position d’avocat, juge ou notaire et des positions dans des entreprises (ils ont alors été comptabilisés dans les deux catégories) ; soit les diplômés de droit, n’ont pas directement pratiqué le Droit mais se sont réorientés dans la sphère économique (avocat d’affaire, avocat, dans une entreprise, etc).

La catégorie « Professeur/Scientifique/Enseignant » est également un groupe relativement hétérogène. La relative importance de cette catégorie (36 unités) montre bien le prestige et la constance de ce groupe jusque dans les années 1960 (cf. Graphique 4), nous montre bien l’importance du prestige de ces postes académiques (26 membres sur les 36 sont des professeurs de l’Université de Lausanne). Cette catégorie présente aussi souvent des personnes qui ont exercé une profession de base à coté de ces postes académiques. Plusieurs sont des avocats, des juristes, des pasteurs, et des médecins qui ont occupé une chaire académique dans une des facultés universitaire, ou simplement ont donné des cours spécifiques ou se sont engagés dans la recherche.

Les trois dernières catégories représentent les échantillons plus homogènes. Sont représentés les personnes faisant partie du monde religieux (« Pasteur »), du monde de la santé (« Médecin/Pédiatre/Psychologue/Pharmaticien »), du secteur technique (« Ingénieur »), et du monde rédactionnel/culturel (« Journaliste/Culture »).

Les données récoltées nous montrent une forte présence de pasteurs (31 unités), échantillon qui nous montre le caractère conservateur prépondérant au sein de l’association, et très fortement au début du siècle (Graphique 4). La totalité de ces pasteurs sont protestants et sont des personnalités importantes de l’Eglise protestante vaudoise. Les carrières de ces présidents devenus pasteurs se limite assez rarement à l’exercice de leur mandat spirituel. Beaucoup sont les exemples de pasteurs qui se sont dédié à la vie académique, en devenant professeurs universitaires, ou se sont retrouver à la tête d’un synode clérical, ou d’une association (Président de la Croix-Bleu VD, fondateur Mouvement féministe à Genève, secrétaire Pro Juventute). La carrière religieuse entreprise par les présidents Zofingiens nous explique deux choses : la foi chrétienne sert à modeler et à corroborer les convictions conservatrices existantes à l’intérieur de Zofingue VD ; le mandat spirituel reçu par ces personnes est utilisé pour arriver à assumer des positions de pouvoir dans la société, soit au niveau religieux, soit au niveau d’autres sphères (économie, éducation, administration).

Parmi les trois dernières catégories, deux résultent comme des positions de prestige (« Médecin/Pédiatre/Psychologue/Pharmacien » et « Ingénieur »). La faible présence d’ingénieurs est surtout causée par la tardive admission des gens provenant de l’EPFL. Parmi la catégorie « Journaliste/Culture » comprend des Zofingiens devenus des journalistes professionnels et des personnes faisant partie du monde culturel (Dir. Opéra et de l’orchestre symphonique d’Osnabrüch (D) ; Dir. du théâtre du Jorat).

Bilan, professions

L’analyse des professions nous donne un cadre assez claire : les présidents Zofingiens qui sont rentrés dans le monde du travail ne se sont limités à exercer leur profession de base. La majorité de notre échantillon comprend plusieurs cas d’activités managériales, de carrière dans la direction d’entreprises ou associations, de positions de pouvoirs au sein de plusieurs institutions ou groupes d’intérêt. Les catégories prises en compte nous expliquent comment les réseaux sociales et de pouvoirs soient repartis dans plusieurs sphères de la société.

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Graphique 4 : Évolution temporelle des professions des présidents de 1895 à 1995.

L’analyse de l’évolution temporelle des professions nous montre dans quelles sphères d’influence les présidents Zofingiens étaient majoritairement présents pendant le XX siècle. Ce qui surprend le plus est sûrement l’évolution de la présence des pasteurs. Dans ce cas, la régression de cette profession suit de manière logique la diminution des diplômes acquis en Théologie pendant le XX siècle. Évidemment, la perte relative d’importance du rôle de l’Église au cours du siècle, s’est répercutée sur la perte de prestige du rôle ecclésiastique. Ainsi, le nombre des pasteurs a progressivement décrus tout au long du siècle, en passant de 14 unités dans la période 1895-1920 à une seule unité dans la dernière période 1981-1995. La tendance négative augmente de la période suivante la deuxième guerre mondiale, en passant de 10 unités dans la deuxième période (1921-1940) à 3 unités dans la troisième période (1941-1960). Le déclin de la profession de pasteur coïncide avec la perte d’importance de l’Eglise comme institution au cours du XX siècle. L’énorme progrès scientifique qui a caractérisé le XX siècle a sûrement influencé le rôle du christianisme dans la vie des individus. Une société vouée à une perte des valeurs chrétiennes se reflète indirectement sur la sphère d’influence du monde ecclésiastique (DANIELOU :1975).

Comparaison entre les catégories « Admin. Int/Fed/Cant/Com » et « Entreprise/BQSF »

Une comparaison intéressante peut être faite entre les catégories « Admin. Int/Fed/Cant/Com » et « Entreprise/BQSF ». La diminution de la fréquence d’une catégorie coïncide avec l’augmentation de fréquence de l’autre. Si au début du siècle le secteur privé bancaire et des entreprises voyait une présence majoritaire (10 unités) par rapport à celui publique (9 unités), la tendance s’inverse à partir de la période 1921-1940, où nous pouvons noter une présence massive de président Zofingiens employés dans le secteur public (14 unités par rapport aux 9 unités de la catégorie « Entreprise/BQSF »). A partir de la deuxième moitié du siècle la tendance se renverse à nouveau, avec une présence majoritaire du secteur privé et bancaire par rapport à celui public. La dernière période du siècle (1981-1995) voit une augmentation prépondérante des présidents Zofingiens dans le secteur privé (13 unités), alors que les employés dans les administrations publiques tombent à seulement 4 unités. La sphère d’influence et de pouvoir qui était une fois plus décisive dans le monde de l’administration publique s’est déversée dans le monde financier et bancaire.

La profession d’ingénieur, pratiquement absente parmi les professions exercées parmi les présidents de Zofingue VD, devient plus fréquente parmi les carrières professionnelles à partir de la période 1941-1960. Dans ce cas, comme pour celui de Théologie, on peut remarquer comment l’augmentation de la fréquence d’ingénieurs augmente au même temps que celle des diplômes acquis en Sciences techniques et naturelle. Comme déjà souligné dans l’analyse de l’évolution temporelle des diplômes, la création de l’EPFL en 1969 a sûrement joué un rôle fondamental pour l’augmentation du prestige du poste d’ingénieur. Les mêmes logiques peuvent prises en compte en ce qui concerne la profession de médecin. La fréquence des médecins va de paire avec l’évolution des diplômes acquis en Médecine.

Le nombre de la catégorie « Avocat/Juge/Notaire » reste constant pour toute la durée du siècle. Les unités restent toujours supérieures aux 6 unités dans chaque période de vingt ans. Comme déjà souligné précédemment, la profession d’avocat a toujours été prestigieuse et elle permet d’être influente dans plusieurs sphères de la société. Le nombre de présidents devenus influents dans le monde de la culture est aussi constant. Le nombre s’arrête à une seule unité dans chaque période étudiée.

Bilan, évolution des professions

La réflexion sur les professions exercées au cours du XX siècle nous montre dans quelles sphères professionnelles les présidents Zofingiens ont été majoritairement influents. Des données récoltées et analysées, nous avons pu le constater, montrent que les présidents de Zofingue VD ont occupé des positions de pouvoir dans le monde économique et financier et dans les administrations publiques. Ces données nous montre comment les pratiques apprises au sein de l’expérience dans Zofingue VD ont été reproduites dans leurs carrières professionnelles. Les techniques managériales, les fréquents débats organisés à l’intérieur de l’association, et les apprentissages des codes politiques et sociaux acquis durant l’expérience Zofingienne ont certainement facilité l’arrivée des présidents du XX siècle à couvrir des positions de premier ordre dans leurs vécu professionnel.

Mandats politiques

Parmi les présidents Zofingiens qui se sont succédés à la direction de la société pendant le XX siècle, beaucoup ont assumé des rôles politique et ont même suivi une carrière politique. Le monde politique est à prendre en considération dans l’étude des élites. La participation au monde politique est souvent un complément aux autres sphères analysées. La politique peut être considérée comme le monde où se concentre le pouvoir formel et l’influence d’un cercle défini de personnes. Sur la totalité des 178 présidents de notre base de donnée, 34 ont siégé soit dans un organe législatif, soit dans un exécutif (pour une totalité de 56 mandats) à différents échelons. Ces hommes ont assumé des rôles dans les  institutions politiques de la société et dans la hiérarchie d’État. Malgré l’idée de l’importance croissante de la sphère économique, les décisions prises dans le domaine politique restent très important.

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Graphique 5: totalité des mandats politiques des présidents de 1895 à 1995.

Méthode et sources

Les graphiques que nous avons construit regroupent tous les présidents qui ont siégés dans tous les organes législatifs ou dans un exécutif des trois niveaux (communal, cantonal et fédéral) de gouvernance en Suisse. Ce sont des lieux de prise de décision et de création de la législation. Le graphique regroupe tous les cas des présidents zofingiens qui ont siégé dans les différentes institutions politiques. Le nombre de présidents qui ont eu un mandat est 34. Mais le nombre de mandats (n=56) est plus élevé car de nombreux Zofingiens ont assumés plusieurs mandats politiques à différents échelons durant leur carrière.

Fréquents sont les cas de présidents qui ont recouvert un rôle soit au niveau communal ou au niveau cantonal. Sur la base de ces considérations nous avons construits deux graphiques, le premier (graphique 5) représente la totalité des mandats politiques présents dans notre échantillon, et le deuxième (graphique 6) représente les cas des carrières politiques entreprises par les présidents de Zofingue VD. Pour certaines personnalités, comme Louis Guisan, Jean-François Leuba ou André Gavillet, le mandat politique se confond avec leur profession (être Conseiller d’État peut être considéré comme une profession) et leur carrière peut donc être proprement considérée comme politique.

Légende

– Com : communal

– Cant: cantonal

– Fed: fédéral

– Leg: Elu d’un législatif

– Ex: Elu d’un exécutif

– Pres: Président d’un parti

– SG: Secrétaire général d’un parti

Le graphique 4 nous montre la présence des présidents Zofingiens dans les institutions politiques aux niveaux communal, cantonal et fédéral. Le graphique nous montre clairement que la majorité des mandats politiques ont été exercés surtout a niveau local et régional : 24 présidents Zofingiens ont eu un rôle dans un législatif communal. Cette présence dans le pouvoir législatif est aussi plus élevé au niveau cantonal qu’au niveau fédéral. Respectivement, 11 sont les Députés du Grand Conseil vaudois, et 4 siègent au Conseil national et un seul au Conseil des Etats.

Les rôles assumés dans les exécutifs sont minoritaires : 8 présidents Zofingiens ont occupés des postes dans les exécutifs communaux, alors que 4 ont été les Conseillers d’Etat. Ce nombre peut paraître faible mais en rapport au nombre de Conseillers d’État dans la totalité de la population, nous pouvons considérer ce chiffre comme important. En ce qui concerne le niveau fédéral, notre échantillon ne comprends pas des présidents devenus des Conseillers fédéraux. Seulement trois sont les cas des présidents Zofingiens qui ont assumé une position de pouvoir et managériale au sein du parti dont ils faisaient partie : notre échantillon comprend un cas d’un président cantonal de parti, un cas de secrétaire cantonal de parti, et un cas de président fédéral de parti.

Ces données nous permettent une conclusion assez précise concernant les mandats politiques : les présidents Zofingiens ont constitué une élite politique surtout au niveau local et cantonal. En effet, une des caractéristiques de Zofingue est celle d’avoir une forte dimension nationale. En ce qui concerne les sections cantonales, on peut observer que c’est la dimension cantonale qui prend majoritairement le dessus. L’influence et l’enracinement des présidents Zofingiens se remarque surtout dans le territoire vaudois, sans forcément assumer un caractère national. L’élite formée par Zofingue VD est donc destinée à devenir une élite vaudoise, assumant un contrôle et un pouvoir au sein des institutions régionales.

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Graphique 6 : carrière politique des présidents de Zofingue au sein d’un même niveau de gouvernance.

 

Notre échantillon nous montre que plusieurs Zofingiens qui ont eu un mandat politique dans un législatif, ont siégé également dans l’exécutif. Évidement, il s’agit de différencier l’importance d’un poste dans un exécutif à l’échelon communal (d’autant plus que toutes les personnes de notre échantillon ont occupé un rôle de Municipal dans une petite commune), et d’un poste de Conseiller d’État.

Quatre présidents ont donc assumé un rôle soit dans le législatif et l’exécutif communal. Au sein des quatre Conseillers d’États de notre échantillon, deux ont siégé avant comme député. Pour ce qui concerne le niveau fédéral, nous assistons à un cas d’un président Zofingien qui a siégé dans les deux chambres législatives fédérales – Conseil national et Conseil des États – et a aussi assumé le rôle de la présidence de son parti d’appartenance.

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Graphique 7 : carrière politique des présidents dans plusieurs niveaux gouvernementaux suisses.

 

Le graphique 7 se distingue du précédent puisqu’il montre les cas des présidents Zofingiens qui ont occupé un siège dans plusieurs organes dans différents niveaux de la Confédération. Les cas des personnes qui ont fait une carrière au niveau communal puis cantonal sont les plus fréquents. Nous voyons que l’appartenance au canton reste importante.

Trois présidents de la société – Louis Guisan, Antoine Vodoz et Pierre Freymond – ont fait ce qu’on peut caractériser une véritable une carrière politique au sein de tous les échelons nationaux et que l’on peut considérer plus comme des professionnels de la politique que comme de simples engagements. Ces résultats nous confirment le constat que les présidents Zofingiens ont surtout influencé la politique locale et régionale vaudoises, mais que quelques cas se détachent néanmoins par leurs prestigieuses carrières. A nouveau, à l’échelle de la société vaudoise entière, le nombre de ces personnes reste relativement important.

 

Mandats économiques et défense d’intérêts

Le pouvoir, la richesse et le prestige, nous l’avons vu avec Mills (2012) s’acquiert et se conserve avant tout via les grandes institutions de la société. Les nombreux présidents de notre base de donnée qui ont assumé des postes proprement politique tendent à aller dans le sens de cette affirmation. Mais, toujours selon Mills, l’entreprise moderne semble être la principale source de richesse et de pouvoir et peuvent être considérée comme des unités institutionnelles importantes de la structure sociale. L’ordre économique est donc de plus en plus important et, nous l’avons vu en analysant l’évolution des professions des présidents de notre échantillon au cours du siècle, ces personnages sont de plus en plus présents dans les réseaux économiques.

L’ordre économique reste lié à l’ordre politique car les entreprises sont unies entre elles par des liens administratifs ou politiques. Ces liens sont opérés par les groupes d’intérêts, les chambres du commerce, les groupes de professions et ce sont particulièrement ces postes et mandats que les présidents de Zofingue ont assumé durant le XXe siècle. Il nous a été difficile d’établir une systématique et de classer les présidents selon les différentes fonctions qu’ils occupent dans la sphère économique puisque ces fonctions sont extrêmement hétérogènes. Nous avons plutôt pris le parti d’exposer quelques postes typiques retrouvés dans notre échantillon et de mettre à disposition à titre d’illustration le tableau de l’ensemble des mandats économiques des présidents de notre échantillon.

Sur les 50 présidents que nous avons classé dans la profession « Entreprise/BQSF », 11 exercent leur métier dans une petite entreprise, parfois leur appartenant. Ces 11 personnages sont par exemple Ivan Benjamin, co-directeur d’un magasin de fourrure à Pully; Maurice Klunge, Agent immobilier; ou Olivier Thibaud, réviseur comptable. Face à eux, 38 des présidents ont une position importante dans la sphère économique et occupent un poste rémunéré soit dans une grande entreprise (Conseil d’administration, Directeur, cadre), soit sont très impliqué dans une association d’intérêt économique ou de profession (Président de l’UVAVIN, Président Chambre vauoise de commerce et de l’industrie, Président la Société des magistrats, Secrétaire général de la Société vaudoises des régisseurs et courtier en immeubles, Président Union des sociétés de développement de Lausanne, Dir. Comptoir Suisse, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats VD, etc).

Notons enfin que bien que ces personnalités peuvent être considérées comme faisant partie de la sphère économique, 23 de ces 38 personnes ont une formation de juriste. Ce chiffre confirme la différence entre les graphiques 1 et 3, c’est-à-dire entre les diplômes obtenus et les professions exercées. En effet, il semble qu’une bonne partie des juristes ait fait carrière dans le domaine proprement commercial plutôt que d’être avocat.

Quelques exemples

Frank Ochsenbein: administrateur de la Société générale de représentation.

Louis Guisan: avocat et administrateur La Suisse assurances

André Cordey: bâtonnier de l’Ordre des Avocats VD, Secrétaire générale Automobile club suisse VD; Président Service des Étrangers du Comptoir suisse.

Claude-Alain Michoud: Fondé de pouvoir dans le secteur informatique auprès d’UBS; Responsable du département acier et métaux de l’entreprise Debrunner SA à Lausanne.

Jean-Blaise Rivier: Juriste; cadre bancaire auprès la Société des Banques Suisses à Lausanne et Bâle; Responsable des crédits privés au Crédit Suisse à Lausanne.

Antoine Vodoz: conseil de Direction de la BCV.

Reymond Devrient: directeur de Publicitas; Directeur de la compagnie d’assurance La Suisse; Secrétaire du Vorort; membre de la Fédération vaudoise des corporation; membre de la Chambre vaudoise de l’industrie.

Il faut noter que la quasi totalité des présidents classés sous « Entreprise/BQSF » occupent dans leur compagnie des postes que nous pouvons qualifier de haut, voire très haut dans la hiérarchie: ils sont membres de conseils d’administration, présidents, cadres bancaire, responsables ou encore administrateurs. Il semble après une rapide revue de ces différents postes occupés que nous puissions faire l’hypothèse raisonnable que les présidents de Zofingue de notre échantillon n’ont aucun mal à occuper des postes de direction.

Pour une revue générale du profil des élites économiques suisses, lire l’étude d’André Mach, Thomas David et Felix Bühlmann, « La fragilité des liens nationaux. La reconfiguration de l’élite au pouvoir en Suisse, 1980-2010 ».

Lieux de sociabilité

Une manière de comprendre l’élite consiste aussi à étudier une série de petits lieux de sociabilité, puisqu’une manière de comprendre que, quelque soit leur diversité dans les autres sphères, les hommes des sphères supérieures continuent de se rencontrer dans des lieux, des endroits, qui se recoupent parfois et dans lesquels ces hommes sont unis entre eux par des liens compliqués et entretiennent des relations amicales. La société de Zofingue peut être considérée comme un de ces lieux de sociabilité, mais plusieurs présidents de notre échantillon ont continué a se rencontrer dans divers lieux de sociabilité.

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Chambre d’etudiants, via le site Zofingue VD

Ces lieux ont pour but de favoriser les relations personnelles et professionnelles et les membres s’y réunissent pour défendre des intérêts politiques, économiques et sociaux communs. Le Rotary Club en est un exemple bien connu et d’ailleurs plusieurs présidents en ont été membre durant leur vie. L’appartenance à de tels clubs est tout aussi un signe de distinction.

Dans notre échantillon, 33 présidents ont fait partie à côté de leurs engagements professionnels ou politiques d’une de ces association, d’un de ces clubs que nous pouvons considérer comme un lieu de sociabilité. Ils ont par exemple été « Président du Comité du Cercle de la voile de Lausanne », « Président de la Croix Bleue VD », « Président de la Fondation Guisan », Vice-Président du « Cercle démocratique de Lausanne » ou encore Président de « Union mathématiques internationale ». Vous trouverez ici un tableau qui illustre ces différentes associations. A noter que la plupart des fonctions assumées dans ces associations sont des rôles des plus hauts dans la hiérarchie: la plupart sont président et non de simples membres.

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