Zofingue, histoire et fonctionnement

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Il est difficile d’aborder les membres d’une association et de définir leur profil type dans l’optique d’une approche de sociologie des élites, sans comprendre un minimum le fonctionnement, l’histoire et l’importance de ce groupe d’étudiants dans la société et à l’université. Nous ne voulons pas régler de manière précise cette question dans notre travail puisque la question du fonctionnement interne de Zofingue n’est pas l’objet de notre étude. Néanmoins, vous trouverez ici des pistes de réflexions grâce à l’histoire de la société déjà étudiée, pour comprendre son importance sociale en Suisse et son fonctionnement.

La Société suisse de Zofingue, une des plus anciennes et des plus importantes en Suisse, est une fédération de treize sociétés d’étudiants. En 2010, elle comptait 400 membres actifs. Elle est fondée en 1819 à Zofingue par des étudiants de Zurich et de Berne. Après Zurich et Berne, des sections se créent à Lucerne et Lausanne (1820), Bâle (1821), Genève et Neuchâtel (1823), Saint-Gall (1824), Fribourg (1829) et Aarau (1834). Son but était de contribuer au mouvement national visant à l’instauration d’un État fédératif libéral.

Zofingue possède comme chaque société des traditions visibles (casquette, sautoir) et invisibles qui façonnent son identité (règles internes) et qui régissent l’organisation.

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Carte postale représentante une affiche de la Théâtrale

Les sociétés d’étudiants regroupent des étudiants et d’anciens étudiants, membres à vie, répartis et liés à différentes sections. Les historiens suisses estiment qu’il y a eu, à partir de 1819, quelques 950 sociétés d’étudiants en Suisse, dont 150 en Suisse romande. Environ 350 étaient rattachées aux universités, 320 aux gymnases, 90 aux écoles techniques ou hautes écoles spécialisées et 70 à des institutions étrangères; pour environ 120 d’entre elles, il n’est plus possible de déterminer où et quand elles ont été fondées (DHS, société d’étudiants).

En Suisse, les sociétés d’étudiants – même celles de Suisse romande – ont été profondément influencées par l’Allemagne, où elles sont apparues (DHS, société d’étudiants): en effet, les principales sociétés ont été crées en Suisse alémanique sous une forte influence germanique, puis ces sociétés ont crée des sections en Suisse romande. Inversement toutefois, des sociétés francophones, telles la Société académique de Belles-Lettres (pionnière des sociétés d’étudiants en Suisse) ou plus tard la société Stella Helvetica, se diffusent en Suisse alémanique. La Suisse romande compte une vingtaine de sociétés.

« L’idée d’une couche dominante implique que pendant toute leur vie ses membres entretiennent un réseau de relations amicales, et que dans une certaine mesure les postes sont interchangeables dans les diverses hiérarchies de l’argent, du pouvoir et de la célébrité »
(Mills 2012)

La Société suisse de Zofingue, une des plus anciennes et des plus importantes en Suisse, est une fédération de treize sociétés d’étudiants. En 2010, elle comptait 400 membres actifs, répartis dans neuf « sections » universitaires et quatre gymnasiales, et 2300 vieux-Zofingiens. Elle est fondée en 1819 à Zofingue par des étudiants de Zurich et de Berne qui se sont inspiré de la fête de la Wartburg – fête allemande qui a eu lieu en 1817 et où plusieurs jeunesses allemandes voient le jour – et de la création de la Deutsche Burschenschaft. Sa création est donc une conséquence probable de l’élan nationaliste qui animait les étudiants allemands et qui avait débordé sur la Suisse alémanique (MEUWLY: 1997, 24).

 

. . L’histoire . .

 

La première société d’étudiants d’envergure nationale est donc la Société Zofingue, fondée en 1819 dans le but de « rassembler les étudiants prêts à réaliser les idéaux démocratiques et patriotiques des libéraux » (DHS, société d’étudiants). Cette tentative de rassemblement échoue néanmoins partiellement au cours du XIXe siècle et après la Régénération, notamment à cause des conflits que l’on connaît entre libéraux et futurs radicaux, et qui donneront lieu à la création de la société dissidente Helvétia en 1832. On voit bien déjà que dès leurs créations, ces sociétés sont très liées à des mouvement idéologiques politiques dont elles sont les défenseurs.

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Carte postale

Après Zurich et Berne, des sections se créent à Lucerne et Lausanne (1820), Bâle (1821), Genève et Neuchâtel (1823), Saint-Gall (1824), Fribourg (1829) et Aarau (1834) (DHS, société d’étudiants). Leur but n’était donc pas seulement de réunir les étudiants de Suisse en une association unique, conformément à leur devise Patriae – Amicitiae – Litteris, mais aussi de contribuer au mouvement national visant à l’instauration d’un État fédératif libéral (DHS, Zofingue). Dès la Régénération, de nombreux Zofingiens ont joué un rôle important dans la politique suisse. Ils étaient par exemple dix-neuf à siéger à l’Assemblée fédérale en 1848, vingt-sept en 1860.

En Suisse, l’âge d’or de ces sociétés s’étend de la seconde moitié du XIXe siècle à 1914. Ces sociétés dominaient alors la vie corporative des étudiants. Parallèlement aux trois grandes sociétés, de nombreuses autres, plus petites, ont vu le jour, telles que les sociétés regroupant des étudiants allemands et les filiales de sociétés allemandes. Depuis les années 1960, Zofingue a perdu son importance politique et sociale (DHS, Zofingue).

L’idéal véhiculé par les Zofingiens trouve très vite un terrain propice à l’Académie de Lausanne, où les étudiants, comme Louis Vulliemin, l’un des fondateurs de la section vaudoise, sont sensibles à la doctrine libérale (MEUWLY: 1997, 27). A Lausanne, les sociétés de Belles-Lettres et Zofingue se côtoient à l’Université sans véritable concurrence : Belles-Lettres recrutait ses membres dans les auditoires de Lettres et de philosophie, alors que Zofingue s’était installée d’emblée dans les facultés de droit et de théologie (idem).

 

. . Les traditions . .

 

Chaque société possède des traditions visibles (casquette, sautoir) et invisibles qui façonnent leur identité (règles internes qui régissent l’organisation). Chaque société possède un règlement, appelé « Comment », qui définit entre autres la hiérarchie, les rites d’admission, de passage du statut de Fuchs (étudiant des premiers semestres) à celui de Burch (étudiant avancé) ou à celui d’ancien, ainsi que le port des couleurs et les différentes fêtes. C’est la section bâloise de Zofingue qui rédige le premier « Comment » en 1845.

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Carte postale représentant une Théâtrale

Les fêtes font également partie de la culture des sociétés d’étudiants (notamment les fêtes commémorant sa fondation, les fêtes centrales, patriotiques, les bals et les théâtrales). Quelques sociétés pratiquaient le combat au sabre, appelé Mensur. Dans la plupart des sociétés non confessionnelles, la question de la Mensur a provoqué de nombreuses discussions, des divisions et des querelles.

 

« Pour comprendre l’élite comme classe sociale, il faut étudier une série de petits milieux où l’on vit face à face; parmi ceux-ci, le plus évident du point de vue historique, a été la famille de la classe supérieure, mais les plus importants sont désormais la « bonne » école secondaire et le club des grandes villes »
(Mills 2012).

Enfin, le charriage constitue par excellence une tradition importante pour ces sociétés et particulièrement en Suisse romande (MEUWLY: 1997, 90). Le charriage est introduit dans les années 1940 et il est le point central de la procédure d’admission d’un candidat dans une société. Elle est censée déterminer si oui ou non le jeune étudiant est digne d’être admis. De nombreux abus sont remarqués au cours de son histoire et poussent cette institution à évoluer (MEUWLY: 1997, 92). Bien que ce ne soit pas l’objet de notre travail, nous pouvons faire l’hypothèse que cette procédure de sélection fonctionne comme un mécanisme structurant et comme une frontière qui délimite ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas faire partie de cette association, c’est-à-dire de ce passage facilitant l’accès aux plus hauts postes. Formellement d’ailleurs, les femmes sont depuis sa création interdites dans la société.

Parmi les sociétés d’étudiants, Zofingue est probablement une des sociétés aux idéaux les plus proches des libéraux. Le principe de nationalité a été abandonné en 1974 (être suisse pour en faire partie); en revanche, nous l’avons vu, les femmes en sont toujours exclues. Depuis le milieux du XXe siècle, Zofingue a perdu en partie son importance politique et sociale (DHS, Zofingue).

 

. . Importance des sociétés d’étudiants et bassin de l’élite . .

 

L’étude des membres de la société de Zofingue nous permettra dans une certaine mesure de montrer l’importance de la société dans les différentes sphères publiques vaudoises et suisses. Néanmoins, il semble important avant de s’engager dans une telle étude de mettre en avant la constante perte d’importance de la société ne serait-ce qu’en terme de nombre d’étudiants qui s’y engagent.

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Nombre de membres de la société Zofingue Vaud par période, pour les années 1895 à 1995

Le graphique nous montre parfaitement la constante diminution du nombre de membres engagés dans la société (d’autant plus si nous le mettons en relation avec la constante augmentation du nombre d’étudiants immatriculé à l’Université de Lausanne). Il semble donc clair que les sociétés d’étudiants n’occupent plus de la même manière leur rôle de lieux importants de socialisation et de sociabilité (un peu de la même manière que l’armée) et que ce rôle s’est déplacés vers d’autres lieux, peut-être plus cosmopolites durant le XXe siècle.

Nous l’avons noté, et le graphique le confirme, l’âge d’or des sociétés d’étudiants s’étend du XIXe siècle aux années 1914 et il semble clair que la société vaudoise avait une importance sociale considérable qui, malgré sa diminution constante, doit encore aujourd’hui avoir des échos considérables.

En effet, dans la sphère politique, sur un total de 1467 parlementaires entre 1848 et 1920, 249 ont été membres de la société Zofingue, ce qui représente près de 17% des parlementaires (DHS, société d’étudiants); l’importance de ces sociétés dans les différentes sphères de l’élite suisse, du moins durant le XIXe siècle n’est donc plus à démontrer. Et bien que l’influence des membres des sociétés semble diminuer au cours du XXe siècle, dans la législature 2011-2015, quatorze conseillers nationaux et quatre conseillers aux États font encore partie d’une société d’étudiants.

Marco Di Corcia et Maxime Mellina

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