A la fin de l'époque archaïque, le symposion était le lieu privilégié pour la communication d'une éthique qu'il vaudrait mieux appeler "ét(h)iquette" ("etica / etichetta" en italien), partagée, qui peut se résumer à des réflexions assez banales sur "le thème de l'objet le plus beau", en d'autres mots, le bonheur, avec des corolaires qui peuvent déboucher sur des formes de pessimisme.
Un exemple est particulièrement significatif puisqu'il concerne des savoirs qui traversent plusieurs "genres" littéraires (de la rhapsodie à contenu sapiential jusqu'à la lyrique (chorale? citharodique?), à l'iambe (cf. infra exemple) et à l'élégie, forme poétique qui semble avoir été presque exclusivement destinée au symposion (cf. cependant l'élégie "longue", Bowie, Aloni, ...).
Il s'agit de la maxime assez étrange attribué au Silène ivre capturé par Midas, qui dit: «la chose la meilleure est ne de pas être né, ou, une fois né, de mourir le plus vite possible.» (Théopompe, FGrH 115F 75c, Ael. VH 3.18; Cic. Tusc. I 114.)
Situé ici dans un temps "mythique", lorsque Silène parcourait l'Asie Mineure, la Phrygie, ce savoir amer se retrouve ensuite dans le récit d'un "agôn" entre les deux poètes majeurs de la rhapsodie hexamétrique:
προελθόντα γὰρ εἰς τὸ μέσον πυνθάνεσθαι τοῦ Ὁμήρου καθ΄ ἓν ἕκαστον͵ τὸν δὲ Ὅμηρον ἀποκρίνασθαι.
φησὶν οὖν Ἡσίοδος·
υἱὲ Μέλητος Ὅμηρε θεῶν ἄπο μήδεα εἰδὼς
εἴπ΄ ἄγε μοι πάμπρωτα τί φέρτατόν ἐστι βροτοῖσιν;
Ὅμηρος·
ἀρχὴν μὲν μὴ φῦναι ἐπιχθονίοισιν ἄριστον͵
φύντα δ΄ ὅμως ὤκιστα πύλας Ἀίδαο περῆσαι. (Certamen Homeri et Hesiodi 120-127)
Seul Sarapis (que son nom soit toujours vénéré!) sait à quelle époque furent composés ces deux hexamètres qui énoncent en mètre rhapsodique la maxime "silénienne" traditionnelle. De fait, dans ce qui semble être la conclusion d'une "chaine symposiaque", on trouve dans le corpus théognidéen cette "extension élégiaque", à savoir l'amplification des deux hexamètres avec redoublement des deux hémihépès masculins"
Πάντων μὲν μὴ φῦναι ἐπιχθονίοισιν ἄριστον
μηδ΄ ἐσιδεῖν αὐγὰς ὀξέος ἠελίου͵
φύντα δ΄ ὅπως ὤκιστα πύλας Ἀίδαο περῆσαι
καὶ κεῖσθαι πολλὴν γῆν ἐπαμησάμενον. (Theogn. Eleg 1, 425-428:)
Quelques années plus tard (mais cette affirmation d'une chronologie de la Silloge, dont nous savons qu'elle est problématique sans parler de la chronologie du Certamen), Bacchylide transposait dans le royaume des morts cette banale maxime de pessimisme symposiaque, dans une Ode (citharodique? chorale?) où il reprenait la formule redondante "et ne point voir les rayons du soleil", mais il ne faisait plus référence à l'idée de «mourir au plus vite, et de reposer après s'être recouvert d'un grand amas de terre», puisque, c'est évident, Héraclès parle à Méléagre qui est déjà mort et enseveli.
καί νιν ἀμειβόμενος
τᾶδ΄ ἔφα· Θνατοῖσι μὴ φῦναι φέριστον
μηδ΄ ἀελίου προσιδεῖν
φέγγος· ἀλλ΄ οὐ γάρ τίς ἐστιν
πρᾶξις τάδε μυρομένοις͵ ... (Bacch. Ep. 5, 159-163)
Il ne s'agit pas de faire une analyse de la mémoire poétique de Bacchylide mais il est clair qu'il avait en mémoire la forme étendue, c'est-à-dire amplifiée, résultant d'une chaine symposiaque dans laquelle quelqu'un avait créé l'extension du pentamètre.
L'histoire de la "fortune" intertextuelle de cette maxime a déjà été retracée (E. Pellizer, Curi). Il suffira de rappeler qu'il a y a encore une reprise ("dialogue" entre un "pessimiste" et un "optimiste"; cf. [Posidippus ou Plat. comique] vs Metrodore).