Cressier : L'église St-Martin

Cressier : L'église St-Martin

Les fouilles menées sur le site de l’ancienne église de la commune neuchâteloise de Cressier (fig. 1 et 2) sont le fruit d’une collaboration intercantonale entre l’Office du patrimoine et de l’archéologie de Neuchâtel, l’Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel et l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité de l’Université de Lausanne (IASA). Il s’agit d’un chantier offrant la possibilité aux étudiants de se former à une branche particulière de l’archéologie : l’archéologie du bâti.

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Fig. 1. Vue générale de l’église de Cressier (façade sud) depuis la cour du château.

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Fig. 2. Vue du chevet et de la sacristie orientale de l’église.

L’église se dresse sur une colline située entre les villages de Cornaux et de Cressier ; ce promontoire domine la plaine de la Thielle (environ 503 m). Citée pour la première fois en 1180, l’église dédiée à saint Martin de Tours constituait la paroissiale de Cressier jusqu’en 1872, date à laquelle une nouvelle église est édifiée au centre du village et l’ancienne église vendue à Jacques-Louis Jeanjaquet. Ce dernier aménage un château à côté de l’église qu’il utilise comme dépôt (fig. 3). Actuellement, ce sont les Walder, héritiers des Jeanjaquet, qui sont propriétaires du terrain en question et c’est grâce à eux que des fouilles ont pu et pourront être opérées sur le site. C’est pourquoi nous profitons ici de les remercier infiniment.

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Fig. 3. Vue de la façade nord du château JeanJaquet depuis la cours.

L’église a subi diverses transformations depuis sa création (1424, 1519, 1630, 1682), mais elle a conservé une partie de ses composantes originelles, tel son clocher, mais surtout une grande quantité de blocs romains réemployés pour sa construction. Ces éléments sont particulièrement visibles dans les fondations de l’édifice. A cela s’ajoute la découverte de deux autels funéraires et deux autels votifs, l’un dédié à Mars et l’autre à Naria Nousantia. La présence d’une telle quantité de spolia, ajoutée à l’importance géographique du lieu, pourrait témoigner en faveur d’un sanctuaire gallo-romain à proximité. La présence d’un certain nombre d’états antérieurs à celui du XIIe siècle était donc également à prévoir.

Une fouille-école est opérée chaque été depuis 2013 sur la colline du Crêt-de-la-Cure. A la fin de la campagne de l’été 2015, sept états majeurs sont dénotés :

Période romaine
En plus des nombreux blocs monumentaux présents en fondation de l’église et des quatre autels votifs, des éléments de terre cuite ainsi qu’un cinquième autel romain (fig. 4) furent mis au jour cette année, témoignant davantage d’une occupation romaine monumentale, soit directement sur la colline, soit à proximité.

Le haut Moyen-Age (VIIe-XIe siècles)
Une nécropole est installée sur la colline à l’époque mérovingienne, elle se caractérise par des tombes orientées N-S dans un premier temps, puis O-E. Ces tombes sont souvent soignées et maçonnées et comportent des éléments de parures en place, datés du VIIe siècle de notre ère. Ce riche mobilier témoigne du statut important des défunts. Plusieurs églises, de dimensions moindres, ont dû s’échelonner durant cette période, dont une restituée cette année.
La présence d’autres églises et peut-être d’un mausolée sera à vérifier.

Le bas Moyen-Age (« roman », XIe-XVe siècles, et « gothique », XVe-XVIIe siècles)
C’est aux XIe-XIIe siècles que fut construite une église de taille conséquente par rapport à son emplacement. L’importance conférée à ce lieu pourrait justement remonter à une occupation romaine antérieure et monumentale. L’église se compose d’une façade massive (clocher-porche) et d’un vaisseau unique coiffé d’une abside (retrouvée) à l’orient. Elle est dotée d’un clocher dans un second temps.

En 1424, le chœur de l’église est transformé et agrandi, et l’église restructurée. En 1519, la chapelle de la famille Vallier est accolée au sud. Comme pour le haut Moyen-Age et la période romane, une série de sépultures, de structures et de niveaux de circulation ont été mis au jour.

La période moderne (XVIIe-1872)
Cette période est marquée par les dernières transformations de l’édifice, afin de le mettre au « goût du jour ». Des sépultures, la sacristie orientale et la restructuration du chœur et du décor en constituent les marqueurs principaux.

La période contemporaine (1872-XXIe siècle)
Il s’agit des perturbations et des transformations dues à la désaffectation du monument.

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Fig. 4. Vue de l’autel romain inséré dans les fondations du pilier nord de l’arc triomphal.

Une ultime campagne, de plus grande ampleur, est prévue pour l’été 2016. Cette intervention permettra de vérifier certains résultats obtenus, notamment concernant les phases gothiques et modernes, mais surtout de comprendre davantage le fonctionnement de l’église romane, des églises et structures antérieures du haut Moyen-Age, ainsi que de déceler une éventuelle présence romaine sur le site.
Des études sur divers types de mobiliers, désormais assez conséquent (sépultures, enduits peints, mobilier métallique), seront lancées prochainement.

Livio Napoli, archéologue, responsable des fouilles 2014 - 2016

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Générique de l’opération 2014 - 2016

Directeurs scientifiques :

Jacques BUJARD, conservateur cantonal et chef de l’Office du patrimoine et de l’archéologie du canton de Neuchâtel (OPAN)

Michel FUCHS, professeur associé, Université de Lausanne

Matthieu HONEGGER, professeur ordinaire, Université de Neuchâtel

Sonia WÜTHRICH, archéologue cantonale neuchâteloise

Directeur de la fouille :

Livio NAPOLI, archéologue, Université de Lausanne

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