Né en 1957 à Neuchâtel, David Bouvier a fait toute sa scolarité dans cette même ville. Dès 1976, il suit un cursus en lettres classiques à l’Université Paris IV-La Sorbonne et obtient sa maîtrise en 1980, avec un mémoire sur le vocabulaire et les figures de la cécité dans la littérature grecque. Ce mémoire, qui donnera lieu à un premier article (coécrit avec le latiniste Philippe Moreau), manifeste déjà la préoccupation centrale de tous ses travaux à venir, à savoir la recherche des points d’articulation entre langue et pensée, auxquelles s’ajoutera plus tard, notamment sous l’influence de Claude Calame, la prise en compte des contextes d’énonciation dans leur diversité historique.
Parallèlement à ses études à la Sorbonne, David Bouvier subit l’attraction intellectuelle de l’institution qui se trouve de l’autre côté de la rue Saint-Jacques, le Collège de France, où il suit assidument les enseignements de Claude Lévi-Strauss, Roland Barthes et surtout Jean-Pierre Vernant. Le renouveau qu’incarne ce dernier dans l’approche de la Grèce antique l’amène à s’inscrire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à participer aux activités du « Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes » (qui deviendra plus tard le Centre Louis Gernet). Entre 1980 et 1984, boursier du Gouvernement français et du Conseil de l’Europe, il suit les cours de Nicole Loraux, Marcel Detienne, Pierre Vidal-Naquet et Jean-Pierre Vernant ; ce dernier dirige sa thèse de IIIe cycle consacrée aux représentations du temps et de l’espace dans l’Iliade et l’Odyssée. Durant ces années à Paris, il travaille aussi comme lecteur aux Éditions Denoël, où il est accueilli par Georges Piroué, et comme enseignant de langue française durant des cours d’été.
Après sa soutenance de thèse de IIIe cycle, en 1984, Jean Rudhardt, membre du jury, lui propose de rejoindre l’Université de Genève où il s’inscrit pour un doctorat suisse. La thèse, dirigée par André Hurst, sera soutenue en 1998 et couronnée par le prix Charles Bailly, avant d’être publiée en 2002 sous le titre Le sceptre et la lyre. L’Iliade ou les héros de la mémoire (éditions Jérôme Millon).
Durant ces années de thèse, David Bouvier bénéficie d’une bourse du FNS qui lui permet d’étudier à la Scuola Normale de Pise entre 1987-1988, puis il devient assistant en langue et littérature grecques à l’UNIL entre 1988 et 1990. En contact avec James Redfield, il reçoit l’opportunité d’enseigner durant une année comme Visiting Assistant Professor dans le Department of Classics de l’Université de Chicago. Il revient à l’UNIL en 1991 comme Maître d’enseignement et recherches, succédant à Louis Graz. À la rentrée 2002, il participe à la mise en place et à l’enseignement du module « Méditerranée: mythes et textes fondateurs » dans le cadre du Programme en sciences humaines et sociales de l’EPFL. De 1989 à 2002, il rend compte d’ouvrages ou d’expositions pour le Journal de Genève, le Nouveau Quotidien et Le Temps.
En 2004, David Bouvier succède à Claude Calame comme Professeur ordinaire de langue et littérature grecques. Durant ces années comme titulaire de la chaire de grec, son enseignement, tout en accordant toujours une place centrale à la langue, se nourrit de ses recherches sur des thématiques et des auteurs qui depuis toujours lui tiennent particulièrement à cœur: la guerre et la mémoire d’une part; Homère bien sûr, mais aussi Platon, auxquels s’ajoute la voix féminine de Sappho, d’autre part. Tout en restant fidèle à ses thématiques et auteurs de prédilection, David Bouvier s’ouvre à de nouveaux questionnements et de nouvelles approches, qu’il s’agisse de l’histoire de la réception ou des humanités numériques. Avec Danielle Van Mal Maeder, il met ainsi sur pied des enseignements réguliers centrés sur la réception de la littérature antique. Par ailleurs, il dirige entre 2017 et 2021 un projet du FNS intitulé « Le devenir numérique d’un texte fondateur: l’Iliade et le Genavensis Graecus 44 »; le projet conduit à l’élaboration de l’« Iliadoscope », outil numérique permettant diverses opérations d’analyse grammaticale et de comparaison entre les différentes composantes textuelles du manuscrit: le texte de l’Iliade lui-même, une paraphrase interlinéaire en prose byzantine et de nombreuses scholies marginales. Soucieux de la relève, il dirige ou co-dirige de nombreuses thèses, dont sept sont soutenues entre 2011 et 2018.
David Bouvier s’investit également dans des collaborations internationales régulières, au sein des réseaux PARSA (Pôle alpin de recherche sur les sociétés antiques), CorHaLi (chercheur·se·s et étudiant·e·s de Cambridge, Cornell, Harvard, Lausanne, Lille, Princeton et Paris) et plus récemment Orality and Literacy in the Ancient World, avec à la clé l’organisation de plusieurs colloques. Cette activité internationale l’amène à enseigner comme professeur invité à l’École des hautes études en sciences sociales (2012) et à l’Université de Pise (2021).
Durant ces quelques trois décennies à l’UNIL, dont dix-huit ans comme Professeur ordinaire, David Bouvier s’est montré un enseignant et un collègue peu sensible aux hiérarchies institutionnelles, sachant cultiver le dialogue et la bienveillance, témoignant d’une curiosité intellectuelle jamais prise en défaut. Toujours soucieux de faire dialoguer l’Antiquité et le présent, ses derniers travaux révèlent un penseur attentif au contexte politique et culturel qui conditionne son activité. Il est l’époux de Valentina Calzolari, professeure d’études arméniennes à l’Université de Genève.