Anne-Claude Berthoud, professeure honoraire de la Faculté des lettres

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Docteure ès lettres de l’Université de Neuchâtel en 1982, Anne-Claude Berthoud devient professeure de linguistique à l’Université de Lausanne la même année. Trente-trois années plus tard, on peut prendre la mesure des traces déterminantes qu’Anne-Claude Berthoud y a laissées, au travers de son investissement exceptionnel pour l’enseignement, la recherche et l’institution.

Très tôt, ce sont les brèches, les interstices théoriques, qui l’intéressent. Influencée par le virage actionnel des sciences du langage entrevu par Benveniste avec sa description de l’appareil formel de l’énonciation et Culioli avec sa théorie des opérations énonciatives, Anne-Claude Berthoud va dans un premier temps se concentrer sur l’indexicalité et le métalangage, en tirant profit de la mise en visibilité des phénomènes que la diversité des langues et les situations d’acquisition de langue seconde favorisent (Berthoud, 1982). Que nous apprennent en effet des unités telles que je ou tu, que tirer des couples aller/venir en français et des verbes à particules hin/her en allemand, si ce n’est que de tels phénomènes témoignent d’une langue irréductible à sa seule systématicité interne, une langue comme produit sédimenté de son usage en contexte ? Ce double intérêt pour la force active de l’énonciation et pour la capacité du langage à se prendre lui-même comme objet, Anne-Claude Berthoud va progressivement l’orienter vers l’analyse des opérations de thématisation : par quel prodige langagier des êtres ou des concepts parviennent-ils à l’existence dans le discours ? C’est là le cœur d’une contribution fondamentale où Anne-Claude Berthoud va brosser un panorama complet des ressources linguistiques permettant aux locuteurs de s’entendre sur ce dont ils parlent (Berthoud, 1996).

Les années 1990 voient plus généralement Anne-Claude Berthoud participer au renouvellement de la réflexion linguistique (Berthoud & Mondada, 2000), en soumettant ses intérêts de recherche au défi d’une prise en compte du caractère toujours négocié et émergent des dynamiques interactionnelles. Cette conception du langage comme ressource de médiation permettant d’agir et d’interagir en contexte constitue chez Anne-Claude Berthoud davantage qu’un intérêt ; il s’agit d’une véritable disposition d’esprit, qui se reflète de manière remarquable dans son engagement et ses responsabilités dans de très nombreuses commissions universitaires, formations doctorales ou encore institutions scientifiques aux niveaux local, national et international.

Parmi les faits les plus saillants, citons la vice-présidence (1998-2004) puis la présidence (2004-2010) de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, la vice-présidence du Conseil de fondation du Fonds national suisse de la recherche scientifique (2006-2014), la vice-présidence du Conseil d’administration du Conseil Européen pour les langues (2001-2013). Autant d’institutions qui ont pu bénéficier de son art de la négociation orientée vers la solide élaboration d’une pensée collective respectueuse de la diversité des parcours et des opinions.

Cette conviction que le tout dépasse la somme des parties trouve son expression la plus déterminante à l’occasion de la coordination du projet intégré DYnamique des LANgues et gestion de la diversité (DYLAN – Contrat N° 028702). Financé de 2006 à 2011 au sein du 6e Programme-cadre de l’Union européenne, DYLAN a fédéré dix-neuf universités réparties dans douze pays avec l’objectif d’« identifier les conditions dans lesquelles la diversité linguistique de l’Europe est un atout pour le développement de la connaissance et de l’économie » (Berthoud, Grin & Lüdi, 2013). Pour Anne-Claude Berthoud, ce projet est l’occasion non seulement de renouer avec l’étude de la diversité et du contact des langues, mais aussi de penser à plus large échelle ce qu’elle aura expérimenté en tant que présidente de la commission de politique linguistique de l’Université de Lausanne (2003-2010) : une linguistique impliquée, c’est-à-dire une linguistique en prise avec les enjeux sociaux (Berthoud & Burger, 2014) ; une linguistique qui agit sur les représentations et les idées reçues par la précision et l’impartialité de ses descriptions.

Dates clés:

  • 1982 Doctorat ès lettres, Université de Neuchâtel
  • 1982-1990 Professeure extraordinaire, Section de linguistique, Université de Lausanne
  • 1990-1998 Professeure associée, Section de linguistique, Université de Lausanne
  • 1998-2012 Professeure ordinaire, Section de linguistique, Université de Lausanne
  • 2000-2003 Directrice de l'Institut de linguistique et des sciences du langage, Université de Lausanne
  • 2000-2006 Coordinatrice du projet européen DYLAN
  • 2004-2010 Présidente de l'Académie suisse des sciences humaines et sociales
  • 2012-2015 Professeure ordinaire, Section des sciences du langage et de l'information, Université de Lausanne
  • 2015 Professeure honoraire, Université de Lausanne

Références citées:

  • Berthoud, A.-C. (1982). Activité métalinguistique et acquisition d’une langue seconde. Etude des verbes déictiques allemands. Berne : Peter Lang.
  • Berthoud, A.-C. (1996). Paroles à propos ; approche énonciative et interactive du topic. Paris : Ophrys.
  • Berthoud, A.-C. & Burger, M. (éds.) (2014). Repenser le rôle des pratiques langagières dans la constitution des espaces sociaux contemporains. Bruxelles : De Boeck.
  • Berthoud, A.-C., Grin, F. & Lüdi, G. (éds.) (2013). Exploring the Dynamics of Multilingualism. The DYLAN project. Amsterdam : John Benjamins.
  • Berthoud, A-C. & Mondada, L. (éds.) (2000). Modèles du discours en confrontation. Berne : Peter Lang.

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