SOMMAIRE
Neil FORSYTH - Introduction (p. 1-6)
Ian J. KIRBY - La Pierre de Bourne: notes sur une recherche en cours (p. 7-20)
Cet article est la version révisée et augmentée d'une conférence que j'ai prononcée à l'Université de Lausanne le 29 janvier 1992 à propos de l'inscription de la «pierre de Boume», placée aujourd'hui au Comptoir d'Echange d'Aptucxet, à Bourne dans le Massachusetts. Il retrace ma tentative de rétablir le texte original d'inscriptions qui ont été selon moi mal interprétées précédemment. J'aimerais démontrer que ce que l'on peut observer de nos jours est le fait de deux graveurs différents et que la plus importante (par sa longueur) des deux inscriptions pourrait être un mélange de lettres latines et de runes scandinaves. Cette démonstration comprend une comparaison avec d'autres inscriptions scandinaves médiévales telles qu'on les retrouve sur des pierres et d'autres objets, notamment des bracteates. Je désirerais également faire examiner la pierre par un archéologue, pour déterminer, si faire se peut, la date approximative de l'inscription.
Françoise LE SAUX - Pryvayly and secretely: Personal Letters in Malory's «Book of Sir Tristram de Lyones» (p. 21-34)
Dans le «Livre de Sir Tristram de Lyones» comme dans sa source, le Tristan en Prose, les relations entre les personnages principaux sont soulignées par l'échange de lettres. Cette correspondence à caractère privé ou public est l'objet d'une attention toute particulière de la part de Malory. Les lettres servent ainsi d'embrayeurs narratifs, mais également de révélateurs: les liens ainsi tissés entre les protagonistes des deux triangles amoureux du Morte Darthur soulignent le parallélisme entre les deux cours, apparemment si distinctes, de Marc et Arthur, donnant une clé de lecture pour l'ensemble de l'œuvre.
Roelof OVERMEER - Le royaume d'Ulysse et le royaume de Prospero: écriture, errance et pouvoir (p. 35-40)
L'écriture est une situation d'errance qui peut conférer un pouvoir à ceux qui la vivent. Mais quel genre de pouvoir? Celui qui mène à Ithaque, le royaume d'Ulysse, ou celui qui mène au Globe, le royaume de Prospero, ce dernier avatar de la voix shakespearienne?
Neil FORSYTH - «Fear of change perplexes monarchs»: Milton's Readers and the Sign of the Eclipse (p. 41-54)
La comparaison de l'éclipse dans le premier livre du Paradis perdu de John Milton figure une écriture difficile à déchiffrer. En outre, cette image a presque provoqué l'interdiction du poème en raison de ses implications politiques anti-monarchistes. Si l'on ajoute que c'est Satan, archétype de la subversion de toute certitude, auquel se réfère la comparaison, on réalise pourquoi des générations de lecteurs ont lu différemment une image qui rend perplexes même les rois.
Adam PIETTE - «Fear of Numbers»: Wordsworth, Hazlitt and Malthus (p. 55-68)
Cette étude examine les relations entre l'écriture des auteurs romantiques anglais et la publication de l'œuvre de Malthus, An Essay on the Principle of Population sur la surpopulation. L'écriture est en grande partie un jeu et un enjeu de l'espace imaginaire. En écrivant, on entre dans un territoire circonscrit et créé par la parole. L'œuvre de Malthus a provoqué une espèce de claustrophobie de l'esprit dans ses lecteurs, qui a ensuite influencé l'écriture même et ses espaces fictifs.
Valérie COSSY - Germaine de Staël, Jane Austen et leurs éditeurs. L'image de l'auteur à travers quelques éditions du XIXe siècle (p. 69-86)
Cet article se propose d'étudier les stratégies éditoriales et les succès relatifs de Jane Austen et Germaine de Staël. Du fait d'une conception de la féminité qui favorisait une attitude modeste et retirée, les conséquences d'une publication sur leur réputation et celle de leur entourage avaient de quoi tenir à distance de la presse celles que tentait la voie littéraire. Jane Austen et Germaine de Staël représentent à cet égard deux modèles contrastés de la femme écrivain au début du XIXe siècle. Leurs carrières reposent sur des choix différents. Ebaucher l'impact de ces choix sur la réception et l'interprétation de l'œuvre est le but de cette brève étude.
Boris VEJDOVSKY - Typee, or Melville as Apprentice Seaman and Freshman Writer (p. 87-104)
Typee, c'est l'écriture melvillienne à l'état de chrysalide. Je m'attache à montrer que si l'on se donne la peine de ne pas en considérer la seule trame narrative, on découvrira dans ce premier roman de l'auteur de Moby-Dick tous les éléments qui font de lui aujourd'hui encore un des auteurs les plus «modernes» de la littérature américaine.
Martine HENNARD - La leçon de lecture de Great Expectations (p. 105-120)
Le récit de Great Expectations est placé sous le double signe de la quête identitaire et de la lecture, au point de figurer une allégorie du processus même qui nous donne accès à son histoire. Les scènes où Pip décrypte laborieusement des signes énigmatiques et des figures ambiguës sont la clé d'un apprentissage jalonné de désillusions. Si cette spécularité ludique révèle une conscience aiguë des difficultés propres à la lecture du mot et du monde, les erreurs d'interprétation deviennent à leur tour condition d'écriture et source de créativité.
Raymond PEITREQUIN - The Beggar's Song in Mrs Dalloway: An Analysis with Some Views on the Poetics of Empathy (p. 121-138)
En complément à une analyse linguistique attentive d'un passage clé de Mrs Dalloway, qui conduit à une nouvelle lecture du texte, cet article propose une interprétation d'un style, la représentation de la conscience. Ce style, marqué par une subversion de la deixis, est présenté comme une forme extrême d'empathie visant à une unité retrouvée.
Neil FORSYTH, Martine HENNARD - Ce diable de Rushdie (p. 139-162)
Au centre de l'affaire Rushdie, à part les enjeux politiques, on trouve le problème de l'écriture, particulièrement celui de la différence entre texte sacré et texte profane. L'Islam est plus sensible à cette question que les autres religions du livre pour des raisons historiques, et parce que le Coran est censé être la retranscription exacte de la parole de Dieu. Un certain fétichisme du texte joue un rôle important dans la réaction meurtrière à la publication des Versets sataniques; mais certains passages du livre, drôles et satiriques, mettent directement en question l'autorité de la parole divine. Néanmoins l'enjeu n'est pas une simple opposition entre le Dieu de l'Islam et son adversaire, Shaitan, mais la possibilité d'une hybridisation de discours jugés incompatibles.
Compte rendu bibliographique
Wenche OMMUNDSEN - Colin Roderick, Henry Lawson. A Life, Sydney, Angus & Robertson, 1991 (p. 163-168)