SOMMAIRE
Hugues POLTIER - Présentation (p. 7-10)
Table des abréviations (p. 11-12)
Malika SAGER - Qu’est-ce que la philosophie? Affronter le chaos, tracer un plan sur la chaos (p. 13-24)
Notre étude, partant de la question posée dans Qu’est-ce que la philosophie?, cherche à définir ce qui distingue cette discipline de deux autres formes de pensée que sont l’art et la science. Nous commencerons par relever l’importance, décisive pour la pensée et déterminante pour la forme qu’elle va prendre, du moment de l’instauration d’un plan. Nous poursuivrons par un examen des conditions de l’expérience réelle de la pensée, en considérant le mode qui permet à la philosophie de prendre forme en même temps que se détermine son plan. Nous terminerons en évoquant le problème de la création de l’image de la pensée, afin de voir en quoi la philosophie n’est que construction pure.
Hugues POLTIER - L’immanence – ou l’opinion à la question autour de Qu’est-ce que la philosophie? (p. 25-40)
Nous nous attachons, dans une lecture centrée sur Qu’est-ce que la philosophie?, à cerner la compréhension deleuzo-guattarienne du propre de la philosophie. Nous montrons la centralité de la nécessité de se distinguer d’avec l’opinion dans l’élaboration du concept de concept et l’importance du plan d’immanence en tant qu’il n’est pas un concept mais le tracé, toujours se faisant, en mouvement, des rapports de composition entre les concepts.
Anne SAUVANARGUES - L’éthologie politique des signes (p. 41-60)
J’envisage ici systématiquement les rapports de Deleuze et de Deleuze et Guattari avec les signes, problème qui oriente depuis le début mon travail sur ces deux auteurs, selon une conception cinétique du système qui joint à la cohérence systématique de la pensée la transformation de ses opérations. De Proust et les signes aux dernières œuvres, je propose de considérer cette pensée en devenir comme une nouvelle philosophie de l’expérience, une éthologie politique des signes. Cette expérience ne préexiste pas mais est à construire, d’où le rôle nouveau du rapport entre système (construction de concepts) et production de signes qui ne préexistent pas (empirisme transcendantal), n’ont pas à être interprétés mais doivent être expérimentés éthologiquement, ce qui donne à la pratique, à la politique, à l’art un rôle constructif.
David PAGOTTO - La géophilosophie et l’ombre du spinozisme (p. 61-76)
Dans le chapitre 4 de Qu’est-ce que la philosophie?, Deleuze et Guattari semblent vouloir ressaisir l’événement «philosophie» dans le concept de philosophie qu’ils viennent de construire dans les chapitres précédents. C’est dire qu’alors la problématique en jeu amène nos auteurs au plus proche d’une question métaphilosophique tout à fait impensable dans la logique de l’immanence pourtant largement préconisée par eux-mêmes. Tâchant d’expliciter cet enjeu, nous serons amenés à tisser un lien avec le concept d’expression construit par Deleuze lui-même afin de clarifier l’ontologie spinoziste. On découvrira alors que pour que la philosophie ne retombe pas dans la trop grande gourmandise qui caractérise l’hégélianisme, nos auteurs en redeviennent spinozistes – mais peut-être là où eux-mêmes n’auraient pas voulu aller.
Arnaud VILLANI - Continuité et virtualité chez Deleuze (p. 77-94)
Le fil qui joint la virtualité chez Bergson et chez Deleuze ne doit pas occulter le problème essentiel qui apparaît alors: le lien foncier entre la virtualité et la notion de continuité. Aussitôt, cette continuité se présente comme continuité de la pensée qui «fait bloc». Et, pour l’historien de la philosophie, ce problème nous ramène, de façon d’abord étrange, au lien entre la métaphysique, à condition de la penser comme immanente, et la continuité virtuelle. Ce qui veut dire, un pas plus loin, que l’une des plus lointaines pensées de la Philosophie, à savoir l'aphoristique héraclitéenne, s'invite dans le débat contemporain sur la possibilité d’une métaphysique immanente, autrement dit, qui «laisse couler les flux» et les mène jusqu’au plus haut point dont ils sont capables.
Thibaud VAILLANCOURT - Deleuze et Wittgenstein: «comme» deux jumeaux assis dos à dos? (p. 95-114)
Ce texte s’attache à lire Deleuze et Wittgenstein dans un éclairage mutuel. Avec pour point de départ le rejet strict et constant de ce dernier à l’intérieur de l’œuvre deleuzienne, notre intention est de désamorcer le dogmatisme qu’une telle posture permet, même virtuellement, à l’exégète complaisant. Aucun rachat n’est ici en question, mais une tentative diplomatique pour montrer qu’à l’apparence irréconciliable de deux enracinements antipodiques de la pensée résistent des inquiétudes communes et des gestes qui se font écho. Leur rapport particulier à l’art, ainsi qu’une tendance partagée à prendre pour objet de pensée la pensée elle-même orientent ce parcours, traits qui finalement nous poussent à constater d’étranges ressemblances et à admettre que la véhémence de Deleuze tient davantage à la synthèse, en un nom propre, des griefs adressés à une tradition dont l’individu Wittgenstein n’est pas le porte-étendard.
Jamil ALIOUI - Composition musicale et philosophie (p. 115-128)
La musique apparaît peu dans la philosophie de Deleuze et de Guattari, mais elle le fait de manière remarquable tant par l’efficacité expressive qui est l’un de ses propres que par le lien qu’elle entretient avec le concept philosophique. La confrontation que nous proposons entre les affects et les percepts de QPh et la ritournelle de MP nous amènera à différencier la musique et la composition musicale ainsi qu’à considérer cette dernière comme une forme de la pensée - au sens de QPh - au croisement de la philosophie et de l’art.
Anthony BEKIROV - La métaphilosophie et le problème de l’expression. Différence et interdépendance du fond et de la forme dans Qu’est-ce que la philosophie? (p. 129-136)
On entend volontiers que le dernier opus de Gilles Deleuze participe de la «métaphilosophie», entendu qu’il s’agit d’un livre de philosophie sur la philosophie. Mais bien trop souvent, on ressasse ce préfixe comme si ce à quoi il renvoyait était évident, et l’on n’interroge pas le rapport complexe et subtil qu’entretient le discours philosophique de Qu’est-ce que la philosophie? avec son sujet, relation forcément incestueuse voire schizophrène (la philosophie qui doit se séparer d’elle-même pour se prendre comme sujet). Cette tâche d’esquisser ce qui constituerait une explication du rapport entre le livre et le discours est celle à laquelle cet article s’enchaîne.
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