SOMMAIRE
Jean-Pierre LEYVRAZ - Charles Sanders Peirce : «la pensée-signe» (p. 5-12)
Nous soulignons ici quelques aspects essentiels de l'œuvre considérable de Charles Sanders Peirce, fondateur du pragmatisme: sa théorie des signes, et les problèmes de la croyance et de la vérité. En conclusion, nous examinons les relations entre sa théorie des signes et sa métaphysique réaliste.
Vincent FORNEROD - Jeux et enjeux de la métaphore chez Nietzsche (p. 13-26)
Notre lecture de Vérité et mensonge au sens extra-moral interroge la conception du signe qui se fait jour dans ce texte. Comment faut-il entendre le terme de «métaphore»? Quelles sont les implications de la «rhétoricité» du langage? Telles sont les questions que nous abordons ici et qui nous poussent à envisager les liens existant entre ce qui se joue dans la «théorie» de la métaphore et le style philosophique de Nietzsche.
Daniel NICOLET - Frege: la grande découverte des signes (p. 27-40)
La pensée de Frege ne se referme jamais en système, mais s'élabore par distinctions successives, qui laissent ouverte la question de leur interprétation philosophique. Plutôt qu'à un standard épistémologique ou métaphysique, nécessairement dérivés, on rapporte ici deux de ces distinctions à leur lieu d'émergence: la découverte de la dimension de la structure, fondement de l'universalité du langage.
Pierre-Yves HUNZIKER - Les réflexions de William James sur l’expérience et le problème de sa traduction dans le langage (p. 41-70)
Face à l'attitude théorique et dogmatique adoptée en philosophie, James oppose une compréhension vivante et ouverte de l'homme et de son rapport au monde. Seulement celle-ci se heurte d'emblée à ce qui se donne pour lui comme étant son contraire: le langage. Apparaissant ainsi sous un jour problématique, il va faire l'objet d'une critique, nourrie d'une réflexion recouvrant des aspects à la fois historico-rhétoriques, sémantiques et pragmatiques, qui va mettre en question le privilège traditionnellement accordé au logos.
Jean-François AENISHANSLIN - Tel un palimpseste (la «sémiotique» effacée de Husserl) (p. 71-86)
S'inscrivant donc au sein de l'écart ouvert dans un exergue amphibologique (épigraphe et hypogramme), cet article interroge le statut du nom, et plus généralement du signe, dans la philosophie husserlienne. Cette investigation s'opère notamment à partir d'une lecture d'un projet de «sémiotique», que l'on peut considérer comme un avant-texte aux Recherches logiques et que Husserl avait entrepris avant de l'effacer aussitôt – pour le recouvrir tel un palimpseste de l'ample texte de la phénoménologie. A l'horizon, bien entendu, la question de la possibilité de celle-ci.
Pierre HACK - «Et il faut qu’il y ait des substances simples, puisqu’il y a des composés»: Russell et Wittgenstein (p. 87-96)
Le présent article examine la manière, en partie parallèle, dont Bertrand Russell et Wittgenstein sont parvenus à leurs concepts respectifs d'éléments simples de la proposition. On sait, à ce sujet, que Russell a renoncé à achever la rédaction de sa Theory of Knowledge en raison des critiques que lui avait adressées Wittgenstein, et que le Tractatus logico-philosophicus répond à cette œuvre abandonnée; il se peut que la portée des critiques de Wittgenstein ne s'étende pas seulement aux propos de la Theory of Knowledge, mais à toute forme d'atomisme logique.
Daniel CHRISTOFF - Le signe dans la langue et dans la parole (p. 97-116)
La valeur signifiante du signe de langage résulte-t-elle de sa place dans le système différentiel de langue ou d'une visée intentionnelle qui lui serait propre? Distinguer le signe tel qu'intégré au système de la langue qui en assure la distinction et le signe en acte dans la parole conduirait à reconnaître une dialectique entre la langue faite pour la parole et la parole dont l'expérience constitue la langue. Pour le comprendre, il serait nécessaire d'approfondir l'expérience du langage sous ses formes diverses.
Pierre-Yves MAILLARD - Lectures de Wittgenstein. De la frénésie théorique au respect du style (p. 117-132)
Il existe une sorte de mythe au sujet de l'œuvre de Wittgenstein, selon lequel elle laisserait quelque chose à «résoudre», comme s'il restait à en trouver la clé, à en restituer le sens simple et clair, cette chose identique dissimulée par l'aspect divers et fragmenté de ce texte particulier, où Wittgenstein lui-même n'aurait pas voulu, pas pu, pas su tout dire. C'est de cette croyance que nous voulons parler dans cet article, évaluée à partir de quelques exemples liés à l'ouvrage marquant de Saül Kripke (Wittgenstein: On Rules and Private Language), considéré comme le modèle d'une lecture théorétique de l'œuvre de Wittgenstein.
Guido ALBERTELLI - Le mot de Heidegger: «Le langage est la maison de l’être» (p. 133-156)
Cet article essaie de situer le tournant «linguistique» de Heidegger, qui, parti d'une reprise de la «question de l'être», en vient à placer le motif du langage au premier plan. On suivra ainsi la pensée de Heidegger de Etre et temps à Acheminement vers la parole, pour montrer comment elle fait du langage non pas l'objet de sa réflexion (ce n'est donc pas une «philosophie du langage»), mais l'envisage comme événement de l'ouverture de l'être. Pour en rendre compte, on développera l'hypothèse de cette pensée de l'ouverture comme «pensée de l'immanence», et du langage comme «milieu» de cette immanence.
Yvan CRUCHAUD - De la conception du langage chez Noam Chomsky (p. 157-172)
On fait ici une tentative pour retrouver, parmi les domaines étudiés par N. Chomsky et à travers ses théories successives, sa vision particulière du langage; cette vision se manifeste dans une recherche des principes universels qui organiseraient les différentes grammaires spécifiques des langues, la grammaire universelle. Celle-ci exprimerait l'essence du langage en le réduisant à un système de propriétés communes ou de règles applicables à toutes les langues humaines, et serait étroitement liée à une nécessité biologique. On cherchera à montrer l'existence d'un réseau théorique, réseau qui illustre la contribution de Chomsky aux réflexions sur les langues et sur le langage.
Tony BRACHET - La psychanalyse comme science rigoureuse (p. 173-188)
Chacun sait que «la psychanalyse n'existe pas», autrement dit qu'elle n'est pas une science exacte. Elle n'en constitue pas moins un discours rigoureux dont les algorithmes symboliques, quoique non calculables, font lien et présentifient pour nous quelque chose de l'«inconscient», «structuré comme un langage» – langage entendu ici moins comme langue que comme parole.
Maurizio FERRARIS - Déduction d’une herméneutique de la trace (p. 189-208)
Cet article s'efforce de dégager les conditions de possibilité de l'universalité de l'herméneutique: comment le passage d'une technique particulière à une discipline philosophique universelle peut-il s'opérer? Il montre que cette universalisation présuppose nécessairement une expérience universelle de la trace, déduite à partir de deux conditions de la naissance de l'herméneutique: l'existence d'une tradition écrite et la reconnaissance de la valeur universelle du langage. L'universalité de la trace impliquant qu'il n'y a jamais d'évidence idéale originaire, mais que toute évidence est toujours déjà constituée, l'universalité de l'herméneutique relève donc du lien originaire nécessaire qui unit la technique (l'itération, la constitution) et l'idéalisation.
Laurent CARRAZ - Derrida: théorie(s) de la différance, écriture(s) de la théorie (p. 209-222)
L'article cherche à mettre en évidence à la fois une constance et une évolution dans les travaux de Derrida: constance autour d'un point de départ, le problème du signe, et évolution à travers une forme d'éclatement ou de dissolution de ce problème – ou du moins de son abord théorique. On cherche aussi à remettre en question un préjugé, fondé certes sur de fortes apparences, selon lequel Derrida serait un «penseur de l'écriture», adversaire de la parole et critique obstiné de toute forme de privilège accordé au motif de la présence.
François ROCHAT, Andy MODIGLIANI - Comment en vient-on à dire: «Il fallait obéir aux ordres»? (p. 223-234)
L'étude bien connue de Stanley Milgram sur la soumission à l'autorité pose le problème de la banalisation du mal. En exécutant les directives qui leur sont données, des gens bien intentionnés en viennent à tourmenter une victime innocente par sentiment d'obligation à l'égard d'un supérieur. Ce phénomène destructeur a été analysé du point de vue de l'influence des circonstances sur les actions humaines. Nous proposons de le considérer dans son déroulement, ce qui permet de mettre à jour une des sources de la banalisation du mal qui se trouve dans les occasions manquées de quitter le chemin de la violence contre autrui.
Oswald DUCROT - Pour une description non-véritative du langage (p. 235-250)
En montrant qu'une description linguistique attentive à la consistance de son propre langage et soucieuse de suivre les conséquences de son discours doit renoncer au concept de vérité, cet article esquisse les contours d'une sémantique dont l'une des tâches essentielles consiste à dénoncer le caractère illusoire de la croyance selon laquelle le langage rend compte du monde. Les concepts centraux de cette sémantique – ceux de polyphonie et de topos – conduisent en effet à abandonner la conception informationnelle de la signification, rapprochant par là la sémantique linguistique de la tâche que Platon assignait à la philosophie: celle d'enseigner à se méfier de la parole.
Compte rendu bibliographique:
Armand FRANCILLON - Origini della commedia nell'Europa del Cinquecento, Atti del XVII Convegno, Centro studi sul teatro medioevale e rinascimentale, Roma 30.9. - 3.10.93, Losanna 29-30.10.93, a cura di M. Chiabo - F. Doglio, Roma, 1994 (p. 251-254)
Chronique annuelle de la Faculté des lettres, année académique 1994-1995:
Mémoires de licence soutenus à la Faculté des lettres en 1995 (p. 255-264)
Thèses de doctorat soutenues à la Faculté des lettres en 1995 (p. 265)
Ecole de français moderne (p. 266-270)
Chronique de la Société des études de lettres (p. 271)