323 (2024/1-2) FLE: français langue en expérience(s) - Édité par Stéphanie Pahud et Magali Cécile Bertrand

S’approprier le français est une aventure: ce volume offre un éclairage ample et pluriel sur les manières de mobiliser l’expérientiel dans son enseignement-apprentissage. Les différentes contributions – théoriques, réflexives et/ou créatives – restituent des expériences aussi bien d’étudiants et d’étudiantes allophones que de spécialistes dont les points de vue sont situés en didactique du français langue étrangère ou dans l’une de ses disciplines contributoires (linguistique, sociolinguistique, études littéraires, musicales et théâtrales, anthropologie).

Cette réflexion pluridisciplinaire et chorale sur la notion d’expérience s’offre par ailleurs comme une opportunité de (res)saisir plusieurs autres notions connexes particulièrement importantes dans le contexte éducatif contemporain: l’action, la créativité, la voix, la réflexivité, la sécurité linguistique ou encore la confiance se trouvent au coeur des attentions des protagonistes du présent ouvrage.

SOMMAIRE

Stéphanie Pahud — Introduction (p. 7-20)

Louis de Saussure — Aimer une langue: de l’expérience linguistique à l’attachement (p. 21-42)

Cet article tente de dresser un panorama général du rôle que joue, pour un locuteur ou une locutrice, en particulier en ce qui concerne une langue seconde, ce que nous nous proposons d’appeler ici l’expérience linguistique. Par ce terme, nous entendons le fait d’expérimenter de manière répétée et intime l’usage d’une langue. Cette expérience linguistique conduit à un ensemble d’effets qui s’inscrivent avant tout dans une dimension de la pratique langagière qui échappe au monde de la description conceptuelle. Par ailleurs, elle est en lien avec le monde affectif, et conduit à une forme particulière d’attachement pour une langue et pour une culture spécifique à laquelle elle donne accès, par la familiarisation avec une pratique linguistique commune.

Maria Bagyan, Louis de Saussure, Joséphine Stebler — Perspectives en conversation sur l’expérience. Entretien avec Louis de Saussure et Joséphine Stebler (p. 43-58)

Dans cette contribution, Joséphine Stebler, anthropologue et enseignante de français langue étrangère, et Louis de Saussure, linguiste, conversent autour de la notion d’expérience et de leur manière de l’appréhender dans leurs champs respectifs. L’échange est modéré par Maria Bagyan, étudiante en master FLE. L’entretien insiste sur la distinction entre «expérimenter», éprouver des effets de nouveauté, tenter, et d’autre part «expériencer», faire l’expérience, vivre une expérience. Il fait également une place aux éthiques du care pour développer les liens tissés entre expérience et confiance.

Raphaël Baroni — L’expérience immersive de lecteurs allophones en contexte académique (p. 59-82)

Cet article se penche sur les enjeux didactiques de la lecture en immersion d’un récit littéraire en langue première (L1) et en langue seconde ou étrangère (L2). Il s’agira en particulier d’examiner la spécificité d’une lecture «au premier degré» pour des étudiants confrontés à un texte littéraire rédigé dans une langue étrangère et la manière dont les difficultés liées à l’immersion se répercutent sur les dynamiques compréhensives et interprétatives. Sur la base de données recueillies dans un cours d’introduction à la littérature française destiné à des étudiants allophones (B1), on verra que le processus de défamiliarisation associé aux objectifs des études littéraires peut prendre un tour un peu différent pour des étudiants allophones à ce stade de leur apprentissage de la langue, sans que les opérations liées à la lecture littéraire en soient fondamentalement modifiées.

Justine Favre — Raconter l’expérience du sujet plurilingue, biographies langagières en bande dessinée (p. 83-108)

De quelles manières des étudiants francophones et des apprenants de FLE de niveau avancé se sont-ils servis du potentiel graphique et narratif de la bande dessinée pour mettre en récit leur expérience du plurilinguisme? Cet article propose le compte rendu d’un atelier donné dans le cadre d’un séminaire universitaire et l’analyse de trois des bandes dessinées qui y ont été produites. Le concept de métaphore graphique développé ici montre, aux côtés d’outils plus classiques d’analyse, en quoi la bande dessinée offre des ressources pour exprimer de façon créative et réflexive un vécu entre plusieurs langues.

Arnaud Buchs — Lire la métaphore: une expérience de l’altérité (p. 109-126)

Partant de l’expérience de l’enseignement de la poésie de langue française à des allophones, cette contribution réfléchit à l’articulation de la métaphore et de l’altérité. La métaphore est une (re)mise en question du sens propre: à travers les mots et leurs relations, c’est du coeur de la langue, étrangère en elle-même pour les allophones, que surgit une étrangeté de la langue à elle-même. Cette première forme d’altérité en induit une seconde: la métaphore demande à être interprétée; or toute interprétation étant personnelle, elle nous révèle dans notre intimité. L’expérience de la métaphore amène ainsi le lecteur allophone à se découvrir – dans les deux sens du verbe – mais aussi à comprendre que c’est en acceptant d’être objet de l’altérité du langage que l’on peut être sujet de son expérience.

Yves Érard — La chanson comme expérience (p. 127-152)

À partir de deux exemples, cet article veut montrer en quoi la compréhension esthétique d’une chanson peut être considérée comme une expérience de l’apparition de l’aspect. Cette expérience est en même temps perceptuelle et conceptuelle au sens où ce que l’on voit ou ce que l’on entend change, alors que ce que l’on a sous les yeux ou qui entre dans nos oreilles ne change pas. Elle dépend donc de la volonté de voir ou d’entendre et peut donc être enseignée. Cet enseignement de la chanson comme expérience est particulièrement pertinent dans un cursus de FLE parce qu’il développe une attention fine à la musicalité (sonorités, rythmes, intonations) du français. Il entend aussi donner confiance aux non-francophones en travaillant en même temps à leur perception et à leur expression d’une signification comme physionomie dans l’expérience de chansons en français.

Magali Cécile Bertrand — «Prendre voix»: une expérience de paysage sonore en classe de FLE à l’université (p. 153-174)

Ancré dans les principes de la pédagogie expérientielle et de l’enquête ethnographique, le présent article investit les potentialités du paysage sonore et veut montrer quelles voies ce concept issu de la musicologie et plus largement les «études sensorielles» peuvent ouvrir dans l’enseignement-apprentissage des langues. Il décrit plus précisément une expérimentation réflexive de trois semestres dans un cours universitaire de français langue étrangère. Guidés dans la production créative d’un fichier sonore partant de leur expérience vécue pour apprendre à «prendre voix» comme on «prend pied» en s’installant dans un nouveau territoire, les étudiants ont eu l’opportunité de «se décentrer» et d’entendre leurs voix comme légitimes dans le paysage francophone local.

Alain Ausoni — Comprendre couramment: expériences d’apprenants, d’enseignants, de linguistes et de didacticiens (p. 175-192)

Procédant par anecdotes et retours d’expériences, cette contribution concerne la création, le développement et l’utilisation de FLORALE, un corpus de français parlé à visée pédagogique en français langue étrangère (FLE). Elle offre un retour réflexif sur les considérations didactiques qui ont convaincu son auteur de s’engager dans ce projet d’ingénierie pédagogique pour mobiliser l’approche de l’apprentissage sur corpus dans plusieurs enseignements de FLE. Signalant que la compréhension de la langue parlée est un horizon trop souvent masqué dans l’enseignement-apprentissage institutionnel du FLE, elle entend promouvoir cette compétence cardinale quand il s’agit de vivre dans une nouvelle langue: comprendre couramment.

Stéphanie Pahud — Se faire son accent «comme chaque violoniste est obligé de se faire son son»: expérience poéthique de l’accent (p. 193-218)

Cette contribution présente une expérience didactique proposée à des apprenants et à des apprenantes de français langue étrangère de niveau B1 pour leur faire réaliser la place et les enjeux de l’accent dans leur socialisation langagière et les aider à atteindre une prononciation confiante. Elle part de la double hypothèse suivante: tout accent est pluriel et variable; des filtres idéologiques et affectifs influencent autant la production que la perception des accents. Elle suggère que développer une poéthique de l’accent – amener les apprenants à développer une palette stylistique en matière de prononciation – leur permettrait d’exprimer leur voix au plus près de leurs désirs et dans l’acceptation de leurs vulnérabilités et, par-là, de gagner en sécurité langagière et en légitimité sociale.

Sinem Kilic, Camille Vorger — Expériences muséales et sensorielles en français langue étrangère (p. 219-242)

Selon une approche créative et engageante de l’enseignement-apprentissage du FLE, nous présentons ici deux projets basés sur des expériences muséales – deux expositions immersives – et menés dans nos cours avec des étudiants et des étudiantes de l’EFLE à l’Université de Lausanne. Après avoir exploré la notion d’expérience et la pédagogie de projet appliquée au domaine du champ artistique, nous reviendrons sur les activités mises en place avant et après la visite en nous appuyant sur les témoignages et les productions des étudiants. Nous en arriverons à concevoir des prolongements, afin d’enrichir les apports d’une telle démarche dans le champ des expériences muséales, en nous intéressant notamment au rôle du corps, des sensations et des émotions exprimées.

Jonathan Durandin, Catherine Flütsch — Les expériences théâtrales au bénéfice de l’apprentissage du FLE (p. 243-260)

En quoi le théâtre peut-il participer à l’apprentissage du FLE? Nous ouvrons des pistes de réponse à cette question en étudiant les expériences susceptibles d’émerger chez les apprenants-locuteurs de FLE lors d’activités théâtrales. Nous nous intéressons particulièrement à deux types d’activités pouvant leur être aisément proposées: faire de l’expression/improvisation théâtrale et assister à une représentation théâtrale. Nous identifions les compétences utiles à l’apprentissage d’une langue étrangère développées dans ces deux types d’activités pour tenter de comprendre comment les activités théâtrales peuvent donner sens aux apprentissages.

Angelica Araujo, Magali Cécile Bertrand, Stéphanie Pahud — Le récit d’expérience(s) comme média didactique attentionnel (p. 261-276)

Cet article propose un exemple d’activité contribuant à une didactique des langues-cultures à la fois actionnelle (qui accompagne le développement des compétences langagières et la capacité à agir socialement) et attentionnelle: il s’agit, d’une part, de faire une place aux éthiques du care en s’assurant de créer et maintenir des liens bienveillants et de confiance, et, d’autre part, de renforcer la réflexivité, la sécurité linguistique et l’autonomie non seulement des apprenants, mais aussi des formateurs. Rendant compte de l’expérience de ces deux aspects au moyen d’une «lettre à la langue espagnole» et d’un entretien semi-dirigé, les auteures montrent que le genre biographique langagier peut être une ressource créative, mais aussi caring, basée sur une sollicitude relationnelle.

Anne-Lise Delacrétaz, Zsofia Szabo, Carole Melisse Cuellar Cardenas, James Spencer,
Stéphanie Alarcon, Liudmyla Khorelets — Lettres à nos langues (p. 277-294)

Myriam Détraz — Comme une lettre à la poste! Une lettre à sa langue pour conjurer l’insécurité
en français langue étrangère (p. 295-318)

Cette contribution propose un retour réflexif sur une expérience de mise en voix d’un texte personnel rédigé en français par des alloglottes. Cinq étudiantes et un étudiant ont été retenus pour lire, lors d’une journée d’étude universitaire, une lettre qu’ils ont écrite à l’une de leurs langues dans le cadre de travaux pratiques de linguistique. À la suite de cette lecture, ils ont été invités à répondre à un questionnaire qui a permis d’analyser leur rapport à chacune de leurs langues, essentiellement en matière de prononciation et d’accent, mais aussi à l’exercice proposé. L’analyse critique de cette expérience met en lumière aussi bien les obstacles que les facilitateurs propres aux différents parcours d’appropriation concernés.

Camille Roelens — Perspectives conclusives. Expériences démocratiques de la langue, gestes tocquevilliens et autonomie (p. 319-326)

TOP ^

Suivez nous:  

Couv-EDL323-web.jpg

ISBN 978-2-940331-84-0

Disponibilité :

En stock

Prix du volume :

30 CHF / 25 €

Pour commander :

en CHF : cliquez ici

en € : cliquez ici 

Partagez: