SOMMAIRE
Vincent VERSELLE, Joël ZUFFEREY — Avant-propos (p. 7-16)
Partie I: Les sémioses du texte
Vincent CAPT, Vincent VERSELLE — La «lettre du Voyant» de Rimbaud à Demeny, une mise à l’épreuve de la cohésion textuelle? (p. 19-46)
Cet article se penche sur l’une des deux «lettres du Voyant» de Rimbaud, problématique en termes de textualité, car s’apparentant a priori à un assemblage segmenté de plusieurs textes. Cet objet interroge les facteurs qui permettent de délimiter les frontières d’un texte, et ceux qui garantissent sa progression et sa solidarité. On se confrontera ainsi d’abord à une suite raisonnée de problèmes touchant en premier lieu aux principes de cohésion et de cohérence, à une échelle dite «mésotextuelle». Puis une hypothèse sera soumise à exploration, selon laquelle, à ce niveau de structuration, la continuité de ce discours épistolaire est moins redevable du critère du genre que d’opérations spécifiques liées à une performance d’écriture.
Marc BONHOMME — L’hétérogénéité des registres dans les annonces sanitaires: le cas des campagnes antitabac (p. 47-64)
L’objectif de cet article est d’approfondir le fonctionnement textuel des registres, vus comme des matrices d’écriture, dans un cas particulier de discours médiatique: les campagnes institutionnelles antitabac. Tout en montrant que ces campagnes s’appuient sur quatre registres (le délibératif, le didactique, l’épidictique et le pathémique), l’article analyse la distribution différenciée de ces derniers selon les genres (brochure ou affiche) dans lesquels ils s’intègrent. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’ambiguïté interprétative de ces registres, à travers leur interaction entre le texte et l’image dans une affiche typique.
Pierre SCHOENTJES — La nature à l’échelle du texte: quelques considérations sur le lieu (p. 65-82)
A partir d’une lecture du jeu textuel et photographique mis en place par Jean-Loup Trassard dans Le voyageur à l’échelle, cette contribution s’interroge sur l’importance du lieu dans les œuvres tournées vers la nature. Des lieux réels et imaginaires, empruntés à la littérature publiée depuis la Seconde Guerre mondiale, sont rapprochés. En les confrontant aux analyses conduites par L. Buell autour de l’écriture environnementale, l’on s’interrogera sur les moyens qui permettent à l’écriture de la nature de s’inscrire dans un lieu sans verser dans le localisme qui est trop souvent une nouvelle forme de régionalisme.
Sylviane Coyault — A l’échelle du minuscule (p. 83-100)
Existe-t-il une coïncidence entre une esthétique du détail et l’évocation d’existences humbles, de «vies minuscules», comme celles que peint Pierre Michon? Le propos de cette étude est de comparer l’œuvre de Michon (parue en 1984) avec d’autres récits brefs écrits dans ses pas: Miette, de Pierre Bergounioux (1995), et Liturgie, de Marie-Hélène Lafon (2002). Si les trois auteurs choisissent l’échelle «minuscule», les imaginaires diffèrent considérablement, et traduisent des univers mentaux singuliers, qu’on se propose d’appréhender successivement.
Franc SCHUEREWEGEN — Sur Jean Kaempfer, et sur Proust (à propos des pastiches) (p. 101-114)
La structure du pastiche proustien est ternaire, non binaire. Cela veut dire que le pasticheur, quand il se livre à son exercice, imite toujours au moins deux textes à la fois. Le texte X le conduit au texte Y qui produit alors le texte Z, à savoir le pastiche proprement dit. On peut dire d’une autre façon encore que les «belles phrases» sont toujours pour Proust des créations collectives et qu’il faut donc les appréhender comme telles. En passant, ces pages rendent hommage au grand universitaire qu’est le professeur Jean Kaempfer.
Hélène MERLIN-KAJMAN — Anthropologie de la littérature, pratiques symboliques et diabolie critique (p. 115-142)
Cet article reparcourt l’œuvre de Claude Reichler en montrant l’importance de ses analyses des «modélisations symboliques», non seulement pour l’analyse des textes littéraires, mais aussi pour notre réflexion sur le discours critique et même sur l’enseignement de la littérature. Deux questions forment le fil rouge de la réflexion: existe-t-il une lecture «diabolique» d’un texte littéraire, une pratique «diabolique» de nos disciplines? Comment l’absence d’une description des Alpes dans les Mémoires d’un auteur du XVIIe siècle amené à les traverser se trouve éclairée, ana-chroniquement mais sans contresens historique, par l’analyse, elle-même symbolique (et jamais «diabolique») du «paysage alpin» effectuée par Claude Reichler?
Michel COLLOT — Claude Reichler et les échelles du paysage (p. 143-162)
A bien des égards, Claude Reichler apparaît comme un des pionniers d’une nouvelle démarche critique qui s’est récemment développée: la géographie littéraire, qui a trouvé notamment un terrain d’élection dans les récits de voyage et un thème privilégié dans les représentations du paysage. Sensible aux multiples enjeux de ce thème, Claude Reichler en propose une approche très complète et nuancée, qui fait la part aussi bien à la dimension physique du paysage, à ses valeurs historiques, sociales et culturelles qu’à l’expérience sensible de l’individu. Attentif à la façon dont ces représentations s’inscrivent dans le style même des œuvres qu’il étudie et dans leur iconographie, Claude Reichler se montre ainsi capable de parcourir à la fois les diverses échelles du texte et celles du paysage.
Antonio RODRIGUEZ — Le rythme et la visée (p. 163-188)
Les principales théories contemporaines du rythme se fondent généralement sur des aspects phoniques et prosodiques du discours et délaissent la portée visuelle du texte. Cet oubli fréquent résulte d’une longue histoire et d’une antique rivalité entre la représentation, associée à la peinture, et le rythme, rattaché à la musique. Par la recherche d’une définition renouvelée, cette étude tend à surmonter une telle dichotomie en montrant que la visée (1) du regard, associée à la conscience du phrasé et d’autres phénomènes, devient rythmiquement sensible et prend sens par la visée (2) d’une intentionnalité discursive. Le conflit entre la subjectivation de l’énonciation chez Meschonnic et l’objectivité structurale d’une métrique générative chez Roubaud peut alors être dépassé.
Yves CITTON — Facteurs d’humanités: accent et phrasé entre contrastes et programmes (p. 189-208)
L’étude littéraire des textes est-elle porteuse de revendications éthiques, politiques, culturelles? A quelles échelles ces revendications émergent-elle au mieux? En quoi et envers quoi prenons-nous de la distance et de la hauteur en lisant des œuvres littéraires? Qu’apprenons-nous à faire (tout autant qu’à voir) en regardant les textes de très près? Cet article tente de répondre à ces questions en mobilisant la notion de «geste», et en défendant le principe d’un «droit aux Humanités», fondé sur notre besoin de reformuler ce que les formulaires et les programmes (éducatifs, bureaucratiques ou informatiques) ont pré-paramétré pour nous.
Partie II: Leçons d’honneur
Jean-Michel ADAM — Penser le nécessaire dialogue des sciences des textes (p. 211-236)
Jean KAEMPFER — Donation entre vifs: l’écrivain contemporain et le professeur de littérature (p. 237-254)
Claude REICHLER — Le pas de l’échelle (p. 255-268)
André WYSS — «Le poète ne dit qu’un mot toute sa vie» (p. 269-294)
Postface
Danielle CHAPERON et François ROSSET — A partir d’un transparent et d’un article de presse (p. 297-300)
Adresses des auteurs (p. 301)