Si la profession d’architecte au XIXe siècle est de mieux en mieux connue, nombre de thématiques transversales restent à défricher afin de compléter les études de parcours individuels et les monographies: c’est l’ambition de ce recueil qui s’intéresse à la dimension collective de cette profession. L’institutionnalisation de la pratique constructive, la création d’associations professionnelles, les activités de promotion, le développement de l’édition d’architecture, l’organisation du travail et le fonctionnement des bureaux sont autant de thèmes traités à partir d’exemples non seulement suisses, mais également français et allemands. Ces deux pays ne sont pas uniquement des points de comparaison: les architectes suisses s’y forment et y travaillent souvent un temps. Leurs écoles d’architecture et leurs pratiques professionnelles constituent donc des modèles, non seulement pour les questions esthétiques mais aussi organisationnelles.
SOMMAIRE
Dave Lüthi - Des profils et de la profondeur (p. 7-12)
Les architectes suisses à l’étranger
Marie-Laure Crosnier Leconte - Les élèves suisses à l’École des beaux-arts de Paris (1800-1968) (p. 15-30)
Trois cent quarante Suisses ont été admis à l’École des beaux-arts de Paris entre 1800 et 1968. Ils ont constitué une des populations étrangères les plus significatives de l’École, avec les Américains et les Roumains, mais avec un flux de fréquentation qui se caractérise par sa régularité, avec seulement quelques pics migratoires. De quelle région venaient-ils? Quels autres établissements d’enseignement ont-ils fréquentés, tant en Suisse qu’en France? À quelle catégorie socioprofessionnelle appartenaient-ils? Quel cursus scolaire ont-ils suivi? Quels ateliers ont-ils choisi et quelle place y ont-ils occupée, ainsi qu’au sein de l’École? Quel accueil ont-ils reçu et comment eux-mêmes ont-ils accueilli les Français, notamment dans les concours publics? Une première analyse de ce corpus tente d’apporter une amorce de réponse à toutes ces questions.
Shahram Abadie - Architectes suisses à Strasbourg, évolution d’un «profil» (1870-1939) (p. 31-48)
Strasbourg connaît un développement urbain spectaculaire au tournant des XIXe et XXe siècles. Parmi les acteurs de ce chantier, les architectes suisses occupent la troisième place après les Alsaciens et les Allemands. À travers des analyses chronologique et socioculturelle, cet article montre que cette «immigration» s’inscrit dans la tradition de circulation des travailleurs dans l’espace rhénan, intensifiée cependant par la réalisation de l’extension de la ville (1880-1900) et l’urbanisation des faubourgs (1920-1930). L’étude de deux figures emblématiques de ces praticiens révèle ensuite que, malgré un contexte mouvementé de transition politique et disciplinaire, les Suisses s’intègrent aisément dans le milieu professionnel, établissant des échanges avec leur société d’adoption.
Revues d’architecture et promotion de la profession
Guy Lambert - Les publications des sociétés d’architectes en France au XIXe siècle: construire une culture de métier, promouvoir une identité de la profession (p. 51-68)
Parmi les moyens qu’emploient au XIXe siècle les sociétés professionnelles d’architectes pour revendiquer l’honorabilité de leur métier, défendre le titre et construire une confraternité corporative, les publications tiennent une place dont l’apparente importance mérite d’être analysée. Dans cette perspective, il s’agit ici d’examiner les liens entre le projet institutionnel de ces sociétés et le lectorat escompté de leurs multiples publications. Dans quelle mesure, la volonté – explicite ou implicite – de toucher un public élargi dépassant leurs membres et même les seuls architectes contribue-t-elle à
construire l’identité de la profession non seulement à l’intérieur de la corporation, mais aussi au-delà?
Christiane Weber - Wege des Wissens. Technische Berufsverbände und deren Zeitschriften in den deutschen Ländern im langen 19. Jahrhundert (p. 69-88)
Im Laufe des 19. Jahrhunderts wurde in den deutschen Ländern ursprünglich nach dem Vorbild der französischen École Polytechnique ein immer eigenständigeres technisches Bildungswesen installiert. Die technische Entwicklung im Kontext der Industrialisierung bedingte dabei zunehmend eine Spezialisierung der Disziplinen und gleichzeitig eine Differenzierung in Ausbildungsstätten unterschiedlichen Niveaus. Vor dem Hintergrund dieser Entwicklung ist die Gründung der technischen Berufsverbände zu sehen, wie des Vereins Deutscher Ingenieure (VDI) 1856 sowie der unterschiedlichsten Architektenverbände. Dieser Beitrag soll einen Überblick über die deutschen Berufsverbände und deren jeweilige Publikationsorgane geben und deren Rolle im Reichsland Elsass-Lothringen und insbesondere in Straßburg.
Les services publics d’architecture
Tobias Möllmer - Die künstlerische Kontrolle des Bauhandwerkers. Ästhetische Baupolizei im Sinne der deutschen Heimatschutzbewegung am Beispiel der Stadt Strassburg/Strasbourg (p. 91-110)
Im Zuge der deutschen Heimatschutzbewegung wird in Straßburg 1910 auf Initiative des Beigeordneten Dr. Heinrich Emerich das Ortsstatut zum Schutz des Ortsbildes verabschiedet, durch das die Altstadt vor unangepassten privaten Neubauten geschützt und die Bautätigkeit in den neuen Vierteln im Sinne einer reduzierten, durch regionale Motive und Baumaterialien charakterisierten Architektursprache ästhetisch kontrolliert werden soll. Eine aus Fachmännern zusammengesetzte Kunstkommission überprüft die Pläne, das Hochbauamt unter Fritz Beblo setzt die angeregten Änderungen in Form von Skizzen und Gegenentwürfen durch. Trotz der Kritik an der uniformen Vorgehensweise des Stadtbauamts behielt die französische Verwaltung die Gesetzgebung bei, die bis weit in die Zwischenkriegszeit praktiziert wurde.
Nicolas Lefort - Les services d’architecture de l’État, des départements et des communes en Alsace et Lorraine après leur retour à la France: réorganisation et recrutement (1919-1939) (p. 111-130)
Pendant la période du Reichsland (1871-1918), les services publics d’architecture qui fonctionnent en Alsace-Lorraine évoluent sous l’influence du modèle allemand. En 1918-1919, le retour de ces territoires à la France est marqué par l’expulsion de la plupart des architectes chefs de service de nationalité allemande. L’article étudie les grandes lignes de la réorganisation des services publics d’architecture en Alsace et Lorraine et les critères de sélection des nouveaux architectes qui les dirigent pendant l’entre-deux-guerres en faisant la distinction entre ceux qui relèvent de l’État, des départements et des communes.
Autour de l’architecte : l’atelier, l’association
Pauline Nerfin - Antoine Leclerc & compagnies. Un architecte singulier au carré (p. 133-152)
Après neuf ans passés dans la capitale française, le jeune architecte DPLG Antoine Leclerc (1874-1963) revient dans sa Genève natale au tournant du siècle. Dès 1900, il s’associe avec son frère, ingénieur, et un autre architecte, Gaston Le Cerf; c’est au sein de ce trio tempétueux que s’élaborent d’originaux et étonnants plans de bâtiments. Au bout de quelques années, Leclerc forme un nouveau bureau, signant des formes plus consensuelles, avec l’architecte Charles-Auguste Gambini, qui semble assurer le côté plus commercial de l’affaire. Après la Première Guerre mondiale, il collabore avec un autre architecte également formé aux beaux-arts de Paris, Alexandre Camoletti, avant de sceller sa dernière raison sociale, Leclerc & Cie, avec sa fille, Marie-Louise, première femme architecte de Suisse romande. Par ailleurs, membre de la Fédération suisse des architectes (FAS), de la Société des ingénieurs et architectes suisses (SIA) et de l’Association Syndicale des Architectes pratiquants du Canton de Genève (ASA), il siège dans divers jurys régionaux et commissions de l’École des beaux-arts genevoise. La longue carrière d’Antoine Leclerc permet aussi d’émettre des hypothèses sur l’impact de ces coopérations sur sa production architecturale.
Peter Liptau - Recherchemethoden zu Biografien deutsch-französischer Protagonisten im Bauwesen Strassburgs 1871-1914 (p. 153-166)
Eine maßgebliche Aufgabe im Rahmen des Projektes „METACULT – Kulturtransfer in Architektur und Stadtplanung, Straßburg 1830-1940“ stellte die Erfassung oder auch Vervollständigung ausgewählter Biografien wichtiger Persönlichkeiten im Kontext des Straßburger Bauwesens dar. Relevant waren hier vor allem Daten über das Studium sowie das spätere Wirken von Bautätigen. Dies bedeutet nicht nur eine alleinige Analyse des Schaffens der Personen. Vielmehr sollten auch Ausbildungswege, amtliche Stellungen innerhalb der Bauverwaltung sowie Funktionen in den zu dieser Zeit immer einflussreicher werdenden unterschiedlichen Berufsverbänden mit aufgenommen werden. Ziel ist nun, die Ergebnisse der Nachforschungen zu zeigen und einen Überblick über die Recherchemöglichkeiten und -methoden zu geben, mit denen die sehr unterschiedlichen Quellen in Hochschularchiven, Verwaltungsakten, Archiven der Berufsverbände, Nachlässen, Adressbüchern sowie die relevante Sekundärliteratur erschlossen wurden und weiter werden können.