Pascal Burgunder — Introduction (p. 7-22)
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Joanna Martin — Les antiquités de Russie méridionale au Louvre et la collection Messaksoudy (p. 23-62)
L’histoire des collections provenant de Russie méridionale dans les musées occidentaux demeure un sujet peu traité. En France, les musées du Louvre et d’Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye intègrent un mobilier archéologique provenant de ces régions essentiellement à la faveur des «dévolutions» de la guerre de Crimée (1853-1856), ainsi que de l’achat d’une riche collection privée d’antiques, celle de Pierre Messaksoudy. Nous revenons ici sur les circonstances ayant présidé à l’entrée de ce patrimoine dans les musées français et aux péripéties qui en accompagnent l’acquisition.
Ol’ga Vital’evna Gorskaja — Diadèmes et pendants d’oreille grecs des VIe-IVe s. av. J.-C. provenant de collections privées des XIXe et XXe siècles, d’après les objets du Département du monde antique du musée de l’Ermitage (p. 63-92)
Cette contribution présente uniquement des parures de tête, soit des diadèmes et des pendants d’oreille, d’époque archaïque et classique. Ces bijoux proviennent des importantes collections privées de Jules Lemmé, P. A. Mavrogordato, M. P. Botkin et A. I. Nelidov. Bien que ces noms soient largement connus au-delà des frontières de la Russie, les collections en question sont encore insuffisamment étudiées et de nombreux objets pourtant d’excellente qualité artistique sont totalement inconnus d’un large cercle de scientifiques. Notre propos est ici de montrer quelques-unes des plus anciennes parures du littoral de la mer Noire et de les porter à la connaissance de la communauté scientifique. Les diadèmes et pendants d’oreille présentés dans cette contribution ne constituent qu’une partie des parures provenant de collections privées que conserve le musée de l’Ermitage. La publication d’autres types de bijoux datés de ces époques est en préparation.
Ol’ga Jur’evna Samar — Forme et signification des décors en stuc des sarcophages bosporans (p. 93-144)
La présente contribution étudie les reliefs de stuc qui entrent dans la composition du décor des sarcophages de bois dans le royaume du Bosphore aux Ier et IIe s. apr. J.-C. Ces monuments sont devenus une tradition locale interprétant à sa manière les particularités des rites funéraires grecs et romains, l’iconographie et le style de l’art antique. Ils posent aux chercheurs un certain nombre de questions quant à leur datation, leur attribution, la reconstitution des sarcophages et de leur décor, et soulèvent aussi celle de l’évolution de l’art bosporan dans son ensemble et de l’influence des composantes provenant du monde grec, de l’Asie Mineure, du monde romain et du monde barbare.
Jurij Alekseevič Vinogradov — Juz-Oba, une nécropole tumulaire de l’aristocratie bosporane du IVe s. av. J.-C. (p. 145-180)
La nécropole tumulaire de Juz-Oba («les Cent collines», en langue tatare) est située au sud de la ville de Kertch. La quarantaine de kourganes qui la compose a été fouillée principalement durant la seconde moitié du XIXe siècle. Le dépouillement et l’étude des archives afférentes aux fouilles menées sur ce site montrent que la nécropole a été utilisée durant 75 ans environ et qu’elle n’a débordé que de très peu sur le IVe s. av. J.-C. Divers types de sépultures ont été découverts sous le remblai des kourganes. Les caveaux funéraires à voûtes de pierre en encorbellement ou imitant un couvrement en berceau sont probablement d’origine thrace. Le gigantesque hypogée du kourgane «Ostryj» rattache ce monument au monde scythe. Les kourganes les plus tardifs de la nécropole permettent d’évaluer l’intensification, dans le Bosphore de la dernière décennie du IVe s. av. J.-C., des influences culturelles en provenance de la région du Kouban, c’est-à-dire émanant de la sphère des tribus sarmates de Méotide. Un complexe funéraire découvert sur le cap Ak-Burun en 1875 est de toute première importance pour la compréhension de la période du déclin de la Grande Scythie et du début des incursions sarmates dans les steppes du littoral nord de la mer Noire.
Pascal Burgunder — Ombres et lumières du tombeau peint découvert par A. B. Ašik (p. 181-242)
Le tombeau peint mis au jour à Kertch par Anton Ašik passe aujourd’hui pour perdu. La découverte avait pourtant fait sensation, en 1842, lorsque la richesse de ses compositions peintes, demeurées en excellent état de conservation, se révéla à l’archéologue et à son dessinateur. Ils procédèrent en quelques jours à la copie des peintures. Ces relevés seront à la base d’une publication consacrée au monument funéraire dont certains exemplaires destinés à de hauts personnages seront illustrés de dessins coloriés
à la main. Une patiente enquête nous a mené à retrouver deux exemplaires coloriés, déposés dans des musées russes de renom. Ces trouvailles, portées pour la première fois à la connaissance du public, offrent l’occasion de se pencher à nouveau sur cet extraordinaire hypogée.
Ivonne Ohlerich — Formes de piété individuelles et collectives dans le royaume du Bosphore Cimmérien. L’exemple des inscriptions votives (p. 243-284)
La piété est un acte religieux et fonde la cohésion sociale. Aussi une marque de piété publique peut-elle s’expliquer par beaucoup de raisons, qu’il s’agisse de montrer son appartenance à un groupe social ou de présenter une image de soi. La tradition grecque antique connaissait de nombreux moyens d’exprimer sa piété. La plus individuelle est sans doute l’inscription votive, exposée dans l’espace public. Dans le futur royaume du Bosphore Cimmérien, habité par des colons grecs au VIe s. av. J.-C., des inscriptions votives étaient exposées depuis le IVe siècle. On les considère en général comme un témoignage de la floraison économique du royaume. Mais est-ce seulement faute de moyens financiers que les colons n’ont pas introduit plus tôt la tradition grecque? Un examen des inscriptions votives et de l’évolution de la religion et des sanctuaires dans le royaume du Bosphore prouve que l’on choisissait très consciemment les moyens d’exprimer sa foi et de se présenter soi-même, conférant ainsi à cette culture un caractère tout à fait particulier.
Svetlana Il’inična Finogenova, Tat’jana Anatol’evna Il’ina — Fouilles de la cité de Taman: de l’antique Hermonassa à la Tamatarkha médiévale (p. 285-326)
Hermonassa est située sur la côte méridionale de la baie de Taman. Elle occupe aujourd’hui une surface de près de 16 ha répartie sur deux niveaux. Des recherches archéologiques sont actuellement menées dans la moitié ouest, déclarée protégée et libre de toute construction moderne. La ville d’Hermonassa apparaît au plus tard à la fin du VIe s. av. J.-C. et subsiste presque sans interruption durant les époques historiques successives, changeant seulement de taille et de nom. Au IVe s. av. J.-C., elle intègre l’État du Bosphore Cimmérien en même temps que la Sindiké. Durant les premiers siècles de notre ère, des liens commerciaux entre le Bosphore et les tribus alanes sont entretenus via Hermonassa. L’histoire antique de la ville d’Hermonassa s’achève avec l’arrivée des nomades. Dès le milieu du IIIe siècle, la ville subit l’invasion des Goths, alors que durant la seconde moitié du IVe siècle, l’arrivée des Huns ne cause pas de destruction notable à la ville. L’influence de Byzance commence à se faire sentir à Hermonassa aux Ve et IVe siècles. L’histoire médiévale de la ville de Tamatarkha débute lorsqu’elle passe sous la coupe des Khazars au VIIe siècle. Il se peut que Tamatarkha ait fait partie, avec d’autres centres urbains de Tauride, du système de « dyarchie » byzantino-khazare. Ce système de rapports réciproques s’est poursuivi jusqu’au deuxième tiers du IXe siècle.
Sergej Mikhajlovič Il’jašenko — Les importations de céramique. Une source pour l’histoire de la formation et du développement de la place de commerce de Tanaïs (p. 327-376)
Selon une opinion bien établie, la ville grecque de Tanaïs, fondée à l’embouchure du fleuve homonyme (le Don) à la fin du premier quart du IIIe s. av. J.-C., joua dès sa fondation un rôle de centre de transit commercial dans les relations entre le monde grec et les barbares. Les nomades pouvaient y acheter des articles d’importation en échange de leurs propres produits et d’esclaves. Les partisans de cette thèse s’appuient généralement sur le passage où Strabon, à la charnière du Ier s. av. et du Ier s. apr. J.-C., qualifie Tanaïs de «plus grande place de commerce des barbares après Panticapée». Pour témoins de ces relations commerciales avec les populations des environs, on cite habituellement les céramiques importées : amphores, vaisselle de table et vaisselle d’apparat. Or c’est précisément sur la base d’une analyse des céramiques importées découvertes jusqu’ici à Tanaïs et dans ses environs que le présent article tente d’expliquer à la fois les raisons et le moment de l’émergence d’une place commerciale effectivement importante à Tanaïs.
Vladimir Anatol’evič Gorončarovskij — La forteresse bosporane d’Ilouraton du Ier au IIIe siècle: bilan des recherches (p. 376-410)
Les résultats des fouilles du site d’Ilouraton donnent une idée nette de la vie de cette petite cité du Bosphore et du niveau de développement local de l’art de la fortification à l’époque romaine. La phase du Ier siècle comprend les vestiges d’une petite tour, un segment de mur de défense lié à cette tour, et un puits accessible par un passage souterrain. La transformation des ouvrages de défense de la première phase d’Ilouraton ne se fit pas avant le deuxième tiers du IIe siècle. L’ensemble du site fortifié fut complètement réaménagé à la fin du IIe siècle, et trois lignes de défense renforcées à leur base par une ceinture de protection contre les coups de bélier. Le fossé creusé dans le rocher à une profondeur de 1,50 m constituait un obstacle supplémentaire. Lors de la dernière étape, dans le premier tiers du IIIe siècle, on aménagea un ouvrage avancé en forme de bande derrière le mur de défense nord-ouest. En cas d’attaque, les étroits passages entre les maisons étaient obstrués pour freiner encore la progression de l’ennemi. Les fouilles de 2013 ont enrichi la connaissance de cette période par la mise au jour, pour la première fois, de l’angle est de la forteresse, constitué d’un bastion avancé, de plan circulaire avec un diamètre de 8 m, situé plus bas sur la pente de la colline. Au début de la deuxième moitié du IIIe siècle, un violent tremblement de terre causa de lourds dégâts à tous les ouvrages fortifiés. La fin d’Ilouraton, liée aux événements de l’époque des invasions des Goths, suivit peu après.
Vladimir Andreevič Khršanovskij — Nécropoles et sanctuaires du plateau d’Ilouraton (p. 411-458)
Cette contribution dresse le bilan des recherches archéologiques effectuées sur le plateau d’Ilouraton, du nom de la petite ville fortifiée qui, aux confins occidentaux du royaume du Bosphore, exista du milieu du Ier s. apr. J.-C. aux années 260. Les fouilles effectuées durant de nombreuses années (1947-2013) au sud du site fortifié ont permis la découverte de plus de deux cents monuments funéraires commémoratifs et sanctuaires. Ils se répartissent en trois nécropoles contemporaines: la première à inhumations en pleine terre, la seconde à tombeaux creusés dans la roche et la troisième de type mixte. La diversité des types d’aménagements funéraires et commémoratifs, ainsi que leur répartition spatiale ne permettent pas de répondre à la question de leur rapport avec la population d’Ilouraton. De nombreux indices d’utilisation secondaire et l’apparition de nouveaux aménagements postérieurs à l’abandon d’Ilouraton (datant du IVe au XIIIe siècle) interdisent de les mettre en relation exclusivement avec la ville fortifiée antique d’Ilouraton et donnent des raisons de supposer qu’aux yeux des hommes de l’Antiquité, ce plateau avait en soi un statut «sacré» et mérite donc d’être considéré comme un site archéologique à part.