À LA CROISÉE DES DISCIPLINES
LITTÉRATURE - HISTOIRE DE L'ART - CINÉMA - THÉOLOGIE
SOMMAIRE
Jean KAEMPFER - Avant-propos (p. 3-6)
Philippe KAENEL - Le corps du Christ entre imaginaires photographiqueet graphique au XXe siècle : autour du suaire de Turin (p. 7-28)
L'idée selon laquelle le suaire de Turin serait une sorte de photographie remonte à la « révélation » qui a suivi sa première prise de vue en 1898. Cette photographie a permis non seulement de détailler le corps du suaire mais aussi, selon le modèle de la sémiologie médicale, de le narrativiser et de l'indexer sur le récit biblique. En rendant la vision de l'objet inévitablement médiate, ces prothèses visuelles ont fait reculer les évidences, les ont déplacées en créant de nouvelles énigmes.
Valentine ROBERT - Regards croisés sur la crucifixion : les points de vue du cinéma (p. 29-52)
Cet article étudie la manière dont la mise en scène cinématographique de la crucifixion renouvelle le traitement du point de vue. Le dispositif spectaculaire de la Croix, les limites de l'Incarnation, le mystère psychologique du Fils« abandonné », les témoins oculaires et mystiques, la nature iconique, séculariséeou « visionnaire » du motif... tout concourt à faire de la crucifixion un terraind'expérimentations des angles de vue et de la focalisation, afin de susciter chezle spectateur une nouvelle perception intellectuelle, artistique ou spirituelle ducrucifié, et du cinéma.
Alain BOILLAT - Jésus par Scorsese. La Dernière tentation du Christ : du romanesque au filmique (p. 53-72)
Le présent article analyse de façon comparative le roman de Nikos Kazantzaki La Dernière tentation du Christ et son adaptation cinématographique en soulignant notamment en quoi le film, dont on montrera que la thématique constitue une préoccupation récurrente de Scorsese, réduit l'amplification des textes évangéliques proposée par le roman. Examiner la façon dont le film s'approprie et travaille cette fiction permet en retour de nourrir une réflexion sur quelques aspects-clés du roman qui ont trait à la subjectivisation de la perception, par exemple en ce qui concerne la mise en scène de la Parole et la représentation d'hallucinations auditives.
Antonin WISER - Deus ex machina. Jésus dans les récits de voyages spatio-temporels (p. 73-90)
La présente étude s'attache à examiner les rapports qui s'établissent entre les paradigmes épistémiques scientifiques et religieux dans les romans de science-fiction mettant en scène des « retours » vers Jésus. Au-delà des différences génériques - du roman à la nouvelle, du journal au pastiche -, les textes étudiés sont tous préoccupés par le statut de vérité du récit évangélique que la raison techno-scientifique vient inquiéter. Le voyage temporel apparaît alors comme une mise à l'épreuve de ce récit, non sans réserver quelques surprises...
Alain BOILLAT - L'amplification des évangiles par la bande (dessinée) à l'aube du XXIe siècle (p. 91-110)
Le présent article se propose d'étudier les formes d'amplification narrative des évangiles dans quelques bandes dessinées récentes dont l'intrigue, indubitablement marquée par l'imaginaire populaire associé aux découvertes archéologiques des apocryphes, repose sur un démenti des textes canoniques. On verra comment, dans certaines séries comme Le Triangle secret, l'extrapolation ésotérique engendre une prolifération vertigineuse du matériau narratif, et peut même déboucher sur une oeuvre romanesque volumineuse.
Jean KAEMPFER - Jésus et Christ. Roman d'un couple à problèmes (p. 111-128)
Le merveilleux chrétien ne va pas de soi. Depuis deux siècles et demi, les historiens de Jésus s'attaquent à ce massif pour le réduire à la raison. Reprenant (non sans naïveté parfois) ce projet philologique, une famille de romans de Jésus (les romans du « cinquième évangile ») basent leur intrigue sur l'exhumation de documents inédits qui remettent en question les vérités de la foi. On peut y lire une sorte de relevé sismographique de la « fortune » du christianisme au cours de ces vingt dernières années. Jésus, dans Da Vinci Code par exemple, est réhabilité au détriment du Christ prêché par l'Eglise, alors que pour d'autres romans (plus cyniques), le ver est dans le fruit : c'est Jésus lui-même qui a ourdi la manoeuvre messianique nécessaire au succès temporel de la grande machine ecclésiale.
Pierre GISEL - Mises en scène récentes de Jésus : symptôme d'un déplacement socioculturel (p. 129-144)
Les représentations de Jésus, différentes tout au long des siècles, sont toujours significatives. Le présent article attire l'attention sur certains déplacements contemporains. La modernité avait d'abord donné lieu à des mises en scène de Jésus attachées à en restituer la figure à l'humain, que ce soit un Jésus historique validé contre la construction religieuse - en l'occurrence, chrétienne - ou que ce soit un Jésus comme personnage de narrations ou de représentations mises en oeuvre selon une intrigue hors tout plan divin extérieur. Or, bien des représentations contemporaines donnent à voir un Jésus délibérément inséré dans un tissu religieux et comme personnage religieux. Ce déplacement est doublement révélateur des mentalités d'aujourd'hui. Il fait voir un retour du religieux d'une part, d'un religieux autre que les paradigmes majoritaires hérités d'autre part : un religieux fait de motifs ésotériques, d'une vérité d'initiation, d'une insertion de l'humain dans du cosmique harmonieux, d'un rapport vie-mort plus poreux, des motifs qui se tenaient parfois derrière la littérature apocryphe chrétienne ou parachrétienne.
Nathalie DIETSCHY - L'autoportrait en Christ de Renee Cox : étude d'un scandale (p. 145-167)
En 2001, au Brooklyn Museum de New York, la photographe Renee Cox crée la polémique avec Yo Mama's Last Supper (1996), parodie de la cène dans laquelle l'artiste afro-américaine pose complètement nue, à la place du Christ. La triple transgression des canons établis par la tradition iconographique religieuse opérée par Renee Cox (Jésus est une femme, noire et nue) interroge les limites de la représentation et de la réception de Jésus, ce que révèle le scandale que le cliché a suscité.
ADRESSES DES AUTEURS (p. 169-170)