SOMMAIRE
Dave LÜTHI - Introduction : le client, un acteur oublié (p. 7-20)
L’architecte et son client
Doris HUGGEL - L’architecte Paul Reber et la construction de l’église de Kilchberg (p. 21-48)
Quel défi pour l’architecte Paul Reber, tout juste trentenaire, que de gérer la construction de l’église de Kilchberg (canton de Bâle-Campagne), entre 1866 et 1868 ! Il fallait d’une part compter avec le commanditaire, qui prenait 70 % des coûts à sa charge, mais était installé en Angleterre et participait à distance aux débats de la construction, après en avoir défini l’essentiel du programme ; mais aussi, d’autre part, avec le représentant de l’Etat, ainsi que les délégués des communes composant la paroisse, qui entendaient eux aussi intervenir dans le projet. La prise de décision n’en devint que plus difficile, menant à plusieurs reprises l’architecte dans une situation délicate. Cela ne l’empêcha pas de faire preuve d’une grande habileté dans la réalisation de cette église, ce qui lui procura par la suite de nombreuses commandes, favorisant notamment l’épanouissement de sa carrière dans la construction religieuse.
Gilles PROD’HOM - Le syndic, le propriétaire et l’investisseur : un portrait immobilier d’Edouard Dapples (1807-1887) (p. 49-72)
En tant que propriétaire et syndic, le politicien libéral Edouard Dapples prit part au développement urbain lausannois au milieu du XIXe siècle. Ses archives personnelles permettent d’esquisser l’évolution du patrimoine immobilier d’un membre de l’élite lausannoise et de documenter les rapports que celui-ci a pu entretenir avec les architectes, en particulier le futur syndic Louis Joël. Durant la seconde syndicature de Dapples (1857-1867), la ville participe à des chantiers importants de construction de routes et de logements ; plusieurs documents mettent en évidence les conflits d’intérêts d’un magistrat qui investit l’immobilier à titre privé ou par le biais de sociétés anonymes.
Joëlle NEUENSCHWANDER FEIHL - Jean-Jacques Mercier-Marcel et son architecte Francis Isoz : genèse d’une relation à travers le cas du château d’Ouchy
(p. 73-102)
Le propos initial voulait rendre compte de la relation entre le « capitaliste » lausannois Jean-Jacques Mercier-Marcel et l’architecte Francis Isoz, qui devient à partir de 1886 et de son projet de reconstruction du château d’Ouchy en hôtel, l’architecte attitré de la famille Mercier et de la Compagnie du chemin de fer de Lausanne à Ouchy et des Eaux de Bret. La consultation des archives de la Fondation de famille J. J. Mercier-de Molin, auxquelles j’accédais pour la première fois, s’est avérée décevante sur ce point. Par contre, j’y ai découvert de la correspondance et des dessins de l’architecte Maurice Wirz, auteur d’un premier projet pour le château d’Ouchy, ainsi que de nombreux plans dus à Francis Isoz concernant cet édifice et d’autres réalisations, d’une grande qualité graphique. Ces documents apportent des informations inédites sur le développement du projet pour le château et fournissent de précieux indices sur la relation entre le maître de l’ouvrage et son architecte ; ils forment la matière de ce texte.
René KOELLIKER - René Chapallaz, architecte de la Tavannes Watch Co
(p. 103-124)
En 1905, la Tavannes Watch Co emploie plus de six cents ouvriers et figure parmi les plus grandes fabriques d’horlogerie de Suisse. Cofondateur de l’entreprise, Henri-Frédéric Sandoz (1851-1913), fort de ce succès, nourrit de grandes ambitions architecturales pour son entreprise et engage René Chapallaz (1881-1976), architecte établi à La Chaux-de-Fonds. La collaboration débute en automne 1905 et se termine en octobre 1907. En quelques mois, Chapallaz construit la villa de la famille Sandoz, un bureau d’architecture, un lotissement de maisons et une fabrique dont les éléments architecturaux et décoratifs sont largement influencés par le Heimatstil et le « style sapin » développé à l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds.
Les sociétés immobilières
Dave LÜTHI - L’apparition des sociétés immobilières et les mutations du marché architectural : l’exemple lausannois (1860-1880) (p. 125-154)
Dans le deuxième tiers du XIXe siècle, les sociétés commerciales s’emparent du secteur constructif, lui insufflant un renouveau formel et fonctionnel. Grâce à des moyens financiers accrus, les édifices ou les ensembles bâtis présentent une monumentalité inconnue auparavant ; en outre, édifiés en vue de promotion immobilière ou de location, ils n’abritent plus les maîtres de l’ouvrage et doivent donc être conçus pour un « client type ». Une véritable mutation des habitudes architecturales s’en suit. L’exemple lausannois est très représentatif puisque la ville doit son expansion presque exclusivement à des sociétés privées, les autorités libérales se refusant à prendre en charge l’urbanisation d’un chef-lieu alors en plein essor.
Claire PIGUET - 1858 : une année faste pour les sociétés immobilières en ville de Neuchâtel (p. 155-180)
Dans un contexte de profonds changements économiques, politiques et sociaux, cinq sociétés immobilières voient le jour à Neuchâtel entre mai 1858 et juillet 1859. Reflet de leurs tailles et de leurs objectifs, elles offrent un nombre et un éventail de réalisations très variés : d’une à quarante constructions dans le domaine du logement et des infrastructures. Si la figure de l’architecte est discrète, la forte implication des autorités municipales constitue par contre une surprise.
Frédéric PYTHON - La société immobilière genevoise et ses architectes (1853-1889) (p. 181-210)
Parmi les clients ou « commanditaires » traditionnels de l’architecte, le « siècle de l’industrie » vit apparaître un nouvel acteur, sous la forme collective de la société anonyme immobilière. La Société immobilière genevoise, fondée en 1853 à Genève, en constitue un cas intéressant pour la Suisse. En effet, sa structure juridique lui permit de développer des méthodes de travail qui appliquèrent à la construction les principes de division et de spécialisation de la culture capitaliste. Cette organisation spécifique avait bien sûr des motivations économiques et elle eut en effet une incidence sur le bénéfice de la Société. Mais indirectement, elle eut aussi des répercussions sur la qualité des édifices financés, ainsi que sur la position professionnelle de ses employés spécialisés, l’architecte Francis Gindroz et l’ingénieur Philippe Ami Goetz.
Julie LAPOINTE - Les sociétés anonymes à vocation hôtelière de l’Arc lémanique (1826-1914) (p. 211-240)
Partie intégrante du développement touristique de l’Arc lémanique, l’industrie hôtelière a largement contribué à affermir la réussite économique de cette région de la Suisse au XIXe et au début du XXe siècle. Créées pour financer la construction des palaces et grands hôtels de l’époque, les sociétés anonymes à vocation hôtelière ont représenté un secteur d’activité profitable qui a su réunir les acteurs de différents milieux : touristique, bancaire, politique, industriel ou commercial. Travaillant en étroite collaboration avec certains architectes, ces sociétés sont devenues de précieux clients pour ces derniers. Depuis la formation de la Société des Bergues de Genève en 1826 jusqu’à celle de la Société du Grand Hôtel de Clarens en 1914, près d’une cinquantaine de sociétés différentes vont voir le jour autour du bassin lémanique. Quel portrait peut-on dresser de ces sociétés et quelle a été leur influence sur l’industrie hôtelière lémanique ?
Cédric HUMAIR - Postface : au coeur de l’industrialisation de la construction
(p. 241-250)
Adresses des auteurs (p. 251-252)