De la fin du XIXe siècle, le XXe hérite le mirage des livres totaux et du savoir absolu. Tout dire semble être le fin mot de la littérature. Mallarmé avait renoncé à écrire LE LIVRE dont le projet, ironiquement déjà peut-être, hantait son oeuvre. Les avant-gardes des années vingt relèvent le défi de la totalité sous la forme spéciale de l'oeuvre commune et créatrice de communauté: tout dire pour tout le monde, par tout le monde, tel est bien l'aventure tentée par les surréalistes par le biais de l'écriture automatique. Le Collège de Sociologie, l'existentialisme, Oulipo, Tel Quel et les Pataphysiciens (sous une forme parodique) reprendront à leur manière le flambeau de la création, si ce n'est toujours collective, ayant du moins la collectivité en ligne de mire. Mais il semble que le "groupisme" en littérature soit passé de mode depuis que les idéaux communautaires - et communistes - ont sombré. Les groupes littéraires furent aussi étroitement liés à la modernité artistique, fondée sur une esthétique de la rupture, exigeant des manifestes, des déclarations, des scandales. Tout cela ne semble plus guère de mise en régime postmoderne. Pourtant, depuis les années 1995, il semble que des collectifs littéraires se forment à nouveau: autour de revues (Perpendiculaire, Revue de littérature générale) ou de manifestes (La Nouvelle Fiction). Quelques mouvements "historiques" semblent même refaire surface (Les Pataphysiciens se «désoccultent» en 2000, Les Oulipiens publient une nouvelle revue). Le phénomène ne se borne d'ailleurs ni à la France (Les Nouveaux Puritains en Angleterre, en 2001), ni à la littérature (Dogma, dans le monde du cinéma). Reste à savoir comment interpréter ces symptômes...