A partir du XVe siècle, les voyages et plus généralement la circulation des personnes, des idées, des choses, se multiplièrent. La découverte du continent américain, puis celle d'autres terres dans l'hémisphère sud, apportèrent à l'Europe des bouleversements nombreux. Un monde qui s'imaginait fermé fut confronté au tout autre, espaces inconnus et hommes impensables. Dans notre vision simplifiée, nous faisons naître une conscience nouvelle du voyage effectué par Colomb en 1492. En fait, le processus fut lent et conflictuel, et ses effets en retour se font encore sentir aujourd'hui. Durant le premier tiers du XVIe siècle, au sud, les conquistadores espagnols, mus par la soif de l'or, pénétrèrent dans l'intérieur du continent et exterminèrent les civilisations indigènes Aztèques et Incas. Au nord, les Français, dont les pêcheurs connaissaient Terre Neuve et la côte du Labrador dès avant la fin du XVe siècle, explorèrent le Saint-Laurent, avec Jacques Cartier, à partir du milieu du XVIe siècle. Ils tentèrent plusieurs fois de créer des établissements au Canada et développèrent le commerce des fourrures avec les Indiens. Les Portugais se maintinrent sur les côtes de l'actuel Brésil. Les Anglais contrôlèrent le littoral de l'Amérique du nord et parvinrent au début du XVIIe siècle à établir des colonies permanentes en Virginie et en Nouvelle Angleterre. Les relations des colons anglais avec les Indiens furent marquées par une succession de guerres cruelles. Sur l'ensemble du continent, les maladies apportées par les Européens, autant que les guerres et les sévices, firent des ravages dans les populations indigènes.
Le continent américain ne fut pas le seul territoire découvert puis exploité par les Européens. Descendant le long des côtes africaines, les Portugais doublèrent le Cap de Bonne-Espérance et parvinrent jusqu'aux Indes et en Chine. Voulant tenter la première navigation autour de la terre, Magellan passa la pointe de la Terre de Feu et parvint aux Philippines en 1521. Des ports furent construits, des comptoirs établis, le commerce des épices et des soieries se fit désormais par la mer. Les Hollandais et les Anglais développèrent des flottes marchandes et militaires.
Quels furent les effets de cette première "mondialisation" sur la culture et la pensée en Europe? Il fallut d'une part comprendre l'existence d'une humanité nouvelle pour laquelle la doctrine chrétienne n'avait prévu aucune place. Ces hommes étaient-ils nés d'Adam? Avaient-ils reçu la Révélation? Les questions théologiques ne restèrent pas confinées dans les églises; elles trouvèrent un prolongement dans le désir de convertir à la foi chrétienne les populations nouvellement apparues; les missions se multiplièrent. D'autre part, dans toute l'Europe, la curiosité fut alimentée par d'innombrables récits de voyage, par des collections de compilation, par un fructueux marché de l'image exotique. Pour ne mentionner que quelques exemples français, Théodore de Bry diffusa sa collection des Grands Voyages puis des Petits Voyages. André Thevet, capucin devenu cosmographe, publia des ouvrages où le témoignage se mêlait à l'imagination. Jean de Léry écrivit son Histoire d'un voyage faict en la Terre de Brésil, que Claude Lévi-Strauss appelle "la bible des ethnographes". Deux champs de connaissances liés aux découvertes prirent un essor considérable: la cosmographie et l'histoire naturelle: elles permirent le développement moderne de plusieurs de nos sciences, géographie, ethnologie, botanique, zoologie...