L'une des causes majeures de la mélancolie des écrivains romantiques est sans doute le renoncement forcé aux ambitions politiques et sociales de leurs aînés. Deux révolutions manquées suffiront à périmer toute "utilité" de la littérature. Les philosophes et les prophètes s'éclipsent pour laisser place à leurs doubles déchus: saltimbanques, bohémiens, comédiens, jongleurs, clowns, fous du roi. Ces figures, malgré le désarroi dont elles témoignent, permettent d'animer autour d'elles tout un imaginaire pittoresque, exotique ou archaïque: ainsi en est-il des fous et acrobates médiévaux, des bouffons shakespeariens, des Arlequins et des Pierrots de la commedia dell'arte... Renonçant résolument à l'honorabilité bourgeoise, le poète maudit invente les haillons somptueux d'une nouvelle dignité - tout en se donnant l'illusion de renouer avec ses origines.