La réflexion sur la parodie part en général de la forme, sur l'invite étymologique : « chanter à côté », sens premier de parôdia. Les Grecs s'en servaient pour désigner un texte épique détourné de sa fonction d'origine : on récitait un sujet bas en respectant le style élevé du genre, de manière à provoquer le rire du public. La parodie, à l'instar du rire, fonctionne comme un leurre : elle commence par mettre en scène les prétentions du texte parodié, faisant semblant d'y adhérer, pour en dénoncer ensuite le prestige usurpé par les moyens de la dérision. Tel est le fonctionnement de la sotte chanson médiévale : elle reprend la forme du grand chant courtois des trouvères, mais y introduit un vocabulaire concret, pratique l'insulte et rabaisse l'homme au niveau de l'animal, créant un univers incompatible avec l'idéal de la fin'amor. Au passage du Moyen Âge à la Renaissance, les sermons joyeux recourent aux mêmes structures discursives que les prédicateurs, mélangent le latin et le français pour célébrer, non pas l'enseignement du Christ ou la vie d'un saint, mais les plaisirs de la table et de la chair. La parodie a partie liée avec le carnaval : en dehors du théâtre profane, lieu privilégié de cette rencontre, la critique a parlé de « renversement carnavalesque » au sujet du Testament de François Villon et des récits de François Rabelais.
Religion, amour, chevalerie, poésie ! La parodie démasque et désacralise en s'en prenant à tout ce qui est célébré, révéré dans et par l'écriture. Ainsi, le Roman de Renart fait des combats chevaleresques, des scènes de jugement et des pèlerinages une source du rire, lorsqu'il attribue des comportements humains à des héros animaux ; quant à Audigier, évoqué dans la sotte chanson citée ci-dessous, c'est une chanson de geste scatologique. La voix de fausset de la parodie est, d'abord et avant tout, irrévérence, une irrévérence qui ne recule même pas devant l'obscénité. Mais cela signifie-t-il que la parodie appartient nécessairement et exclusivement au domaine du rire ? Plusieurs critiques en doutent, car trop souvent elle se met au service de la satire, devenant alors un instrument de la critique morale, de la dénonciation d'une crise des valeurs dans une société qui a perdu ses repères. Au lecteur de savoir s'il peut se contenter de rire à la lecture du Roman de Renart ou si, sous le voile de la fable animale, il doit entrevoir le dysfonctionnement d'une société féodale gouvernée par un roi faible. Le rire n'est pas toujours joyeux et la parodie parfois moins innocente qu'il n'y paraît.