Après trente ans de règne quasi incontesté, le formalisme est aujourd'hui remis en cause. Sans retourner au réalisme ou à la théorie de l'engagement, écrivains et critiques ne semblent plus se satisfaire d'une littérature autotélique, réflexive et "abymée" dans la contemplation de son fonctionnement textuel. Durant les quinze dernières années, alors que la transitivité du texte narratif est redécouverte par les romanciers (parfois ironiquement), le débat littéraire sur la fiction s'est élargi aux dimensions d'une interrogation anthropologique. C'est la nature même de la fiction, son rôle dans l'évolution humaine et son importance dans l'existence des lecteurs, que questionnent aujourd'hui les romanciers et les théoriciens. Voilà que sont mis en évidence, selon une hiérarchie variable, des fonctions ontologiques, cognitives, cathartiques, critiques... Voilà que l'on relit, pêle-mêle les réflexions qu'Aristote, Henry James, Stevenson, Calvino, Ricoeur avaient consacrées à l'intrigue, au récit, au roman, l'action. La distinction entre réalité et fiction (auteur et narrateur, auteur et personnage tout aussi bien) a par ailleurs été au centre de la polémique provoquée en 1998 par la parution des Particules élémentaires de Michel Houellebecq.