Des remarques sur le mariage dans la Première Épître aux Corinthiens à la condamnation du De amore d'André le Chapelain en 1277 par Etienne Tempier, évêque de Paris, la méfiance face au plaisir apparaît comme une constante de la mentalité médiévale. L'Église elle-même ne parle pourtant pas d'une seule voix, et il ne faut pas céder à l'image réductrice d'un Moyen Âge qui aurait condamné en bloc les manifestations du corps : la violence même avec laquelle les moralistes les dénoncent en dit long sur leur importance dans la vie sociale. A la morale du monastère s'oppose la morale de la cour et de la ville.
La littérature a dit le désir dans toutes ses nuances. Si le chant courtois l'a sublimé, le roman introduit des scènes de rapt et de viol, et le fabliau porte un regard complaisant sur l'adultère. La nuit obscure ou la campagne sauvage, l'ailleurs aussi dans lequel vit la fée, créent des plages de liberté où le plaisir s'affirme en dehors des contraintes sociales. Le corps y a droit de cité, et le rire jaillit dans certains textes qui, jouant la carte de la grossièreté, voire de l'obscénité, transgressent les tabous et parodient volontiers les genres élevés : un même public pouvait apprécier les différents registres.