Après la seconde guerre mondiale, la littérature semble redécouvrir les vertus des règles et des contraintes formelles. Les nouveaux romanciers, puis les auteurs de l'Ouvroir de Littérature Potentielle (Oulipo) vont ainsi à l'encontre d'un long processus de libération que les romantiques avaient amorcé. Interrogeant les règles anciennes (comme celles de la tragédie classique ou du sonnet) ou inventant de nouvelles méthodes de production ou de transformation des textes, les zélateurs des contraintes pouvaient poursuivent des objectifs et obtiennent des résultats apparemment contradictoires: éprouver les potentialités structurelles de la langue et du récit ou explorer leur propre inconscient (voir l'oeuvre de Pérec).
Parce qu'elle précède les jeux surréalistes et anticipe sur les découvertes structuralistes, l'oeuvre de Raymond Roussel est au centre des réflexions accomplies sur la contrainte durant ce dernier siècle. L'oeuvre de ce poète et romancier inclassable, ainsi que son fameux Comment j'ai écrit certains de mes livres, inspira aussi bien Breton que Foucault, Leiris que Ricardou. La littérature à contraintes est aujourd'hui encore très vivante. Elle innerve, par exemple, les deux magnifiques numéros de la Revue de Littérature Générale. Elle tente les romanciers comme les poètes (comme Régine Détambel ou Pierre Alfieri), et est au coeur d'une entreprise de démocratisation de l'écriture par le biais des Ateliers d'écriture (ceux, par exemple, que dirige François Bon).