Dies academicus 2007: le professeur Claude Joseph reçoit le Prix de l'Université de Lausanne
Pour des chercheurs engagés dans la société
Que représente pour vous l'attribution du Prix de l'Université de Lausanne?
Je suis très touché par l'attribution de ce prix. J'imagine que c'est mon engagement dans les activités sciences-société qui me vaut cet honneur et je m'en réjouis car cela démontre que la Direction accorde une certaine importance à ce genre d'activité. J'estime personnellement qu'il est essentiel qu'un dialogue s'établisse entre les citoyens et les scientifiques, afin que les premiers comprennent ce qu'est la recherche et que les seconds appréhendent ce qui préoccupe les citoyens.
Quelles sont, selon vous, les initiatives récentes les plus marquantes développées en Suisse en matière de dialogue sciences-société?
La création de la Fondation Science et Cité, dont l'objectif est de favoriser l'établissement d'un dialogue critique entre scientifiques et citoyens me semble l'initiative la plus importante au niveau national. Les activités qu'elle mène, en particulier par l'organisation des Festivals, ont rencontré un assez grand succès. Je relèverai en particulier, lors du Festival 2001, les journées portes ouvertes des Hautes Ecoles qui ont rassemblé sur le site de Dorigny-Ecublens plusieurs milliers de visiteurs. A l'occasion du Festival 2005, j'ai notamment apprécié le laboratoire installé dans l'Espace Arlaud par les scientifiques de l'UNIL et de l'EPFL, ainsi que la création de représentations théâtrales sur le thème des relations entre sciences et société. Malheureusement, les moyens dont dispose la Fondation sont toujours insuffisants; par exemple, le soutien que la Fondation apporte au Réseau Romand Science et Cité - qui réunit l'ensemble des institutions et des musées romands à vocation scientifique - par l'attribution d'un subside de CHF 80'000.- ne permet pas de créer un réel événement, tel qu'une exposition ou un spectacle. L'autre initiative remarquable, encore unique en Suisse, est l'ouverture par l'Interface sciences-société du laboratoire public de l'UNIL, L'Eprouvette, où les élèves de nombreuses classes et les adultes de tous niveaux de formation peuvent se familiariser avec les sciences du vivant et débattre de l'impact de ces nouvelles connaissances sur la société. Les activités réunies sous l'appellation Anthropos, qui stimulent les rencontres interdisciplinaires, constituent également, surtout lorsqu'elles débouchent sur des débats publics, une initiative importante.
Quelles sont, selon vous, les initiatives à entreprendre, et les obstacles à surmonter, pour favoriser l'engagement des chercheurs dans la société?
Je remarquerai tout d'abord que s'il fut à l'occasion des Festivals Science et Cité relativement facile d'obtenir la participation de scientifiques des sciences de la nature ou des sciences techniques, il a été beaucoup plus difficile d'entraîner les collègues des sciences humaines. Cette situation paraît paradoxale, on s'attendrait à ce que sociologues, politologues, psychologues, économistes ou juristes, en prise directe avec la société, soient particulièrement sensibles aux problèmes sociaux et deviennent les moteurs des tentatives de dialogue avec les publics. Je pense qu'il faut développer les lieux de rencontre entre scientifiques des sciences naturelles et techniques et ceux des sciences humaines. De ce point de vue, le projet Nanopublic de l'UNIL, qui rassemble des philosophes, sociologues, politologues, ingénieurs, physiciens, toxicologues pour faire le point sur les questions de l'impact des nanotechnologies émergeantes et qui s'ouvre sur des débats citoyens, me semble un exemple à suivre pour stimuler l'engagement des chercheurs dans les débats avec la société. Enfin, afin que les chercheurs soient encouragés à consacrer une partie de leur temps aux relations avec la société, il faudrait qu'ils y soient préparés au cours de leur formation et que cette activité soit valorisée dans leurs curricula, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.