Le premier enseignement que l’on peut rattacher aux sciences sociales et politiques est celui d’économie politique donné par Charles Comte dès 1821. Comte est un exilé, qui cherche à éviter une condamnation pour propagande libérale et crime de presse. Ses amis vaudois lui procurent alors une place à l’Académie de Lausanne, où il enseigne également le droit public et le droit privé.
Dès 1838, la charge du cours d’économie politique est confiée à Antoine-Elysée Cherbuliez. Ce dernier est opposé aux révolutions qui ont lieu en Europe, à la démocratie, aux interventions de l’Etat dans l’économie, etc. Ce discours conservateur est très apprécié des Vaudois.
Luigi Amedeo Melegari reprend la charge d’enseignement en 1840 avec succès. C’est un patriote italien du Risorgimento, exilé en France, qui est arrivé à Lausanne sous le nom d’emprunt de Thomas Emery, Lorsqu’il révèle sa véritable identité, il obtient un permis de séjour, puis la naturalisation vaudoise. Melegari est destitué de son poste en 1846, à la suite du coup d’Etat universitaire de février 1845 et regagne l’Italie où il enseigne le droit constitutionnel à l’Université de Turin.
De 1856 à 1870, aucun cours de sciences sociales ou d’économie n’a lieu à l’Académie. En 1860, un congrès international sur la question de l’impôt est organisé, présidé par Cherbuliez. Léon Walras, un Français de 26 ans, présente un mémoire présentant la théorie de l’attribution de la terre et de la rente foncière à l’Etat. Ses propos ne sont pas bien accueillis par les congressistes, mais retenus par Louis Ruchonnet. En 1970, sur une proposition de Ruchonnet, devenu conseiller d’Etat, Léon Walras se voit attribuer l’enseignement de l’économie politique jusqu’en 1892 au sein de la Faculté de droit. Il y élabore alors ses principes fondamentaux d’économie politique. Les successeurs de Walras reprendront ses théories, les reformulant, les complétant et les généralisant. Ils formeront l’Ecole de Lausanne.
Vilfredo Pareto succède à Walras en 1893. Il enseigne l’économie pure, l’économie politique appliquée et formule la théorie de la distribution de la richesse. Toutefois s’impose un besoin grandissant d’étendre les enseignements rattachables aux sciences sociales. Afin de compléter les connaissances en économie, Walras enseigne les sciences sociales et publie des écrits sociologiques. De nouveaux enseignants sont engagés afin de développer les enseignements en économie et en sciences sociales que Pareto ne peut assumer: Vittorio Racca pour l’économie politique et Pasquale Boninsegni pour l’économie.
En 1901, les autorités créent l’Ecole des sSciences sSociales et Politiques (SSP), rattachée à la Faculté de droit, et instaurent en 1902 les grades de licencié et de docteur ès sciences sociales. Les enseignements sont alors répartis entre la Faculté de droit et la Faculté des lettres. Elle L’Ecole est officiellement reconnue en 1911 et Ernest Roguin en devient le président jusqu’en 1917. Ce n’est qu’en 1927 qu’elle recevra officiellement le nom d’Ecole des sciences sociales et politiques.
Malgré les hésitations du Conseil d’Etat et l’hostilité de certaines facultés, contre lesquelles se bat Pareto, l’Ecole continue à s’étendre et à créer de nouvelles chaires et de nouvelles sections (licence ès sciences consulaires, 1917; licence pédagogique, 1919).
En 1916, Charles Gide, oncle d’André et surtout théoricien de l’économie sociale, reçoit le premier doctorat honoris causa de l’Ecole des SSP. Pareto, alors âgé de 69 ans, quitte l’enseignement.
Maurice Milloud reprend la présidence de l’Ecole de 1917 à 1925. Il mise sur le développement de la filière de pédagogie. Elle est créée en 1920. A son décès, le Conseil d’Etat décide de supprimer l’enseignement de la sociologie. Suite aux diverses démarches d’Antoine Rougier, successeur de Milloud, Pasquale Boninsegni reprend la charge du cours de sociologie.
En 1928, Boninsegni est élu président de l’Ecole et Arnold Reymond devient vice-président. Ils fonctionneront ensemble jusqu’en 1939.
En 1937, l’Ecole est sous la présidence de Boninsegni. Celui-ci qui se prétendait — sans doute à tort — «ami d’enfance» de Benito Mussolini, force la main de l’Université de Lausanne pour remettre un doctorat honoris causa au chef d’état italien. Une partie de l’opinion publique s’indigne.
A la fin de 1938, Boninsegni quitte la présidence de SSP et Arnold Reymond lui succède. Auguste Deluz prend la vice-présidence. Il appuie le développement de la section de pédagogie. L’école s’aligne sur les exigences universitaires et propose un programme en six semestres.
En 1939, Jean Piaget reprend l’enseignement de la sociologie et de la psychologie, avant de partir à la Sorbonne en 1952.
Malgré le manque d’envergure scientifique de Boninsegni, l’Ecole de Lausanne connait un grand succès, surtout aux Etats-Unis et en Italie.
Jacques Secrétan est élu président en 1946. Il cherche à élever le niveau des études et à améliorer l’image de l’Ecole: il permet l’extension de la licence et du doctorat en science politique, il forme trois sections (sciences sociales, sciences politiques et sciences pédagogiques) comprenant les licences et doctorats correspondants, complétés par un diplôme d’études diplomatiques et consulaires et d’un certificat d’aptitude pédagogique.
Au gré de changements successifs de structure (révision des programmes, accroissement des moyens), les inscriptions à l’Ecole connaissent un essor considérable (+411% entre 1948 et 1967), ainsi qu’une extension progressive des enseignements.
En 1964 l'Institut de sociologie des communications de masse est créé, suivi, en 1966 de celui de science politique, puis, en 1967 de l'Institut de psychologie appliquée et du Centre de recherches d'histoire économique et sociale qui deviendra plus tard l'IRRI (Institut de recherches régionales interdisciplinaires). La Faculté connait une période de croissance avec la création de plusieurs nouveaux enseignements.
En 1973, l’Ecole transfère la licence en économie politique à l’Ecole des HEC.
Prenant acte des réalités contemporaines des écoles de SSP et de HEC et de leur extension importante, la loi sur l’Université du 6 décembre 1977 leur donne rang de facultés.
Depuis, le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter (+530% entre 1983 et 2003), ce qui pose des problèmes d’encadrement.
1997 voit le rattachement à la Faculté de la filière des sciences du sport, complétant par là même les cursus proposés dans les trois autres filières, à savoir la psychologie, les sciences sociales (qui regroupent la sociologie, la psychologie sociale et l’anthropologie), et les sciences politiques.
La Faculté des sciences sociales et politiques offre actuellement quatre filières de formation: science politique, sciences sociales, psychologie et sciences du sport et de l’éducation physique.
Marie-Pierre Bigler - UNIRIS 2014