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Cours de Vacances

Face aux tensions politiques de la fin du XIXème siècle, certains jeunes intellectuels choisissent la Suisse pour étudier dans des conditions pacifiques. Il devient donc indispensable à ces nouveaux étudiants de parfaire leur connaissance de la langue française afin qu’ils puissent suivre les enseignements qu’offre l’Universi­té de Lausanne. C’est ainsi qu’en parallèle à la création et au dévelop­pement de l’Ecole de Français moderne (EFM), les professeurs de la Faculté des lettres, soutenus par le prorecteur (recteur sorti) Georges Favez, proposent au Département de l’instruction publique et des cultes (DIPC), en février 1895, la création de «cours de vacances» à destination des étrangers voulant parfaire leurs connaissances en langue française. La Faculté demande également au DIPC une aide financière. L’initiative est acceptée par l’Etat qui institue les Cours de Vacances comme un organe indépendant financièrement, mais recevant annuellement des subsides étatiques. Les Cours de vacances ne doivent pas être confondus avec l’EFM même s’ils collaborent et évoluent parallèlement. Les mêmes professeurs enseignent parfois à l’EFM et pendant l’été au sein des Cours de Vacances. De plus, les directeurs sont souvent communs aux deux institutions et le matériel didactique est partagé. La différence fondamentale entre les deux «sœurs» repose sur l’indépendance financière des Cours de Vacances. Ces derniers, en effet, fonctionnent comme une école privée. Ils sont financés par l’écolage des étudiants ainsi que par une aide directe (subsides) et indirecte (gratuité des locaux, du papier) de la part de l’Etat.[1]

Concrètement, en dehors de leur programme, on sait peu de choses des premières séries de Cours du Vacances dispensés dès l’été 1895. D’après les titres des enseignements (Etude historique de la conjugaison française et Questions de politique contemporaine), le niveau semble élevé. La cible est constituée d’étudiants en lettres et de professeurs de français à l’étranger et non pas de débutants. On veut avant tout donner un caractère académique et universitaire à l'enseignement. L’organisation pratique des premiers cours n’est pas connue; ils débutent le 22 juillet et se terminent le 31 août 1895. On ignore le nombre d’étudiants participant à la première volée, ni quelle part de l’enseignement était consacrée à l’étude de la culture, au tourisme et à la langue à proprement parler. Mais il est certain que les Cours remportent un important succès dès leur lancement.

Au fil des ans, ils s’enrichissent et se diversifient. Dans la perspective d'une initiation culturelle ils proposent des excursions en bateau, pris en charge financièrement par le DIPC. L’offre des cours proposés se renouvèle et s’axe sur l’actualité, ce qui favorise l’accroissement du nombre d’étudiants. A partir de 1898, le programme des cours laisse une marge de liberté importante aux professeurs pour approfondir certains sujets au travers de séminaires ex cathedra. L’organisation propose donc un système d’enseignement souple selon le contexte, le nombre d’étudiants et les motivations diverses des professeurs.

A partir de 1905, se développent des leçons de traduction de l’allemand, de l’anglais et du russe vers le français. Les effectifs croissent jusqu'à la Première Guerre mondiale qui aura des répercussions négatives sur la fréquentation des Cours durant laquelle les effectifs décroissent. Certains enseignements sont même supprimés durant l’été 1919 pour reprendre en 1920. Le cadre organisationnel est désormais mieux délimité, le pôle récréatif, touristique et culturel plus développé. Les responsables proposent des excursions dans les Alpes le samedi et des promenades dans la Broye le mercredi. La publicité des Cours de vacances constitue une promotion efficace pour l’Université de Lausanne. La demande étant constante et croissante, ils doivent être en mesure de proposer une offre de qualité diversifiée, afin de concurrencer d’autres institutions. Dans le cadre de ce «renouveau» le directeur, Georges Bonnard, (1920-1939) jouera un rôle important, notamment dans la recherche de nouveaux financements. Son dynamisme, son dévouement et sa motivation personnelle permettent l’achat de nouveaux livres, mis également à disposition de l’EFM. Dès la rentrée académique, les Cours disposent d’une bibliothèque et d’une salle de travail.

En 1926, un nouveau règlement est adopté, qui offre la possibilité d’obtenir un Certificat d’études françaises après deux séries d’enseignements. Etant donné leur important succès, les Cours sont prolongés au mois d’octobre dès 1928. Ainsi, les étudiants peuvent choisir entre deux séries de cours A entre juillet et août et deux séries de cours B entre septembre et octobre.[2]

Malgré le développement des Cours et l’augmentation des ressources financières, des problèmes administratifs et de ressources humaines surgissent au milieu des années 1920, qui débouchent sur une crise grave et une remise en question de la validité de l’institution.

A l’époque, le personnel fait régulièrement appel au secrétariat de l’Université pour le travail administratif. Mais malgré les indemnités versées à la secrétaire et au concierge par Bonnard, la chancellerie est contrariée de voir le secrétariat monopolisé par ses nouvelles attributions. En 1929, le chancelier Frank Olivier demande un cahier des charges détaillé précisant les tâches du secrétariat pour les Cours de Vacances. Le directeur Bonnard et le Conseil se sentent attaqués et demandent à l’Université si elle souhaite que l’institution poursuive son activité ou non. Cette question, ressentie comme une forme de pression, envenime la situation et attise les dissensions déjà présentes entre le recteur, le chancelier et la direction des Cours. La crise se solde par la démission du Conseil et du directeur Bonnard en novembre 1929.[3]

La Faculté des lettres prend alors la défense des Cours de Vacances, qu’elle estime utiles à la renommée de l’Université et de la ville de Lausanne. Elle demande au directeur et au Conseil de prolonger leurs activités respectives jusqu’à l’été 1930 afin d’être en mesure de leur trouver des successeurs. L’entrée en jeu de ce nouvel acteur favorise l'apaisement de la situation.

Pour succéder à Bonnard, René Rapin et Pierre Gilliard sont pressentis pour une direction bicéphale. Ils acceptent le mandat sous conditions, notamment un appui financier de la Ville et de l’Etat. Ce dernier devient le garant financier des Cours et la Ville de Lausanne verse un subside annuel de 1500 francs. Dès lors, les deux co-directeurs réorganisent l’ensemble des enseignements en les rendant plus souples et plus simples afin de diminuer les frais occasionnés. La crise administrative de 1929 aura permis une redéfinition claire des droits, des devoirs et des compétences financières des Cours de Vacances.[4]

Dès 1942 les programmes sont orientés dans deux voies: «un cours spécial pour maîtres/maîtresses de français de la Suisse et de l’étranger et un cours général destiné aux personnes qui désirent perfectionner leur connaissance de la langue et de la culture françaises»[5]. Des cours spécifiques sur des thèmes sont proposés, comme Rousseau et le Pays de Vaud ou l’écrivain Gustave Flaubert.

En 1948, Gilbert Guisan (1948-1979) prend les rênes des Cours de Vacances et innove en introduisant du matériel pédagogique spécifique. Pour son directeur, le matériel est un «support à l’enseignement pratique de la grammaire, de la traduction et des exercices de langue, de la phonétique/prononciation et de la lecture»[6]. Il introduit des brochures de lecture, de grammaire, de traduction et de phonétique sous format A5, rédigées par les professeurs et directeurs. On agrémente par ailleurs les Cours d’enseignements littéraires dispensés par des professeurs expérimentés sur des sujets tels que Le roman au XVIIIème siècle ou Les écrivains d’inspiration religieuse. A partir de 1956, Guisan repense la division des cours A et B, qui correspondait précédemment à un découpage chronologique. Le cours A s’axe désormais sur la littérature pour les professeurs de français étrangers et les cours B sont basés sur l’étude et la pratique de la langue et ouverts à tout le monde dès 16 ans.

Dès la sortie de la guerre, l’institution des Cours de Vacances est bien rôdée. Elle investit sans encombre le site de Dorigny, dès 1982. Son déménagement sur le campus a permis sa complète intégration au sein de la communauté universitaire par une convention administrative avec l’Université. A partir des années 80, les effectifs se stabilisent autour de 650 étudiants par été.

Les Cours de Vacances constituent aujourd’hui encore une institution dynamique et florissante pour l’Université de Lausanne. Au fil des ans, elle a développé son offre en proposant également des sessions de cours pour les personnes débutantes. En effet, la formule de cours A et B, selon l’orientation littéraire ou pratique, a désormais désormais place à des cours de base pour tous les niveaux le matin et des cours à option l’après-midi. Ces derniers comprennent des leçons de culture générale, de prononciation, d’écriture, de grammaire et de travaux au Centre multimédia.

Emilie Arbelay et Sacha Auderset - UNIRIS 2014

Notes

[1] SAUGY, Catherine, «Les Cours de Vacances», in L’Ecole de Français Moderne: 1892-1987, Lausanne, Université de Lausanne, 1987, pp. 97-99.

[2] Ibid., p.101-103.

[3] Ibid., pp. 103-106.

[4] Ibid., p. 107-109.

[5] Ibid., p. 112.

[6] Ibid., p. 114.