Images  éco‑responsables

La compression des images réduit le poids des pages et leur chargement.

En savoir plus

Rechercher dans

École d'ingénieurs (EPUL - EPFL)

Pendant longtemps, les hommes ont tenté de comprendre le monde qui les entourait par la philosophie. Progressivement, l’«honnête homme», né du christianisme, va se substituer au philosophe avec l’arrivée des sciences modernes. Ce nouvel homme veut saisir le monde et connaître «les mécanismes profonds et les quantifier afin de mieux l’utiliser à ses propres fins»[1]. Dès lors, le XIXème siècle oppose le savant à l’industriel, dont les langages sont différents. Le premier possède le savoir et les connaissances de la science et le second les exploite. Il était nécessaire de créer un lien entre les deux: l’ingénieur. Désormais on veut éviter de séparer radicalement les sciences pures de leurs applications. On crée donc des enseignements pratiques. L’ingénieur voit le jour au XIXème siècle, mais atteindra son âge d’or au XXème siècle.[2]

Une Ecole spéciale de la Suisse française pour l’industrie, les travaux publics et les constructions civiles ouvre ses portes à Lausanne le 7 novembre 1853. Jusqu'alors les jeunes Suisses qui visent une carrière technique supérieure doivent partir à l'étranger. Cinq hommes sont à l’origine de ce projet, inspiré du modèle de l’Ecole centrale des arts et manufactures de Paris. Il s’agit de: Jean Gay, recteur de l’Académie, Henri Bischoff, pharmacien, Louis Rivier, ingénieur-chimiste, Jules Marguet, ingénieur-constructeur et Pierre-Joseph Marguet, ingénieur. L'Ecole spéciale est un établissement privé, qui a pour but de «donner les connaissances théoriques et pratiques nécessaires aux jeunes gens qui se destinent à l'industrie, aux travaux publics et aux constructions civiles». La scolarité est de deux ans, portée à trois dès 1855. A l'ouverture, 11 élèves suivent les cours des 5 professeurs. Ces enseignants, véritables piliers de la nouvelle institution, ont d'autant plus de mérite d'avoir créé leur école qu'à cette époque un débat universitaire animé porte sur la création d'une Université et d'une Ecole polytechnique suisses, prévues par la Constitution de 1848 dans son article 22. Une commission d'experts est mandatée et une entente semble être atteinte pour créer l'Université à Zurich et l'Ecole polytechnique en Suisse française. En 1854 le Conseil national vote bien la création des deux hautes écoles, mais contre toute attente adopte une proposition visant à les installer toutes deux à Zurich. Les oppositions politiques vont être si farouches que le projet d'une université fédérale sera remisé au rayon des utopies.

En 1855 s'ouvre l'Ecole polytechnique de Zurich, tandis que l'Ecole spéciale de Lausanne a déjà décerné cinq certificats. La fréquentation en hausse impose la construction d'un bâtiment. Il sera inauguré en 1858, à la rue de la Tour. En 1863 une vingtaine de lignes en anglais sur le programme de l'Ecole vise à attirer des étudiants étrangers. Il s'agit là de la première démarche publicitaire académique lausannoise connue. Il est vrai que le statut privé de l'Ecole l'oblige à s'auto-financer. Une subvention bienvenue de l'Etat interviendra dès 1865. En 1869, la Loi sur l'instruction publique règle définitivement la question financière en rattachant l'Ecole à l'Université, sous le nom de Faculté technique. La taxe annuelle des étudiants passe de 500 francs (environ 5500 francs d'aujourd'hui) à 150 francs.

La loi de 1869 sépare les lettres et les sciences en deux facultés distinctes. L'Académie en compte désormais cinq. Lors de la transformation de celle-ci en Université, en 1890, la Faculté technique prend le nom d'Ecole d'ingénieurs. Comme la pharmacie dès 1881, elle est une composante de la Faculté des sciences. Les écoles jouissent d'une indépendance plus grande que les sections, renforcée, pour l'Ecole d'ingénieurs, par une situation géographique distante de l'Université. Quatre directions déterminent les filières d'études: le génie civil, la mécanique industrielle, l'électricité industrielle et la chimie.

Les personnalités qui animent les premières années de la Faculté technique sont nombreuses. En premier lieu les Marguet, père et fils. Jean-Pierre, le père, a été attaché aux études du chemin de fer de Paris à l'Angleterre et a donné son nom à un pont à Boulogne-sur-mer. Le fils Jules, après des études à Paris, fait une carrière de notable lausannois et bénéficie d'une audience politique; il sera directeur de la Faculté technique. Benjamin Mayor introduit les méthodes de la statique graphique dans l'espace. Adrien Palaz, personnage de premier plan, fut l'initiateur de la construction des tramways lausannois, participa à l'électrification de la ville de Lausanne, et veilla à la construction des usines de Pierre-de-Plan et de la ligne Frasnes Vallorbe avec le tunnel du Mont d'Or; il interrompra sa carrière lausannoise pour partir diriger, en France, l'Energie électrique du Sud-Ouest et l'Energie électrique du littoral méditerranéen.

En 1903 tandis que le canton de Vaud fête son centenaire, l'Ecole d'ingénieurs célèbre son demi-siècle. Elle est régie par le Règlement de 1896 qui restera en vigueur jusqu'en 1924. En 1919, Jean Landry en prend la direction, succédant à Adrien Palaz, parti en France. Landry reste directeur jusqu'à sa mort en 1940. Son nom reste intimement associé à la réalisation du barrage de la Dixence dont il fut l'instigateur et la cheville ouvrière. L'ère Landry est difficile, marquée par une morosité économique et une régression du nombre d'étudiants (de 299 à 139). En 1929 un don de l’ancien directeur Auguste Dommer permet de créer un fonds d’aide au Laboratoire de matériaux, d’hydraulique et de géotechnique. Alfred Stucky, infatigable constructeur de barages succède à Landry; il dirige l'Ecole de 1940 à 1963. L'époque est à la prospérité économique et l'Ecole atteint plus de 1000 étudiants. En 1942 elle quitte la Rue de la Tour pour le terrain des Cèdres à l'Avenue de Cour. Son indépendance est importante et le programme des cours de l’Ecole n’apparait plus dans celui de l'Université.

En pleine guerre, en juin 1943, grâce à l’appui de Paul Peret, chef du DIPC, le Canton décide la création d’une Ecole d'architecture et d’urbanisme rattachée à l’UNIL. Celle-ci n’a pas été consultée. Mise devant le fait accompli, elle fait part de ses réserves. L’Ecole d’architecture sera rattachée à l’Ecole d’ingénieurs. Toutes deux sont dirigées par Alfred Stucki. Cette création favorisera la séparation avec la Faculté des sciences quelques années plus tard.

En 1946, les Ecoles d’ingénieurs et d’architecture sont réunies formellement sous le nom d'Ecole polytechnique de l'Université de Lausanne (EPUL). Leur statut d'autonomie est officiellement reconnu. Maurice Cosandey en prend la direction en 1963 et fait de la recherche un pôle stratégique de l’Ecole. Il sera l'un des artisans de la fédéralisation de la haute école. A cette époque le Conseil d’Etat crée la Commission Failletaz, dont la mission est de mener une étude d’ensemble sur l’Université. Elle produit un rapport qui met en avant la nécessité de reconstruire de toute pièce l’Université dans un lieu adéquat. Le Canton achète le domaine de Dorigny. Dès 1964 l’EPUL déménage progressivement sur le site d’Ecublens. En août 1966 le Canton propose à la Confédération de reprendre l’Ecole. Le projet reçoit le soutien du conseiller fédéral Hans-Peter Tschudi. Aussi, en janvier 1969 l’EPUL devient EPFL. Elle s’organise en neuf départements: physique, mathématiques, matériaux, architecture, génie civil, génie rural, géométrie, électricité et chimie. L’EPFL doit se doter d'enseignements, jusqu’alors dispensés à l’UNIL, comme les mathématiques, la chimie ou la physique. Certains professeurs quittent à regret l’Alma mater pour rejoindre l’EPFL. Les salaires, plus élevés à la Confédération qu’au canton, constitueront cependant un baume efficace sur certaines plaies d’amour-propre.

Olivier Robert - UNIRIS 2014

Notes

[1] François Pruvot, «EPFL 125 ans», in Libres Propos, Lausanne: Imprimerie vaudoise, mai, 1978, p. 5.

[2] Idem.