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Faculté des hautes études commerciales

Le premier cours d’économie politique, dans le cadre d’enseignements extraordinaires et des cours libres, est donné en 1821 à la Faculté de droit de l’Académie de Lausanne par le professeur Louis-Frédéric Berger. La loi du 21 décembre 1837 substitue trois facultés aux anciens auditoires: théologie, droit et lettres et sciences. Au sein de cette dernière se crée la chaire d’Economie politique et sciences sociales, dès la rentrée académique de 1838/1839, avec les cours des professeurs Antoine Cherbuliez et Luigi-Amedeo Melegari [1]. Ce dernier, exilé mazzinien, acquiert très rapidement un vif succès au sein de l’Académie et des intellectuels vaudois de par ses qualités nouvelles et complémentaires. Grâce à une solide renommée bien établie, il obtient dès 1843 la chaire de droit international et de philosophie du droit. Cependant, il sera l’une des victimes du coup d’état académique de 1845. Et il sera contraint à quitter le Pays de Vaud. [2]

Quelque 40 ans avant le véritable acte de création de l’Ecole d’études commerciales, une première ébauche voit le jour en 1871 grâce au politicien lausannois Louis Ruchonnet. Conseiller fédéral de 1881 à 1893, il est intéressé par les études de commerce; en 1860, il rencontre un jeune économiste français, Léon Walras, qu’il songe à faire venir à Lausanne. Walras est nommé à la Faculté de droit en 1871 en qualité de professeur d’économie politique, charge qu’il occupera jusqu’au 1893. Son successeur sera un marquis italien, Vilfredo Pareto, professeur extraordinaire puis ordinaire de 1893 à 1917. Pareto sera engagé sur appel compte tenu d’une réputation dont l’intéressé est conscient. Il en profitera pour négocier, directement avec le Conseil d’Etat, un salaire de 7000 francs presque deux fois plus élevé que celui de certains collègues.

Walras et Pareto, grâce à leurs travaux, ont contribué grandement au progrès de la science économique. Ils s’inscrivent dans le nouveau courant de pensée connu sous le nom d’Ecole de Lausanne, d’obédience néoclassique.

Au début du XXème siècle se dessine la volonté de donner un caractère plus scientifique à l’enseignement commercial. La seule chaire d’économie politique n’est pas suffisante à ce but. L’Université de Lausanne suit le mouvement des Universités de Zurich (qui met en place un «haut enseignement commercial»), de Bâle (qui instaure la chaire d’histoire du commerce, d’économie et de politique commerciales) et de Neuchâtel (qui fonde de la section des hautes études commerciales). Le 15 avril 1911 le Conseil d’État crée l’Ecole des hautes études commerciales dans le but de fournir un programme d’études supérieures, combinant culture générale avec instruction spécialisée. La loi du 15 mai rattache l’Ecole des HEC à la Faculté de droit; elle modifie les articles de 4 à 8 de la loi du 10 mai 1890 portant sur les principaux objets d’enseignements. Dorénavant la Faculté de droit donne des enseignements d’économie, de technique commerciale et de mathématiques financières.

L’activité de l’Ecole des HEC commence avec la nomination de deux professeurs qui en sont les pionniers: Léon Morf (1873-1954) et Georges Paillard (1884-1932) qui débutent lors du semestre d’hiver1911-1912. Morf enseignait la technique commerciale, la comptabilité publique et les mathématiques financières et fut le premier président de l’Ecole (1912-1925); Paillard enseignait l’économie commerciale en tant que professeur extraordinaire (1911-1922), puis ordinaire (1922-1932). Il fut directeur de l’Ecole de 1925 à 1927. Entre 1919 et 1920, Georges Paillard obtint un congé de l’Université de Lausanne. Il part alors en Grèce, mandaté par le gouvernement grec afin d’organiser un Institut de Hautes Études Commerciales à Athènes. Adolphe Blaser, qui lui succède jusqu’en 1936, présente la particularité de n’avoir pour tout diplôme qu’un brevet d’enseignement secondaire. Lorsqu’il quitte l’Ecole, c’est Jules Chuard qui en prend la direction. C’est une personnalité importante de l’Ecole. Nommé professeur en 1926 puis directeur de 1936 à 1961, il s’adressera aux industries vaudoises pour solliciter un appui en faveur de l’activité de l’Ecole. C’est ainsi que sera créée la Société d’études économiques et sociales.

Il n’y a que deux professeurs pour 15 étudiants à l’Ecole des HEC en 1911; un nombre qui double en 1915. L’effectif continue d’augmenter jusqu’en 1931atteignant les 121 inscrits. Les années suivantes marquent une baisse qui dure jusqu’en 1941, année où l’Ecole reprend son développement. Dès lors elle connait un véritable essor jusqu’à nos jours avec 2644 inscriptions, dont 37% de femmes. Le nombre d’étudiants suisses resta constant pendant plusieurs années, celui des étrangers passa de 24 au semestre d’hiver 1923-24 à 78 au semestre d’été1930: aujourd’hui, la Faculté compte 42% d’étudiants étrangers.

Le premier règlement de l’Ecole, celui du 28 août 1911, prévoyait une durée des études de 4 semestres, l’enseignement de 6 disciplines obligatoires[3] et 3 facultatives. Entre 1911 et 1961, le règlement fut remanié à 8 reprises: la durée fut allongée à 6 semestres; la répartition des épreuves, d’abord portée sur trois séries, fut ramenée à 2, dont la première après 4 semestres et la deuxième à la fin de la troisième année. Au départ l’étudiant pouvait s’inscrire indifféremment à l’épreuve de la licence ou du doctorat. S’il réussissait le doctorat il recevait son grade après la soutenance d’une thèse. L’inscription à l’Ecole était acceptée pour les étudiants possédant un baccalauréat ou une maturité commerciale; les non-porteurs de ces titres devaient réussir un examen pour pouvoir s’inscrire. Le premier règlement comportait des licences ou des doctorats avec 5 mentions (Commerce et banque, administration générale, transports, douanes, assurances).

Le premier licencié fut Auguste Roulet, en mars 1913, qui avait déjà suivi les cours de l’Handelshochschule de Munich et devint professeur à l’École de commerce de La Chaux-de-Fonds. Le premier docteur fut Léon Felde en 1917, licencié ès sciences commerciales de l’Université de Lausanne avec une thèse sur «Le blé russe». Il devint sous-directeur, pour la Pologne, de la société d’assurances «Assicurazioni Generali». En 1931, l’Université conféra le premier titre de docteur honoris causa à ChristianMoser, professeur à l’Université de Berne et, en 1932, à GottliebBachmann, président de la Direction générale de la Banque Nationale suisse.

L’Ecole des HEC resta rattachée à la Faculté de droit jusqu’enau 1978. Les années qui vont suivre vont être marquées par un développement exponentiel, avec un doublement des effectifs étudiants en 10 ans et plusieurs créations d’unités; en 1979 le MBA (Master in Business Administration) est créé, suivi en 1982 par l’ouverture de l’Institut des sciences actuarielles (ISA), puis du Département d’économétrie et d’économie politique (DEEP) en 1983 et de l’Institut informatique et organisation (INFORGE) en 1988. Enfin l’Institut CREA de macroéconomie appliquée, voit le jour en 1989.

En 1980, sous l’ère du directeur Charles Iffland, les HEC prennent rang de Faculté. Le directeur devient doyen mais le nom d’Ecole n’est pas abandonné

La cohabitation entre la Faculté de droit et l’Ecole ne se déroula pas toujours sereinement. En 1919 déjà le professeur Samuel Dumas[4] réclamait la scission à grands cris. La lutte séparatiste dura longtemps: au début, les professeurs de l’École n’étaient même pas invités aux séances du Conseil de Faculté. Au Conseil des doyens, le directeur des HEC, comme ses collègues de SSP ou de pharmacie, n’avait qu’une voix consultative. Même après la séparation, le milieu académique désapprouve le statut universitaire de l’Ecole: il a de la peine à considérer le milieu de l’économie et donc de l’argent comme un ayant droit à une place dans l’Université. Le tournant fut pris dans les années quatre-vingt-dix, à l’époque du doyen Olivier Blanc (1990-2000), qui manifestait un esprit corporatiste et avait coutume de dire qu’il allait outre-Chamberonne, lorsqu’il se rendait au Rectorat. Il revendiquait une autonomie importante de l’Ecole par rapport à l’Université: l’objectif de la Faculté était alors résumé dans le dicton «être à l’Université de Lausanne, ce que le Wharton School est à l’Université de Pennsylvanie»; le premier pas fut de donner le nom «HEC Lausanne» pour démarquer la faculté de l’Université de Lausanne; en second lieu, il fallait doter l’HEC Lausanne de relations directes avec le monde économique et politique, lui assurer des collaborations et une représentation avec les étudiants, les diplômés et les professeurs du monde entier. Cette mission a finalement payé et la réputation de l’Ecole s’est étendue bien au-delà des frontières.

Andrea Vovola et Olivier Robert - UNIRIS 2014

Notes

[1] Il enseignera jusqu’en 1843 sous le nom d’emprunt de Thomas Emery de Malte; cf. Giovanni Ferretti, Melegari à l’académie de Lausanne: suivi de documents de son enseignement, Lausanne:Librairie de l’Université de Lausanne, 1949, p. 17.

[2] Ibid., p. 20.

[3] Parmi l’économie commerciale, la technique commerciale et séminaire, la comptabilité publique, les statistiques, l’économie politique, la géographie économique, l’introduction aux études juridiques, le droit commercial de change, la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, le droit des assurances.

[4] 1881-1938, professeur extraordinaire de technique des assurances de 1913 à 1938 et de mathématiques financières de 1919 à 1938.